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L’entreprise libérée : un modèle d’affaires qui favorise la rétention de personnel

- Marika Wheeler

Des entreprene­urs à la re‐ cherche de solutions à la pénurie de main-d'oeuvre se tournent vers la compa‐ gnie beauceronn­e AD+ pour s’inspirer de son mo‐ dèle d'affaires peu com‐ mun.

Le cuisiniste de Sainte-Ma‐ rie est devenu une entreprise libérée il y a près de cinq ans. Avec un tel modèle, il n’y a pas de hiérarchie, pas de direc‐ teurs, ni de gestionnai­res, mais plutôt des coordonna‐ teurs.

Il s'agit d'une culture d'en‐ treprise où la communicat­ion entre tous les employés est au coeur du fonctionne­ment de la compagnie. On se tourne vers les employés pour trouver des solutions afin de mieux servir les clients. Chaque employé est responsabl­e du succès de l’en‐ treprise.

Un sac plein de pierres

Quand la cofondatri­ce, Da‐ ny Gilbert, a annoncé à son équipe en avril 2018 qu’elle adoptait le modèle d’affaires d’une entreprise libérée, elle l’a imagé en déposant un sac à dos rempli de pierres sur la table devant elle.

J’ai dit à mon équipe : "Je vous fais confiance. Je suis tannée de porter ce sac seule comme gestionnai­re. Je sais que vous avez des réponses, vous avez des irritants, vous avez des petits cailloux. On abolit la hiérarchie. On va être plus près de vous, on va échanger et on va trouver les solutions ensemble".

En moins d'un mois, elle dit que le taux de production dans l'usine a augmenté de 20 % et que le taux de roule‐ ment de personnel est des‐ cendu en bas de la moyenne québécoise, soit a 13 % (ce qui inclut les congés de materni‐ té) comparativ­ement à 20 % auparavant.

Cinq ans plus tard, elle dit être incapable de retourner en arrière. Et son équipe qui compte environ 125 em‐ ployés voit d'un bon oeil ce vi‐ rage.

C’est valorisant

Un jeudi après-midi, Keven Dubreuil, un livreur chez AD+, se trouve dans le secteur de l’ébénisteri­e au lieu d’être au volant d'un camion. Il occupe le rôle de chef de projet lors du lancement d’une nouvelle méthode d’emballage pour les caissons qui sortent de la chaîne de production.

Il a proposé de les proté‐ ger avec des cartons rigides sur les coins au lieu d’envelop‐ per trois façades avec du car‐ ton ondulé. Il a l'habitude de manipuler des dizaines, voire des centaines, de caissons dans une journée, notam‐ ment lors de la livraison à dans des tours à condos en constructi­on.

Ça revient plus sécuritair­e et plus stable. Quand tu le pognes dans tes mains, y’a pas de carton qui glisse, sou‐ rit-il, emballé de voir son idée se concrétise­r.

Le coordonnat­eur de son équipe, Claude Jobin, explique que si cette nouvelle mé‐ thode est retenue, elle repré‐ sentera une économie d'envi‐ ron 60 000 $ par année, en plus de diminuer le carton qui se retrouve dans les conte‐ neurs de chantier.

En tant que coordonna‐ teur, il affirme que son rôle est avant tout de soutenir ses équipes.

Ce que je fais c’est que je fournis des outils, que ce soit en gestion de production, ou en améliorati­on continue pour que ça devienne LEUR projet.

Claude Jobin, coordonna‐ teur de production, AD+

Un exemple pour d’autres

En mars dernier, Mélanie Roy, propriétai­re et prési‐ dente de l’Atelier de Soudure

Gilles Roy, a fait le voyage d’Amqui à Sainte-Marie pour échanger avec Dany Gilbert et les employés d’AD+. Elle repré‐ sentait une parmi la dizaine d'entreprise­s qui ont visité l’usine beauceronn­e pour en savoir plus sur le modèle d’af‐ faires libéré, et en tirer des le‐ çons.

Comme plusieurs, le but de la rencontre était avant tout de savoir quel impact ce modèle a sur les ressources humaines, notamment la ré‐ tention de personnel.

Mme Roy, qui peut seule‐ ment tirer d’un petit bassin d’employés potentiel dans la région d’Amqui peine à recru‐ ter. Elle dit avoir appris lors de sa visite.

On est capable de garder notre personnel quand on les "attache" avec le coeur plutôt qu’avec la tête. Et je pense que c’est ce qu’AD+ est en me‐ sure de faire.

Mélanie Roy, présidente et propriétai­re, Atelier de Sou‐ dure Gilles Roy

À la suite de sa visite, elle souhaite adopter un modèle d'affaires similaire à moyen terme, et a déjà mis en place certaines façons de faire qui lui ont permis de recruter du personnel.

Un lien de confiance

Pour Keven Dubreuil, le li‐ vreur d’AD+ qui chapeaute le projet d'emballage, l'expé‐ rience de se faire écouter quand il a une idée, et donner la responsabi­lité de la mettre en oeuvre, renforce son lien de confiance avec son em‐ ployeur.

Quand t’apportes un chan‐ gement de même pis tu [ne te le fait] pas refuser ou rien, [car] on a checké les pour et les contre, c’est valorisant… On a tout pour grandir ici, dans le fond. Moi je me sens full apprécié puis j'espère continuer.

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