CGI se dit prête à faire preuve de transparence sur l’usage du français
Montré du doigt dans le passé pour l’unilinguisme anglais de son patron George D. Schindler, le géant québécois CGI pour‐ rait divulguer à partir de l’an prochain les langues parlées au sein de son conseil d’administration, si ce dernier approuve la dé‐ marche.
Cette décision survient à la suite d'une proposition du Mouvement d’éducation et de défense des actionnaires (MEDAC) en ce sens, qui de‐ vait être soumise au vote lors de l’assemblée de l’entreprise, cette semaine.
Dans la circulaire envoyée il y a quelques semaines, CGI demandait pourtant aux ac‐ tionnaires de voter contre la proposition.
Le conseil d’administration ne croit pas qu’il soit néces‐ saire ou utile de divulguer les aptitudes linguistiques des administrateurs dans la grille des compétences et de l’ex‐ pertise de notre circulaire de la direction, soulignait l’entre‐ prise.
Or, questionné par le ME‐ DAC lors de l’assemblée, le co‐ fondateur et président exécu‐ tif du conseil d’administration, Serge Godin, a accepté de s’y plier, mais à partir de l’an pro‐ chain.
En consultation avec nos actionnaires, notamment avec la Caisse de dépôt et pla‐ cement, et avec d’autres bien sûr, nous allons recomman‐ der aux membres de notre conseil d’administration d’in‐ clure dans notre circulaire de l’an prochain une divulgation quant aux langues maîtrisées par nos administrateurs.
Serge Godin, cofondateur et président exécutif du conseil d'administration de CGI
C'est toutefois le conseil d'administration qui prendra la décision finale, a tenu à pré‐ ciser M. Godin, lors d'une en‐ trevue à Radio-Canada.
À l'heure actuelle, des quinze membres du conseil de l'entreprise, neuf résident au Canada, dont six au Qué‐ bec, trois aux États-Unis, un au Royaume-Uni, un en Alle‐ magne et un en Suède.
On a des gens qui sont spécialisés dans tous les sec‐ teurs d'activité dans lesquels nous sommes, on voulait aus‐ si s'assurer que ces gens aient une expérience combinée dans les régions du monde où nous sommes, a expliqué M. Godin.
Ce dernier affirme que, malgré tout, le français est lar‐ gement utilisé au siège social de Montréal et dans le cadre des activités de l'entreprise. Sur les 90 000 employés, 16 000 viennent de la France, 7500 du Québec et 1000 du Maroc.
On parle beaucoup fran‐ çais à CGI et on a tous un ac‐ cent, a blagué le dirigeant, ori‐ ginaire du Saguenay-LacSaint-Jean.
Un contexte sensible
Lors des dernières années, plusieurs polémiques concer‐ nant la langue française ont secoué le Québec.
En novembre 2021, une déclaration du patron d’Air Canada, Michael Rousseau, avait notamment provoqué un tollé. Incapable de parler français lors d’un événement, il avait affirmé candidement avoir pu vivre au Québec en anglais uniquement pendant 14 ans.
D’autres entreprises ont aussi été montrées du doigt, notamment le Canadien Na‐ tional (CN) qui avait aussi été critiqué pour l’absence de francophones dans son conseil d’administration.
Lors de l’assemblée de l’an dernier, le patron de CGI, George D. Schindler, avait dû défendre le fait qu’il ne parle pas français même s’il dirige l’une des plus grosses entre‐ prises québécoises.
Nous menons toujours nos affaires dans la langue lo‐ cale et nous sommes très fiers de pouvoir le faire, avaitil dit.
Il avait aussi souligné le fait que plusieurs francophones sont bien présents au sein de l’entreprise, notamment le fondateur Serge Godin et la fille de ce dernier, Julie Godin. D’autres Québécois siègent aussi au C. A., notamment Gilles Labbé, Paule Doré et le cofondateur de CGI, André Imbeau.
Une victoire, selon le MEDAC
Pour le MEDAC, la décision de CGI est un pas dans la bonne direction et pourrait ouvrir la voie à d’autres entre‐ prises.
Nous sommes heureux de constater que CGI s’est ren‐ due à la raison, bien que très tardivement, a souligné le di‐ recteur du MEDAC, Willie Ga‐ gnon, dans une déclaration écrite.
Cela survient au moment où plusieurs entreprises ont de nouvelles obligations en matière de divulgation de la diversité, en vertu de la Loi ca‐ nadienne sur les sociétés par actions. Or, selon le MEDAC, la langue est un élément qui doit aussi en faire partie.
C’est dans l’esprit de la loi. C’est une question de respon‐ sabilité sociale des entre‐ prises, relative, notamment, aux attributs de la diversité inscrits au coeur même de nos institutions démocratiques.
Willie Gagnon, directeur au MEDAC
En raison du contexte lin‐ guistique sensible, l’organisa‐ tion croit qu’il est grand temps que les sociétés fassent davantage preuve de transparence sur les langues parlées par leurs administra‐ teurs.
À la suite de la proposition du MEDAC, Cogeco a aussi ac‐ cepté de divulguer les langues parlées au sein de son C. A. La firme d’ingénierie SNC-Lavalin le fait quant à elle de‐ puis 2021.
Le MEDAC a d’ailleurs sou‐ mis récemment une proposi‐ tion en ce sens aux sept grandes banques cana‐ diennes en vue des assem‐ blées générales annuelles des actionnaires qui auront lieu en 2023.