Soirée destinée au public noir : un choix controversé pour le Centre national des Arts
Le Centre national des arts (CNA) d'Ottawa se retrouve dans l'eau chaude après avoir lancé une invitation à une soirée Black Out, destinée au public noir seulement. Accusée de ra‐ cisme et de ségrégation sur les médias sociaux, l'insti‐ tution s'est rétractée.
Le CNA doit présenter, pour neuf soirs, une pièce inti‐ tulée IS GOD IS, une comédie tragique et sombre qui relate la quête meurtrière de deux jumelles. Cette présentation, dont tous les acteurs sont noirs, s'inscrit dans la pro‐ grammation du Mois de l'his‐ toire des Noirs.
C'est la représentation du 17 février qui a fait beaucoup jaser sur les médias sociaux. Sur la version anglaise de son site internet, le CNA écrivait d'abord : la soirée de repré‐ sentation de IS GOD IS ac‐ cueillera un public entière‐ ment composé de personnes s'identifiant comme noirs.
Le texte a depuis été rem‐ placé par :la soirée de repré‐ sentation accueillera un audi‐ toire noir [ndrl : traduction libre]. Ce changement n'est pas passé inaperçu. Sur twit‐ ter, on a accusé le CNA de ra‐ cisme et de ségrégation ra‐ ciale.
Face à ces critiques, l'insti‐ tution a affirmé que cette mo‐ dification s’inscrivait dans un processus évolutif qui se vou‐ lait inclusif. Bien que cette re‐ présentation soit bel et bien destinée aux auditeurs noirs, tout le monde est le bienve‐ nu, insiste Kondwani Mwase, le directeur général à la mobi‐ lisation des auditoires pour le CNA.
Le message pour nous, c'est que vous êtes tous les bienvenus.
Kondwani Mwase, direc‐ teur général à la mobilisation des auditoires, CNA
En entrevue, M. Mwase ex‐ plique que cette représenta‐ tion a été sélectionnée pour permettre aux membres des communautés noires de par‐ ticiper à une discussion à la fin de la pièce. On souhaite créer un espace sécuritaire et accueillant dans lequel les spectateurs se sentiront à l'aise de partager leur expé‐ rience et leurs questions.
Une initiative critiquée
La pertinence des espaces de discussions pour les com‐ munautés minoritaires n'est pas remise en cause. Mais pour le professeur titulaire au département des sciences so‐ ciales de l'Université du Qué‐ bec en Outaouais (UQO), Ndiaga Loum, ce genre d'ini‐ tiative comporte des risques.
Avec le recul, je pense qu'il sera difficile de justifier l'orga‐ nisation de ce genre d'événe‐ ment publique, en apparence destiné à une catégorie ra‐ ciale, sans prêter le flanc à la critique, soutient-il.
Indépendamment du contexte du Mois de l'histoire de Noirs, M. Loum estime qu'il aurait été plus pertinent de se montrer ouvert aux autres, étant donné qu'il s'agit d'une corde sensible.
Tout est une question de perception, d'où l'importance de communiquer en avance pour bien expliquer la tenue de ce genre d'événement.
Ndiaga Loum, professeur titulaire au département des sciences sociales de l'UQO
Pallina Michelot, une ar‐ tiste Afro-Québécoise d’ori‐ gine haïtienne et directrice gé‐ nérale de l'agence On est là, abonde dans le même sens.
Cette dernière n'est pas tout à fait d'accord avec l'ini‐ tiative du CNA, puisqu'elle donne l'impression, selon elle, qu'on empêche certains groupes d'assister à une re‐ présentation. Mme Michelot juge qu'en ne ciblant qu'une partie de la population, on li‐ mite la portée des discus‐ sions.
Je pense que tout le monde doit participer à cette discussion. Ces enjeux ne concernent pas seulement les personnes racisées.
Pallina Michelot, artiste Afro-Québécoise d’origine haï‐ tienne et dg de l'agence On est là
Elle souligne aussi qu'il faut créer des espaces pour que les communautés minori‐ taires puissent s'exprimer li‐ brement.
Plus de détails à venir
Avec les informations de Camille Kasisi-Monet et de Rémi Authier
au cours des prochaines se‐ maines.
Des passeports qui s’en‐ volent rapidement
Depuis les dernières an‐ nées, tous les passeports sont vendus bien avant le début de l’événement. La tendance semble se maintenir cette an‐ née. Hier soir, le tiers des pas‐ seports ont été achetés à l’aveugle. C’est la première fois qu’on vend autant de passe‐ ports sans programmation, révèle Thomas Grégoire. Il ajoute que plus les années passent, plus l’organisation vend rapidement ses passe‐
ports.