John Tory : un maire à la croisée de la stabilité et de la controverse
Au cours de ses huit ans et demi à la tête de la plus grande ville du pays, John Tory aura incarné la stabili‐ té et le compromis pour de nombreux Torontois. Il laisse cependant derrière lui bien des dossiers in‐ achevés et un système de « maire fort » hautement contesté. Retour sur un bi‐ lan controversé.
La population a parlé et ce soir, nous commençons le tra‐ vail pour bâtir un Toronto uni, déclarait John Tory, le 27 oc‐ tobre 2014.
Il venait d’être élu maire de Toronto avec 40,3 % des voix, battant Doug Ford et Olivia
Chow. Il promettait de rame‐ ner de l’ordre dans les affaires municipales, après les scan‐ dales qui s’accumulaient dans le sillage de son prédécesseur, Rob Ford.
Le politologue retraité de l’Université métropolitaine de Toronto, Myer Siemiatycki, croit que ce contraste l’a défi‐ ni dans l’imaginaire populaire jusqu’à aujourd’hui.
Monsieur Tory a redonné à Toronto un gouvernement municipal stable, qui, je dirais, n’a pas achevé beaucoup, mais stable, dit-il.
Certains projets phares de sa plateforme, comme le pro‐ jet de transport en commun
SmartTrack, n’ont jamais été réalisés. Malgré ses pro‐ messes, les embouteillages et la pénurie de logements se sont aggravés sous sa gou‐ verne, constate Myer Siemia‐ tycki.
Pour quelqu’un qui a tra‐ vaillé huit ans, il n’a pas beau‐ coup de résultats à montrer, pense aussi le politologue de l’Université Western Martin Horak.
Mon opinion, c’est qu’en termes de résultats, il a sousperformé.
Un maire qui a construit des ponts
Martin Horak croit que les tendances fiscales conserva‐ trices de John Tory l’ont pous‐ sé à abandonner certaines ini‐ tiatives.
Il souligne cependant que le maire a passé beaucoup plus de temps à chercher des compromis et à tenter d’équi‐ librer divers intérêts que ses prédécesseurs.
Alors que Rob Ford plaisait à la droite populiste et aux banlieues et que David Miller avait la faveur des centristes du centre-ville, John Tory a su bâtir un pont entre les deux, croit Marin Horak.
Il était très bon pour ras‐ sembler les différentes fac‐ tions, mais le coût de cela, ul‐ timement, c’est qu’il n’a pas avancé beaucoup de ses propres grands projets.
Martin Horak, professeur agrégé en sciences politiques de l’Université Western
Un conseil municipal af‐ faibli
Les deux experts sont d’accord sur les deux élé‐ ments les plus marquants du mandat de John Tory.
Le premier : son leadership pendant la pandémie. Sa fer‐ meté et la clarté de sa com‐ munication à des moments clés auront marqué les es‐ prits, croit Peter Graefe.
Je crois que ça, c’est sa grande performance comme maire, dit-il.
Son legs le plus marquant toutefois, risque d’être son soutien pour la controversée loi des maires forts qui per‐ met à ces derniers de prendre certaines décisions sans l’ap‐ pui de la majorité du conseil municipal.
La chose pour laquelle les gens se souviendront de lui, c’est qu’il a demandé ces pou‐ voirs [...] que la province lui a accordés, pense Martin Ho‐ rak.
Un départ qui remet en question tout un legs
L’image de John Tory en tant que politicien stable et respectable aura tenu bon pendant plus de huit ans, ob‐ serve Martin Horak. Mais elle a volé en éclats vendredi der‐ nier quand il a avoué avoir trompé sa femme avec une de ses employées. Il a annon‐ cé sa démission sur le champ.
Ça me désole de le dire, mais je pense que le moment le plus marquant de sa car‐ rière est celui qui vient d’arri‐ ver. On se souviendra de John Tory pour la façon dont il a quitté ses fonctions.
Sa réputation a été très fortement blessée. [...] Je crois que les Torontois ne vont pas oublier ce qui s’est passé, ajoute Myer Siemiatycki.