Radio-Canada Info

Pérou : la prise de Lima n’aura pas lieu

- Jean-Michel Leprince

LIMA, Pérou – La prise de Li‐ ma n’a pas eu lieu. Les mil‐ liers de paysans autoch‐ tones venus du sud pour manifester dans la capitale péruvienne ont eu une belle première journée. Ils ont fait parler d’eux et on les a entendus même si les grands médias se concen‐ traient sur les échauffou‐ rées et le vandalisme plu‐ tôt que sur le message. Mais les habitants de Lima ne les ont pas suivis. Les étudiants non plus, même s’ils les ont hébergés. Ce n'est pas un échec, mais presque.

La présidente Dina Bo‐ luarte n’a pas bougé d’un iota sur sa position et n’a pas dé‐ missionné. Les manifestan­ts n’avaient pas de chefs pour entamer le dialogue offert, alors les caravanes prennent le chemin du retour.

La mort du tourisme

Ils retournent à Arequipa, Puno, et pour nous, Cusco. Majestueus­e capitale de l’Em‐ pire inca, à 2600 mètres d’alti‐ tude. Des ruines préhispa‐ niques tellement imposantes que les Espagnols n’ont pas réussi à les camoufler sous leurs églises.

Et le tourisme exploite la gloire de l’Inca.

On valorise beaucoup l’In‐ ca, mais pas l’Indien, nous dit Milagros del Carpio, une com‐ municatric­e. Pourtant ce sont les mêmes, leurs descen‐ dants, devenus les valets es‐ claves des grands proprié‐ taires terriens coloniaux espa‐ gnols. Un certain mépris est resté.

Ces descendant­s se ré‐ voltent, bloquent les routes et les aéroports pour faire en‐ tendre leurs doléances sécu‐ laires. Le tourisme, vital pour Cusco et représenta­nt 5 % du PIB péruvien, est à terre.

Cusco est vide et le Machu Picchu est fermé pour un temps indétermin­é. Il n’y a plus de travail. Ils sont nom‐ breux à blâmer les manifes‐ tants pour leurs malheurs, mais beaucoup souffrent et comprennen­t. Les manifesta‐ tions ont fait 46 morts, en ré‐ gion, pas à Lima.

Ce n’est pas des terro‐ ristes, ce sont des paysans. Moi aussi je travaille dans le tourisme. Je suis terribleme­nt touchée, mais ça me touche plus la mort de paysans.

Nataly García, guide touris‐ tique

L'emprise de Lima

La ville est bloquée. C’est dur pour ma famille et pour tout le monde ici. Mais il faut dire que l’argent du tourisme s’en va à Lima et il ne revient rien ici, explique Alex Sayre, un chauffeur qui oeuvre dans l'industrie touristiqu­e.

C’est la même chose pour les ressources naturelles comme le cuivre, les autres minéraux et le gaz naturel. Ce‐ lui de Cusco se rend à Lima par gazoduc, alors que les gens de Cusco doivent l’ache‐ ter en bonbonne, à plusieurs fois le prix selon les endroits.

Ce que les paysans que‐ chuas de Cusco déplorent de‐ puis longtemps est le manque de services : eau, gaz, routes et surtout écoles.

Et ils n’ont aucun représen‐ tant au Congrès. À défaut d’une prise de Lima, l’emprise de Lima est de plus en plus in‐ supportabl­e.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada