Roe c. Wade, une décision qui a changé la vie des Américaines
Il y a 50 ans, la Cour su‐ prême américaine affir‐ mait le droit des femmes de mettre fin à leur gros‐ sesse. Même s'il a été inva‐ lidé l’été dernier, cet arrêt reste emblématique pour les libertés individuelles.
Andréanne Bissonnette, chercheuse en résidence à l’Observatoire sur les ÉtatsUnis à la Chaire Raoul-Dandu‐ rand de l’Université du Qué‐ bec à Montréal, a répondu à nos questions.
Quelle était la situation avant le 22 janvier 1973 en ce qui concerne l'accès à l'avortement?
En 1973, l’avortement était légal dans quatre États : Wa‐ shington, Alaska, Hawaï et New York. Dans 16 autres États, il n’était permis que dans certaines circonstances, notamment pour préserver la vie de la mère ou en cas d’in‐ ceste, tandis que dans les autres États, il était complète‐ ment illégal.
L’interruption de grossesse était tout de même pratiquée dans l’illégalité, ce qu’on appe‐ lait les back alley abortions (avortements clandestins), avec tous les risques que cela représentait pour la santé des femmes.
Dans quel contexte in‐ tervient cette décision?
Dans les années 1960, deux causes en lien avec le droit à la vie privée ont prépa‐ ré le terrain pour Roe c. Wade.
En 1965, la Cour suprême, avec la décision Griswold c. Connecticut, est venue légali‐ ser la contraception pour les personnes mariées, statuant que l’interdiction contrevenait à leur droit constitutionnel à la vie privée. Sept ans plus tard, en 1972, l’arrêt Eisens‐ tadt c. Baird a légalisé cet ac‐ cès pour l'ensemble de la po‐ pulation, indépendamment de leur état matrimonial.
Puis est venue, en 1973, la légalisation du droit à l'avor‐ tement.
Ce trio de décisions est ba‐ sé sur l'interprétation du 14e amendement qui confère un droit à la vie privée.
Que dit exactement l'ar‐
La Cour suprême, dans une décision à 7 contre 2, vient dire que la grossesse se‐ ra divisée en trois trimestres et, selon le trimestre dans le‐ quel on se trouve, l'État aura plus ou moins de pouvoir sur l'encadrement de la procé‐ dure et sur sa légalité.
Pendant le premier tri‐ mestre, qui va jusqu'à la 14e semaine, la décision de procéder à un avortement est une décision médicale privée entre la patiente et son méde‐ cin.
Dans le deuxième tri‐ mestre, de la 14e semaine jus‐ qu’au point de viabilité, soit la 24e semaine, la Cour suprême dit que les États ont un cer‐ tain intérêt dans la protection de la vie de la patiente, et qu’ils peuvent légiférer pour assurer sa sécurité. On peut penser à des consultations, au type d'informations qui doit être transmis aux pa‐ tientes, au contexte clinique dans lequel les avortements peuvent être pratiqués, etc. Les États peuvent encadrer la procédure, mais ils ne peuvent pas l’interdire.
Ensuite, durant le troi‐ sième trimestre, à partir du moment où le foetus est viable à l'extérieur du corps de la patiente, l'État a un inté‐ rêt dans la vie à naître et peut proscrire complètement l'ac‐ cès à l'avortement.
Certains soutiennent que