Réforme de la loi sur les langues officielles : Québec perd une première manche
Contrairement à ce que ré‐ clamait le gouvernement du Québec, la Charte qué‐ bécoise de langue fran‐ çaise ne sera pas inscrite dans le préambule de la ré‐ forme de la Loi des langues officielles. Les premiers pa‐ ragraphes de la pièce légis‐ lative ne reconnaîtront pas non plus que le français est la langue commune du Québec.
Les membres du comité des langues officielles à Otta‐ wa ont rejeté l'amendement de la Coalition avenir Québec (CAQ) présenté par le Bloc québécois, qui stipulait que le gouvernement fédéral s'enga‐ gerait à respecter les choix du Québec relativement à son aménagement linguistique, prévu dans la Charte de la langue française.
Le Bloc québécois et les élus conservateurs ont voté en faveur de l'amendement, les libéraux se sont pronon‐ cés contre et c'est le vote de la néo-démocrate Niki Ash‐ ton, qui a fait pencher la ba‐ lance et freiné les ambitions du Québec.
Mais le député libéral de Notre-Dame-de-Grâce-West‐ mount, Marc Garneau, vou‐ drait aller bien plus loin et re‐ tirer de la loi toutes les allu‐ sions à la Charte québécoise de la langue française.
La Charte québécoise de la langue française, le fait qu'elle existe [...], ça ne devrait pas être dans un projet de loi fé‐ déral
Marc Garneau, député du
Parti libéral du Canada de Notre-Dame-de-Grâce—West‐ mount
La Loi 96, qui a remplacé la Loi 101, au lieu de simplement protéger le français [...], elle est aussi malheureusement discriminatoire envers les mi‐ norités anglophones, ex‐ plique-t-il en entrevue à Ra‐ dio-Canada. Et le fait que la Loi 96 utilise la clause déroga‐ toire, [...] ça veut dire qu'il n'y aura pas d'arguments, que la porte est fermée, ajoute-t-il.
Son collègue, Anthony Housefather, évoque aussi le recours préventif à la disposi‐ tion de dérogation dans la loi québécoise pour demander de retirer les références à la Charte québécoise.
En inscrivant la Loi 96 dans la loi fédérale, nous disons es‐ sentiellement que nous sommes d'accord avec l'utili‐ sation préventive de la dispo‐ sition de dérogation, a-t-il plaidé devant le comité. Il craint que cela ne vienne affai‐ blir la position du gouverne‐ ment fédéral lorsqu'il sera temps de présenter ses argu‐ ments devant la Cour su‐ prême sur l'utilisation préven‐ tive de la clause dérogatoire par les provinces. Le gouver‐ nement de la province pour‐ rait dire : "si c'est inconstitu‐ tionnel, pourquoi l'avez-vous vous-même enchâssé dans l'une de vos lois?"
À la fin des travaux du co‐ mité mardi, la député conser‐ vatrice Marilyn Gladu, visible‐ ment surprise par les re‐ quêtes des deux élus libéraux, leur a demandé s'ils étaient conscients que ce qu'ils récla‐ maient était des change‐ ments à un projet de loi éma‐ nant de leur propre parti. Vous proposez de changer ce que la ministre a déposé, c'est bien ça? leur a-t-elle deman‐ dé.
Anthony Housefather s'est défendu en disant que la loi québécoise n'avait pas encore été adoptée lorsque le projet de loi fédéral a été déposé en mars dernier.
Dissension chez les libé‐ raux?
Selon le Bloc québécois, il est clair que les libéraux sont actuellement divisé sur la question linguistique au Qué‐ bec. Il y a vraiment un recul dans la position des libéraux, ils tentent de revenir sur leur propre loi, on voit qu'il y de la dissension dans les rangs des libéraux affirme le député blo‐ quiste Mario Beaulieu.
Marc Garneau et Anthony Housefather, qui repré‐ sentent des circonscriptions à majorité anglophone de Montréal, affirment que la mi‐ nistre responsable des Langues officielles, Ginette Petitpas-Taylor, est bien au fait des changements qu'ils voudraient voir apportés au projet loi.
Elle est au courant et elle sait ce qu'on voudrait changé, dit Marc Garneau. Si ce n'est pas fait, il faudrait dire dans la loi fédérale que les lois québé‐ coises ou provinciales ou ter‐ ritoriales ne joueront pas de rôle dans l'interprétation de la loi C-13 devant les tribunaux, conclut-il.