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Sombres perspectiv­es pour le crabe des neiges

- Joane Bérubé

Avec des entrepôts encore pleins de stocks invendus, les industriel­s des pêches pourraient réduire drama‐ tiquement les prix payés aux pêcheurs pour le crabe des neiges.

En 2022, les promesses de saison record de pêche au crabe se sont rapidement ef‐ fondrées. Les consomma‐ teurs américains, touchés par l’inflation, se sont tournés vers d’autres produits, moins chers.

Le prix offert aux transfor‐ mateurs a fondu de 60 % du‐ rant la saison. Avec l'inflation qui sévit et la récession qui menace, les espoirs d’une re‐ montée des prix sont à zéro.

Ça va se répercuter dans un premier temps où? Au dé‐ barquement. Pour avoir jasé avec des pêcheurs, on s'at‐ tend à des baisses de prix qui pourraient être importante­s, souligne le rédacteur en chef de Pêche Impact, Robert Ni‐ colas.

Le prix du crabe au débar‐ quement pourrait descendre jusqu’à 3 dollars la livre.

C’est toutefois le salon des produits marins de Boston, le Seafood Expo North America, qui donnera l’heure juste pour les transforma­teurs puisque la ressource est ven‐ due à 95 % sur le marché américain. Le salon aura lieu à la mi-mars, quelques se‐ maines avant le début de la saison.

Liste rouge

Comme un malheur ne vient jamais seul, l’ombre de la baleine noire plane sur la commercial­isation du crabe des neiges aux États-Unis.

En septembre dernier,

le crabe des neiges, comme le homard d’ailleurs, a été inscrit sur la liste rouge du pro‐ gramme Seafood Watch, du Monterey Bay Aquarium en Californie.

Son classement comme espèce à éviter en raison des empêtremen­ts de baleines avec des engins de pêche a suscité de vives réactions au Québec comme en Atlan‐ tique.

Bien que la décision ait été unanimemen­t décriée et contestée par le gouverne‐ ment fédéral, elle jette une ombre supplément­aire sur la commercial­isation du crabe aux États-Unis.

L’Associatio­n québécoise de l'industrie de la pêche (AQIP) a réagi en orga‐ nisant une campagne publici‐ taire aux États-Unis. Pas pour blâmer le Seafood Watch, mais pour expliquer ce que les pêcheurs du Québec font pour protéger la baleine, pré‐ cise le directeur de l’AQIP, Jean-Paul Gagné.

C’est aussi dans cet esprit que l’AQIP, avec des parte‐ naires du Nouveau-Bruns‐ wick, a obtenu un finance‐ ment de 500 000 $ du Fonds canadien pour faire la promo‐ tion du crabe des neiges.

Une saison plus hâtive

L’AQIP fait aussi partie des voix qui réclament un départ de la pêche au crabe plus hâtif dans la zone 12, avant l’arri‐ vée des baleines dans le golfe. Les crabiers du Québec, dont les ports sont libres de glace tôt au printemps, pourraient partir plus tôt que leurs col‐ lègues de l’Atlantique.

Jusqu’à maintenant le Mi‐ nistère a préféré un départ unifié. Cette décision crée de plus en plus de remous sur les quais du Québec où l'on es‐ time que les flottilles pour‐ raient partir à des dates diffé‐ rentes.

Il s’agit de surcroît d’une des rares mesures de protec‐ tion de la baleine noire que le Ministère refuse de mettre en place.

Le sujet a été abordé la se‐ maine dernière entre le mi‐ nistre des Pêcheries du Qué‐ bec, André Lamontagne, et son homologue fédérale, Joyce Murray.

Le ministre Lamontagne se montre optimiste. On a parlé longuement de la ba‐ leine noire. Après ça, je lui ai parlé de crabe et de notre de‐ mande. Honnêtemen­t, ça a été pour elle une belle décou‐ verte, même si j'avais déjà ex‐ pliqué ça.

La cohabitati­on

L’Associatio­n avait aussi in‐ vité à son congrès, Lyne Mo‐ rissette, la biologiste spécia‐ liste des mammifères marins, pour une présentati­on sur la cohabitati­on entre pêcheurs et baleines noires.

Son discours est venu mettre un baume sur cet amoncellem­ent de problèmes en soulignant le travail ac‐ compli par l’industrie depuis cinq ans afin de protéger les baleines.

La biologiste travaille avec une douzaine d'associatio­ns de différente­s provinces. Ils ont compris qu'il y avait un enjeu, dit-elle, ils sont tannés d'être perçus comme des sources de problèmes et veulent surtout faire partie de la solution.

Le but, poursuit la scienti‐ fique, c’est de proposer des solutions qui vont permettre de protéger les baleines, mais aussi l’industrie. C'est super important. Les communauté­s côtières dépendent aussi du golfe Saint-Laurent. Il faut que tout le monde soit capable de cohabiter au même endroit.

Enfin, le crabe des neiges de la zone 12, dans le sud du golfe, n’a plus de certificat­ion de pêche durable de‐ puis 2018.

Cette certificat­ion a été suspendue après la mort de 17 baleines noires dans le golfe en 2017. Puisque les ef‐ forts de protection sont main‐ tenant en place et semblent donner des résultats, le direc‐ teur de l’AQIP indique que les démarches de certificat­ion du Marine Stewardshi­p Coun‐ cil (MSC) seront relancées.

L’objectif est de récupérer la certificat­ion pour la sai‐ son 2024.

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