Leur nid : la lente et précise implosion d’un couple
L’argent ne fait pas le bon‐ heur? Personne ne l’avait encore montré comme ce‐ la. Un grand film.
Depuis Martha Marley May Marlene, le travail du ci‐ néaste (Canadien d’origine) Sean Durkin nous était tombé dans l’oeil. Mais avec Leur nid, il pousse son pion encore plus loin sur le damier des ci‐ néastes qui comptent.
Car si le film précédent se concentrait brillamment sur une jeune femme rescapée d’une secte, ce sont cette fois les années 80 qu’il scrute avec un talent inouï pour l’étude psychologique de ses person‐ nages.
Il faut dire que le récit lui donne la matière suffisante : Rory convainc sa femme, pro‐ fesseure d’équitation, de quit‐ ter leur riche banlieue améri‐ caine pour s’installer avec leurs deux beaux enfants dans son Angleterre natale, plus précisément dans un ma‐ noir spectaculaire, avec écurie et école privée à proximité. Car Rory est persuadé de pouvoir faire fortune en re‐ nouant avec son ancien em‐ ployeur…
Illusions brisées, argent comme symptôme d’un malêtre plus profond, rêves de grandeur, amertume grandis‐ sante : chaque scène révèle alors un peu plus les com‐ plexités et ambivalences de ce couple ambitieux (judicieuse‐ ment interprété par Jude Law et Carrie Coon, image parfaite d’un couple-fantasme).
Mais si les cinéastes ont souvent revisité cette trajec‐ toire (auto-)destructrice, Leur nid va plus loin et transforme rapidement cette descente aux enfers intime et psycholo‐ gique en grand film politique.
Car entre le mari et la femme, dans cette lutte de pouvoir qu’elle et lui ne tarde‐ ront pas à se mener, ce qui se lit, c’est aussi la relation tu‐ multueuse et nocive entre l’Angleterre (la vieille Europe et son cortège de valeurs conservatrices, soucieuse de protéger ses acquis) et les États-Unis (le Nouveau Monde carnassier et vénal).
Mais l’autre dimension ca‐ pitale, tout aussi fascinante, c’est bien ce regard cinglant, terrifiant même sur les ra‐ vages du capitalisme, et plus particulièrement de la dérégu‐ lation, sur les comportements humains.
Car nul doute à avoir, ce que ce mari et sa femme ont internalisé, c’est bien cet idéal du libéralisme : être le plus riche possible, peu importe les coûts.
Évidemment, on compren‐ dra que le manoir, richement meublé, superbement éclairé, ne tarde pas à devenir un lieu de film d’horreur, étouffant, angoissant. Un lieu où ce re‐ gard cinglant sur le désespoir et la folie est aussi sec et pré‐ cis que parfaitement palpi‐ tant.
Leur nid,
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Tou.tv Extra
La bande-annonce (source : YouTube)
Complément:
Martha Marcy May Mar‐ lene, de Sean Durkin: quatre prénoms pour un grand film