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Immobilier : autopsie d’une tempête parfaite

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Le marché immobilier est touché par une tempête parfaite, où s’entremêlen­t offre limitée de logements existants, demande éle‐ vée, prix en forte hausse et constructi­on insuffisan­te, particuliè­rement du côté des logements sociaux.

Il ne faudrait pas oublier d’ajouter à ce cocktail immo‐ bilier des taux d’intérêt en hausse, l’inflation qui s’accroît et des pénuries de maind’oeuvre dans plusieurs sec‐ teurs.

Difficile de dire exacte‐ ment pourquoi tant de gens ne peuvent trouver un loge‐ ment, mais personne ne trou‐ vera de réconfort à la lecture du dernier rapport de la So‐ ciété canadienne d’hypo‐ thèques et de logement (SCHL), publié plus tôt cette semaine, qui confirme ce dont on se doutait : le taux d’inoccupati­on des logements locatifs a baissé l’année der‐ nière au Canada, soit le plus bas en 22 ans.

Il s’établit maintenant à 1,9 % par rapport à 3,1 % lors du dernier coup de sonde, a expliqué Francis Cortellino, économiste à la SCHL, au mi‐ cro d’Alain Gravel, samedi, à l’émission Les faits d’abord.

À Montréal, l'inoccupati­on est de 2,3 %, en baisse de 1,4 %.

Itinérance déguisée

La combinaiso­n de cette tempête parfaite a des consé‐ quences pour un grand nombre de locataires et de fu‐ turs acheteurs et crée de l’iti‐ nérance déguisée, a expliqué Véronique Laflamme, organi‐ satrice et porte-parole du Front d’action populaire en ré‐ aménagemen­t urbain (FRA‐ PRU), qui participai­t aussi à l’émission diffusée à ICI Pre‐ mière.

Mme Laflamme a illustré l’itinérance déguisée comme étant cet ami qui vient em‐ prunter votre sofa pour un séjour qui s’étire ou ce parent qui revient vivre chez son en‐ fant…

Plus de locataires, pen‐ dant plus longtemps

Les locataires sont les pre‐ miers touchés par le manque de logements, parce qu’ils doivent conserver leur loge‐ ment plus longtemps, igno‐ rant s’ils pourront se reloger dans leur quartier à un coût accessible pour eux.

M. Cortellino, de la SCHL, a précisé qu’entre les recense‐ ments de 2016 et de 2021, on dénotait 7 % de plus de loca‐ taires au pays et moins de propriétai­res, en raison du resserreme­nt du marché.

Les gens demeurent loca‐ taires plus longtemps.

Francis Cortellino, écono‐ miste à la Société canadienne d’hypothèque­s et de loge‐ ment

Et pour ceux qui changent de toit, ils devront mettre la main très profondéme­nt dans leur poche, car si occuper un logement locatif coûte cher (1000$ en moyenne à Mont‐ réal), il en coûtera encore plus cher pour les nouveaux loca‐ taires de ces mêmes loge‐ ments en raison de plusieurs éléments, dont les améliora‐ tions locatives, permises au Québec.

Les acheteurs sont aussi touchés par la tempête im‐ mobilière parfaite, car plu‐ sieurs doivent remettre à plus tard leur rêve d’être proprié‐ taire, tant les prix de vente sont élevés en ce moment. Et avec une huitième hausse consécutiv­e du taux direc‐ teur, qui se répercute immé‐ diatement sur les taux hypo‐ thécaires, le jour J est encore loin pour bon nombre d’entre eux, surtout pour les pre‐ miers acheteurs.

Trop cher pour leurs moyens

Les locataires qui doivent déménager en raison d’une séparation, de l’arrivée d’un enfant ou parce qu'ils sont évincés sont extrêmemen­t découragés, a avoué Mme La‐ flamme, car ils savent que leur prochain logement coû‐ tera beaucoup plus cher et que leur capacité de payer est limitée.

Et les enquêtes de la SCHL ont chiffré les hausses de prix. Pour les nouveaux locataires qui s’installent à Montréal, leur 4 ½ de deux chambres coûtera, en moyenne, 1235 $ (en hausse de 14,5 %). S’ils choisissen­t de s’établir à To‐ ronto, ils devront débourser 2110 $ (+ 29 %), contre 2325 $ (+ 24 %) si leur nid est situé à Vancouver.

Profiter des travaux pour augmenter le loyer

Les propriétai­res profitent souvent du changement d’oc‐ cupant pour rénover les lieux, ce qui explique la hausse du prix du loyer, a dit pour sa part Marc-André Plante, direc‐ teur, affaires publiques et re‐ lations gouverneme­ntales, de la Corporatio­n des proprié‐ taires immobilier­s du Québec (CORPIQ).

Celui-ci n’a pas manqué de rappeler que le rendement d’un investisse­ment de 10 000 $ fait par un pro‐ priétaire est de 26 ans et qu’il est normal de viser la rentabi‐ lité.

Il manquerait pas moins de 100 000 unités d’habitation dans la province, rappelait d’ailleurs l’été dernier l’Asso‐ ciation des profession­nels de la constructi­on et de l'habita‐ tion du Québec.

Construire davantage

Il s’est construit 28 000 lo‐ gements locatifs dans la pro‐ vince en 2022, mais ce ne fut pas suffisant pour répondre à la demande. L'immigratio­n a contribué à accroître la pres‐ sion, tout comme la hausse des taux, qui a forcé de jeunes ménages à demeurer loca‐ taires, explique la SCHL.

De plus, construire coûte de plus en plus cher, sans compter que les permis sont longs à délivrer, un processus qui prend parfois des années. Il faut faire mieux, dit l’indus‐ trie.

Ériger un logement coûte de 400 000 à 450 000 $ par porte, a indiqué M. Plante, ajoutant que les construc‐ teurs doivent tenir compte des conditions du marché, qui ont changé, du coût de constructi­on à la hausse, et des taux d’intérêt, également en hausse.

Il y a un problème de rare‐ té, un problème d’abordabili‐ té et le parc de logements so‐ ciaux est insuffisan­t, a pour sa part affirmé Mme Laflamme, du FRAPRU.

Les solutions au manque de logements locatifs et d'ha‐ bitations nécessiter­ont de faire preuve de créativité, a dit le représenta­nt des construc‐ teurs, et il faudra que toutes les parties impliquées s’as‐ soient à la même table pour les trouver et les mettre en oeuvre.

Mais quoi qu’il en soit, les prochains budgets des gou‐ vernements doivent prévoir des investisse­ments pour les logements sociaux, estiment la CORPIQ et le FRAPRU.

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