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Décès d’Élisabeth Kaine: « elle laisse un grand héritage à poursuivre »

- Gabrielle Paul

La professeur­e et cher‐ cheuse wendat Élisabeth Kaine, décédée subite‐ ment le 29 décembre der‐ nier à 67 ans, laisse un héri‐ tage riche dans le milieu muséal et le monde univer‐ sitaire, selon ceux et celles qui l’ont côtoyée profes‐ sionnellem­ent et person‐ nellement.

Membre de la Nation hu‐ ronne-wendat de Wendake, Mme Kaine a notamment été professeur­e associée à l’Uni‐ versité du Québec à Chicouti‐ mi (UQAC) dès 1989.

C’est d’abord d’une femme rassembleu­se et à l’écoute dont se souviendro­nt ceux qui l’ont connue, croit Claudia Néron, l’actuelle directrice gé‐ nérale de La Boîte rouge vif, l’organisme que Mme Kaine a cofondé en 1998.

Elle a changé la vie de plu‐ sieurs personnes autant pro‐ fessionnel­lement que person‐ nellement, dit Claudia Néron, au bout du fil.

Ça a été un gros choc quand j’ai appris [son décès]. Ça m’a bouleversé­e moi et mes collègues, mais aussi les étudiants et tous ceux avec qui elle a travaillé, souligne-telle avec émotion.

Élisabeth était quelqu’un de très impliqué dans les rela‐ tions humaines, pour‐ suit Mme Néron. Pour elle, rassembler les gens et être ensemble c’était très impor‐ tant.

Les deux femmes se sont rencontrée­s en 2002, lorsque Mme Néron était étudiante et qu’elle suivait un cours de Mme Kaine à l’UQAC. Dès l’an‐ née suivante, elles ont com‐ mencé à travailler ensemble à La Boîte rouge vif.

Élisabeth, ça a été un men‐ tor dans ma carrière, dit Clau‐ dia Néron.

Toute sa carrière, elle a eu pour objectifs de valoriser les cultures et de donner la pa‐ role aux membres des Pre‐ mières Nations, surtout en contexte muséal, mais aussi dans la recherche universi‐ taire, explique Mme Néron.

Tout ce qui est décolonisa‐ tion des musées et démocra‐ tisation de la recherche, elle a fait de grandes avancées làdedans, ajoute-t-elle. Même quand on n’en parlait pas en‐ core, elle travaillai­t déjà làdessus.

C’était une personne vi‐ sionnaire et d’avant-garde. Elle laisse un grand héritage à poursuivre.

Claudia Néron, directrice générale de La Boîte rouge vif

L’héritage d’Élisabeth Kaine s’incarne entre autres dans l'exposition Voix autochtone­s d’aujourd’hui : savoir, trauma, résilience, pour laquelle elle était la commissair­e, au Mu‐ sée McCord Stewart à Mont‐ réal.

Dévoilée en 2021, cette ex‐ position regroupe une cen‐ taine d'objets et des dizaines de témoignage­s d'Autoch‐ tones de partout au Québec, récoltés par Mme Kaine.

Sa présence est constante dans l’exposition, fait remar‐ quer Jonathan Lainey, le conservate­ur aux cultures au‐ tochtones du Musée McCord Stewart.

M. Lainey, lui-même wen‐ dat, a appris à connaître Élisa‐ beth Kaine lorsqu'il est s'est joint à l'équipe du musée en 2020. Il se souvient lui aussi d’une femme présente et à l'écoute.

Elle prenait le temps de parler aux gens, de voir com‐ ment ils allaient, relate-t-il. Au travail, elle prenait en compte ce qu'on avait à dire. On se sentait reconnus.

L'exposition incarne la phi‐ losophie et la vision d'Élisa‐ beth Kaine, estime le conser‐ vateur.

Élisabeth a toujours tra‐ vaillé du "bas vers le haut", elle voulait faire parler les gens, dit-il.

C'est notamment pour‐ quoi de nombreuses vidéos ponctuent l’exposition.La di‐ rection hésitait à miser là-des‐ sus au début, se remémore-til. Mais on a lui a fait confiance et ça paie.

Élisabeth aimait beaucoup la vidéo, précise Jonathan Lai‐ ney. Ça incarne les gens et ça les rend réels. Ça montre que les Autochtone­s ne sont pas du passé, ils sont là, on les voit.

Les visiteurs non autoch‐ tones sont attentifs aux té‐ moignages et ressortent bou‐ leversés bien souvent, sou‐ tient M. Lainey.

Ainsi, l'exposition qu'a construit Mme Kaine devient une occasion de rencontre entre Autochtone­s et non-au‐ tochtones nécessaire à la ré‐ conciliati­on.

Elle y croyait forcément [à la réconcilia­tion], sinon elle n’aurait pas fait ce travail, croit Jonathan Lainey.

Il n’y a pas une manière unique d’y parvenir, poursuit M. Lainey. Elle aurait pu choi‐ sir d’être cheffe d’entreprise, elle aurait pu choisir de tra‐ vailler aux revendicat­ions ter‐ ritoriales, mais la façon qu'elle a choisi c'est l'exposition.

Un mois avant son décès, l’exposition au Musée McCord Stewart a par ailleurs été dé‐ corée du Prix d’histoire du Gouverneur général.

On accueille les prix, dit Jo‐ nathan Lainey, mais j’espère qu’on ne va pas oublier qu’il y a eu un combat d’Élisabeth pour y parvenir.

Elle a inspiré beaucoup de gens et je crois qu'elle va continuer d'inspirer, conclutil.

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