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Les chars occidentau­x marqueront-ils un tournant dans la guerre en Ukraine?

- Jean-François Thériault

Volodymyr Zelensky a rem‐ porté son pari. Les pays oc‐ cidentaux livreront finale‐ ment à l'Ukraine les chars d'assaut qu'elle réclamait depuis des mois et que ses alliés hésitaient à lui en‐ voyer.

Mercredi, l'Allemagne a fi‐ nalement autorisé les pays qui disposent de ses chars Leopard 2 à en acheminer vers le front ukrainien et en a elle-même promis 14. La Po‐ logne et la Norvège ont déjà promis des livraisons. Tard en journée, des sources au sein du gouverneme­nt Trudeau in‐ diquaient que le Canada envi‐ sageait d'emboîter le pas et de fournir quatre Leopard 2.

Et c'est sans compter un appui de taille, celui des ÉtatsUnis, qui ont promis l'envoi d'un bataillon de 31 chars Abrams, reconnus comme fai‐ sant partie des engins les plus modernes qui puissent être déployés dans des zones de combat.

Le président ukrainien es‐ père ainsi marquer un tour‐ nant dans cette guerre qui tend à s'enliser sur plusieurs fronts depuis quelque temps. Plus modernes et plus agiles, ces chars pourraient en effet donner un avantage à l'armée ukrainienn­e. Toutefois, ils comportent aussi un lot de difficulté­s non négligeabl­es, croient des experts interrogés par Radio-Canada.

L'espoir d'une percée

Alors que ces bataillons de tanks occidentau­x pourront former une ligne de défense contre d'éventuelle­s avancées russes, l'Ukraine désirait ces chars d'abord et avant tout pour monter elle-même une contre-offensive considérab­le, croit le titulaire de la Chaire d'études ukrainienn­es de l'Université d'Ottawa, Domi‐ nique Arel.

Les troupes ukrainienn­es pourraient ainsi espérer, se‐ lon lui, briser les fortificat­ions russes dans le sud, c'est-à-dire dans des régions névralgiqu­es où les troupes de Vladimir Poutine commencent à s'en‐ raciner.

L'Ukraine commençait à manquer de chars et, de toute évidence, avec sa flotte actuelle, elle n'était pas en po‐ sition d'espérer ce genre de percée.

Dominique Arel, titulaire de la Chaire d'études ukrai‐ niennes de l'Université d'Otta‐ wa

Pour une rare fois depuis le début des hostilités, l'Ukraine aura un avantage technologi­que sur les Russes, avance le chercheur. Les tanks occidentau­x seraient ainsi plus performant­s, plus manoeuvrab­les et, surtout, plus durables que ceux du camp adverse.

Cependant, la victoire du président Zelensky repose surtout sur le plan psycholo‐ gique et moral, croit Stéphane Roussel, expert en stratégie militaire et directeur de re‐ cherche au Centre interuni‐ versitaire de recherche sur les relations internatio­nales du Canada et du Québec.

Selon lui, la population ukrainienn­e sent l'appui de l'Occident, et pour les mili‐ taires en première ligne, le fait de voir un matériel aussi puis‐ sant, ce sera quelque chose d'important.

Avant même l'arrivée de ces chars-là, [...] l'effet princi‐ pal va se faire sentir.

Stéphane Roussel, expert en stratégie militaire et direc‐ teur de recherche au Centre interunive­rsitaire de re‐ cherche sur les relations inter‐ nationales du Canada et du Québec

Longue formation et chaos logistique possible

Toutefois, les troupes ukrainienn­es, constituée­s tant de soldats profession­nels que de volontaire­s et de conscrits, auront fort à faire avant de pouvoir manoeuvrer ces nouvelles armes sur le champ de bataille. En effet, les chars promis n'ont rien à voir avec les chars d'origine sovié‐ tique que les Ukrainiens sont habitués à piloter, précise Do‐ minique Trinquand, général français et ancien chef de la mission française à l'ONU.

Il va falloir former les équi‐ pages, puis former les mécani‐ ciens, [les responsabl­es de] la maintenanc­e... tous ceux qui permettent aux chars de fonctionne­r, ajoute-t-il.

Il faut espérer que les Ukrainiens [...] vont envoyer en formation des gens qui ont déjà servi sur des chars, des gens qui savent ce que c'est que de monter dans une caisse blindée et de tirer avec un canon de 120 millimètre­s.

Dominique Trinquand, gé‐ néral français et ancien chef de la mission française à l'ONU

Cette formation poussée pourrait durer de nombreux mois, croit de son côté Sté‐ phane Roussel. C'est du maté‐ riel très sophistiqu­é sur le plan de l'électroniq­ue [...]. Je pense qu'on doit penser en termes de trois à six mois, si ce n'est pas plus, pour former toute la chaîne logistique [né‐ cessaire] pour entretenir et réparer ce matériel-là.

Les promesses des Alle‐ mands et des Américains pourraient créer un effet do‐ mino et inciter d'autres pays à offrir des chars lourds à l'Ukraine. La Grande-Bretagne a déjà annoncé l'envoi de Challenger 2 et la France étu‐ dierait la possibilit­é de contri‐ buer à l'effort en envoyant des unités de ses chars Le‐ clerc. Cette générosité pour‐ rait s'avérer un cadeau empoi‐ sonné, croient les experts.

L'intérêt, c'est d'avoir un

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