France : manifestations et grève massive contre une réforme des retraites
Des manifestants en nombre à travers la France, une production électrique en berne, des transports très perturbés sur le réseau ferroviaire et à Paris, des écoles fer‐ mées : la France est plon‐ gée jeudi dans une journée de grève massive contre une réforme des retraites décriée, un test politique pour le président Emma‐ nuel Macron dans un contexte économique et social tendu.
Le projet et sa mesure phare, le report de l'âge de dé‐ part à 64 ans contre 62 au‐ jourd'hui, se heurtent à un front syndical uni et une large hostilité dans l'opinion d'après les sondages.
On est à genoux, lâche Flo‐ rence Trintignac, 54 ans, cadre de santé rencontrée parmi des milliers de manifestants à Clermont-Ferrand, dans le centre de la France. Pour elle, cette réforme, c'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase.
Les manifestants ont bat‐ tu le pavé jeudi matin dans plusieurs villes françaises, avant que le cortège parisien ne s'ébranle vers 13 h TU pour dire « non » au recul de l'âge légal de départ à la retraite.
Les premiers chiffres re‐ montés par les autorités at‐ testent d'une importante mo‐ bilisation : au moins 30 000 personnes ont défilé à Toulouse (sud-ouest), 26 000 à Marseille (sud-est), 15 000 à Montpellier (sud-est), 14 000 à Tours (centre), 13 600 à Pau (sud-ouest), 12 000 à Perpignan (sud) et Orléans (centre)...
La mobilisation est au-delà de ce qu'on pensait, s'est féli‐ cité le numéro un du syndicat
CFDT, Laurent Berger, au dé‐ but de la manifestation pari‐ sienne.
La réforme des retraites canalise tous les mécontente‐ ments en France, a estimé sur la chaîne Public Sénat le secré‐ taire général du syndicat CGT Philippe Martinez.
Un rejet de cette réforme exprimé avec véhémence par Manon Marc, animatrice sco‐ laire interrogée à Paris : Je trouve qu'on se fout de notre gueule. Ils ne savent pas ce que c'est que de travailler jus‐ qu'à 64 ans dans ces condi‐ tions-là.
Les secteurs de l'énergie et des transports sont tou‐ chés
Anticipant un jeudi de ga‐ lère, le ministre délégué aux Transports, Clément Beaune, avait appelé à différer les dé‐ placements ou à télétravailler, une pratique qui s'est large‐ ment répandue en France de‐ puis le confinement pour en‐ diguer la COVID en 2020.
Les agents de l'entreprise publique d'électricité EDF ont procédé à des baisses de pro‐ duction d'électricité, attei‐ gnant au moins l'équivalent de deux fois la consommation de Paris.
Du côté des raffineries, la CGT TotalEnergies comptait entre 70 et 100 % de grévistes, sur la plupart des sites du groupe.
La grève était très suivie dans les transports avec qua‐ siment aucun train régional, peu de trains à grande vitesse (TGV), un métro tournant au ralenti à Paris et une grande banlieue très peu desservie.
L'aviation civile a demandé aux compagnies aériennes d'annuler jeudi un vol sur cinq à l'aéroport de Paris-Orly, en raison d'une grève de contrô‐ leurs aériens.
De nombreux services pu‐ blics font l'objet d'appels à la grève, en particulier l'éduca‐ tion, où le principal syndicat, la FSU, dénombre 70 % d'en‐ seignants grévistes dans les écoles et 65 % dans les col‐ lèges et lycées.
Un test pour le pré‐ sident
Emmanuel Macron, dont la réforme des retraites est un chantier crucial du second quinquennat, pour lequel il s'était engagé dès la cam‐ pagne de son premier man‐ dat, joue gros : son parti, qui ne dispose pas d'une majorité à l'Assemblée nationale, pour‐ rait être fragilisé si le mouve‐ ment était profond et du‐ rable.
Ce test politique pour le président – qui reste en de‐ hors de la mêlée et envoie la première ministre Élisabeth Borne en première ligne – in‐ tervient dans un contexte économique et social tendu.
Les Français subissent les effets d'une forte inflation, à 5,2 % en moyenne en 2022, dans un pays qui a été secoué lors du premier mandat d'Em‐ manuel Macron par les mani‐ festations des Gilets jaunes contre la vie chère.
Bloquer l'économie
Pour le leader de Force ou‐ vrière, Frédéric Souillot on est partis pour un conflit dur et il faut bloquer l'économie.
Bien que leurs modes d'ac‐ tion divergent, les huit princi‐ paux syndicats présentent un front uni inédit depuis 12 ans.
La gauche et l'extrême droite sont également oppo‐ sées à la réforme. Seule l'op‐ position de droite classique paraît ouverte au compromis.
La France est l'un des pays européens où l'âge légal de départ à la retraite est le plus bas, sans que les systèmes de retraite soient complètement comparables. C'est 65 ans en Allemagne, Belgique ou Es‐ pagne, 67 ans au Danemark, selon le Centre des liaisons européennes et internatio‐ nales de sécurité sociale, un organisme public français.
Le gouvernement a fait le choix d'allonger la durée de travail, pour répondre à la dé‐ gradation financière des caisses de retraite et au vieillissement de la popula‐ tion. Il défend son projet en le présentant comme porteur de progrès social, notamment en revalorisant les petites re‐ traites.