Le convoi des camionneurs, un an plus tard
Il y a près d'un an, le 23 jan‐ vier 2022, des camionneurs quittaient l'ouest du pays pour protester à Ottawa contre les mesures sani‐ taires. Après ce qu'on l'on a surnommé « le convoi de la liberté », qu'en pensent certains protagonistes?
Ils ont été des milliers à oc‐ cuper le centre-ville de la capi‐ tale fédérale pendant près de trois semaines.
Ils réclamaient la fin des mesures sanitaires pour les camionneurs qui entrent au Canada. En janvier 2022, le gouvernement fédéral avait exigé que ceux qui fran‐ chissent la frontière cana‐ dienne devaient être entière‐ ment vaccinés.
L’industrie du camionnage avait alors estimé que la me‐ sure d’Ottawa entraînait la mise à l’écart de quelque 16 000 conducteurs de moins sur les routes.
Un an plus tard, certains manifestants pensent que leur action en a valu la peine.
Nous avons ouvert les yeux de nombreuses per‐ sonnes, estime Ruddi Bruce, l'un des manifestants. D'après lui, les protestataires se sont levés pour ce qui était juste.
L'occupation a donné des maux de tête aux autorités, et pas seulement dans la capi‐ tale fédérale.
À Coutts en Alberta, des manifestants ont bloqué la frontière canado-américaine pendant plusieurs jours.
De l’avis de Justin McCar‐ ter, qui s’est rendu à Coutts, le blocage a au moins prouvé que les politiciens n'écou‐ taient pas les citoyens : Si j’avais eu assez d’argent, j’au‐ rais été à Ottawa.
Nous sommes juste des camionneurs. Vous savez, quand la COVID-19 a frappé, nous n'avions nulle part où manger. On était sur la route. On était loin de nos familles. J'ai un nouveau bébé, vous sa‐ vez, je ne le vois pas beau‐ coup. Ce n'est pas un travail facile.
Justin McCarter, manifes‐ tant à Coutts
Mais peu importe la mani‐ festation, certains ne re‐ grettent rien. C’est le cas d'Éric Demers, qui avait participé au convoi dans l’Ouest avant de se joindre à manifestants au Québec : Je recommencerais demain matin. Même que je vais recommencer dans les prochaines semaines.
D’autres, qui n’ont pas par‐ ticipé au convoi, ont des avis plus mitigés vis-à-vis de son impact. Est-ce que le convoi a porté fruit? Oui et non, l'obli‐ gation vaccinale est levée, mais l'économie est pire qu'avant, estime Guy, un ca‐ mionneur.
Des clivages l’Ouest et l’Est entre
Le convoi de camionneurs, outre son opposition aux me‐ sures sanitaires, a souligné des fractures importantes entre l'est et l'ouest du Cana‐ da, selon Frédéric Boily, pro‐ fesseur de sciences politiques de l’Université de l’Alberta.
Les raisons sous-jacentes au convoi ne relèvent pas seulement de l'extrémisme et du radicalisme d'extrêmes droites et de raisons cultu‐ relles, parce qu'il y a des rai‐ sons économiques, il y a des raisons qui sont liées à l'ex‐ ploitation de l'ensemble du secteur énergétique des pro‐ vinces de l'ouest, tout particu‐ lièrement l'Alberta.
Frédéric Boily, professeur de sciences politiques, Univer‐ sité de l'Alberta
Ce n'est pas un hasard si le mouvement avait aussi son origine dans l'ouest du pays, poursuit-il, tout en soulignant qu'un clivage s’est fait ressen‐ tir au sein même des élus. Les députés de la Saskatchewan comme Andrew Scheer voyaient le convoi de manière beaucoup plus positive, dit-il, tandis que du côté des pro‐ vinces comme l’Ontario ou le Québec c’était beaucoup moins le cas.
À son avis, le climat poli‐ tique en vit encore les consé‐ quences.
Ça ne s’est pas amélioré après le convoi, et ça peut laisser présager des temps dif‐ ficiles. Surtout en raison de la nature de certains projets po‐ litiques comme celui du Parti libéral : le projet de transition énergétique, dit M. Boily.
Il avance que ce climat po‐ litique délétère agit comme un terreau fertile à d’autres manifestations dans l’avenir.
Pas nécessairement des manifestations de camion‐ neurs comme tels, note-t-il.
La prochaine étape dans la saga du convoi de camion‐ neurs sera la publication du rapport de la commission Rouleau qui s'est penchée sur l'utilisation de la loi sur les mesures d'urgence.
Il devrait être publié au mois de février.