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Remonter dans le temps pour mieux connaître les risques de séismes dans l’estuaire

- Julie Tremblay

Et si les tremblemen­ts de terre du passé pouvaient nous aider à mieux préve‐ nir ceux à venir? En étu‐ diant des glissement­s de terrain qui sont survenus dans les profondeur­s de l'estuaire du Saint-Laurent, une équipe de chercheurs de l'Institut des sciences de la mer de Rimouski (ISMER) a réussi à les associer à plu‐ sieurs tremblemen­ts de terre majeurs, dont cer‐ tains remontent à près de deux siècles.

Pour ce faire, les scienti‐ fiques ont mené une mission de deux semaines à bord du navire Coriolis II entre La Mal‐ baie et Baie-Comeau. Ils ont prélevé des sédiments dans les fonds marins en faisant des carottages.

Ces carottes sédimen‐ taires, c’est un peu comme des livres où chaque centi‐ mètre va représente­r une page d’histoire. Donc nous, au lieu de tourner les pages, on remonte centimètre par centi‐ mètre dans une carotte sédi‐ mentaire, explique le direc‐ teur de l'ISMER, Guillaume StOnge, qui est aussi titulaire de la Chaire de recherche du Ca‐ nada en géologie marine.

Après un tremblemen­t de terre, certaines couches de sé‐ diments se déplacent puis se déposent dans les fonds ma‐ rins. Guillaume St-Onge décrit ce phénomène comme une sorte d'avalanche sous-ma‐ rine. Ça a des caractéris­tiques sédimentol­ogiques qu’on est capables d’identifier en labo‐ ratoire, indique-t-il.

Les chercheurs ont ainsi pu associer ces couches de sé‐ diments avec certains trem‐ blements de terre survenus notamment en l'an 645, en 1145 ainsi qu'en 1663, où un séisme estimé à une ma‐ gnitude de 7 – soit l'équi‐ valent du tremblemen­t de terre survenu en 2010 en Haï‐ ti – s'est produit dans la zone sismique de Charlevoix-Ka‐ mouraska.

Ce que nos travaux dé‐ montrent, c’est qu’il faut être prêts à un tremblemen­t de terre comme ça, parce qu’ils se sont déjà produits.

Guillaume St-Onge, direc‐ teur de l'ISMER et titulaire de la Chaire de recherche du Ca‐ nada en géologie marine

Les scientifiq­ues croient aussi qu'un tsunami aurait pu se produire en 1925 dans le Saint-Laurent. D'autres re‐ cherches seront toutefois né‐ cessaires avant de prouver cette hypothèse.

L’intérêt de remonter dans le temps, c’est de mieux com‐ prendre cette fréquence et cette occurrence ou récur‐ rence d’événements impor‐ tants dans le temps, précise M. St-Onge. De tels phéno‐ mènes pourraient causer des dégâts importants s'ils se re‐ produisaie­nt, une éventualit­é à laquelle les Municipali­tés doivent se préparer, estime-til.

Pensez par exemple à la

Côte-Nord où il y a seulement une route qui longe le SaintLaure­nt, la 138, fait valoir M. St-Onge. Il y a des ponts, il y a des habitation­s, donc ces glissement­s de terrain peuvent créer des effondre‐ ments qui vont affecter les in‐ frastructu­res, dit-il.

Les découverte­s des cher‐ cheurs permettron­t éventuel‐ lement de préciser la carte des aléas sismiques dans le

Saint-Laurent. Cette carte-là sert entre autres à donner des informatio­ns pour le code du bâtiment, ce qui permet de faire des infrastruc­tures qui résistent à des tremble‐ ments de terre de forte ma‐ gnitude, explique M. St-Onge.

Dans le cadre de ce projet, M. St-Onge a collaboré avec l'étudiant au doctorat de l'IS‐ MER-UQAR Méril Mérindol, ainsi qu'avec Nabil Sultan et Sébastien Garziglia, de l’Ifre‐ mer en France, et Patrick La‐ jeunesse, de l’Université Laval.

Leurs recherches figurent parmi les 10 découverte­s de l'année du magazine Qué‐ bec Science.

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