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Quand les paris sportifs s’invitent dans la culture du sport

- Anne-Marie Trickey

Du hockey au football amé‐ ricain, les paris sportifs font maintenant partie de la culture du sport au Ca‐ nada. Des experts pré‐ viennent cependant que les plateforme­s de paris sportifs agissent comme porte d’entrée à l’utilisa‐ tion habituelle des casinos en ligne, ce qui risque d’augmenter les dépen‐ dances au jeu à long terme.

Samedi passé marquait la soirée du Super Bowl 2023, une des plus grandes soirées sportives de l’année. Dans l’es‐ pace événementi­el The Rec Room, à Toronto, le bar était plein à craquer.

Un grand écran diffusait une émission d’avant-match. Sous l’écran géant, une scène qui accueillai­t des animateurs et des experts en paris spor‐ tifs. Ils discutent de leur choix du vainqueur, mais aussi de plusieurs autres possibilit­és de paris.

Jelani Goodridge-Reid est un des animateurs en ques‐ tion. À 22 ans, il travaille pour l’entreprise médiatique Ho‐ mestand Sports, qui réalise du contenu pour les partisans sportifs et a organisé cette soirée du Super Bowl.

J’ai commencé à placer des paris sportifs quand j’avais 19 ans, lance-t-il.

J’utilise beaucoup d’appli‐ cations différente­s. Je suis quelqu’un qui aime faire des paris sportifs.

Jelani Goodridge-Reid, ani‐ mateur chez Homestand Sports

Dans son rôle d’animateur, il aide à réaliser des vidéos d’analyses sportives sur la pla‐ teforme YouTube qui parle de plusieurs aspects du sport, dont les paris sportifs.

Ce type de jeu est donc in‐ tégré dans le quotidien de Je‐ lani Goodridge-Rodrigue. Mais il n’est pas le seul, selon le pro‐ fesseur adjoint en gestion du sport à l’Université Brock, Mi‐ chael Naraine.

La culture du sport a chan‐ gé. Les opérateurs qui gèrent ces plateforme­s essaient d’in‐ tégrer les paris sportifs à l’identité des partisans, ex‐ plique-t-il.

Les paris sportifs feront bientôt partie de la routine quotidienn­e des partisans sportifs.

Michael Naraine, profes‐ seur adjoint en gestion du sport à l’Université Brock

Le chercheur ajoute que depuis l’ouverture du marché ontarien pour les jeux et casi‐ nos en ligne en avril 2022, le nombre d’opérateurs pour les paris sportifs réglementé­s a augmenté exponentie­lle‐ ment.

Selon M. Naraine, ces com‐ pagnies veulent avant tout acquérir une clientèle, ce qui explique le nombre de publici‐ tés étourdissa­nt pendant les matchs sportifs et sur les ré‐ seaux sociaux.

À écouter :

Hausse de popularité des jeux de hasard et d’argent en ligne

Une porte d’entrée aux casinos en ligne

Même si les publicités visent à placer des paris spor‐ tifs, ce n’est pas tout à fait l’objectif final des opérateurs.

Le sport est l’accroche qui attire les gens, mais ce n’est pas le seul moyen de parier et ce n’est pas l’opportunit­é de marge la plus élevée pour les opérateurs. Ils gagneront beaucoup plus d’argent avec l’élément de casino qu’avec l’élément du sport, explique Michael Naraine.

L’accès aux casinos en ligne dans les applicatio­ns de paris sportifs permet plus de consommati­on, ce qui peut ensuite mener à plus de dé‐ pendances.

Michael Naraine, profes‐ seur adjoint en gestion du sport à l’Université Brock

Le but ultime pour les opé‐ rateurs, selon le chercheur, est donc de faire parier les gens dans les casinos en ligne, qui font maintenant partie des applicatio­ns mobiles de paris sportifs.

Voici un exemple : si je fais un pari à 14 h pour un match plus tard dans la soirée, je dois souvent attendre jusqu’à 22 h pour savoir le résultat, dit-il. En attendant, je peux al‐ ler parier dans le casino en ligne, dans l’applicatio­n, et jouer au blackjack ou à la rou‐ lette, et je vais avoir un résul‐ tat instantané.

Et cette accessibil­ité aux jeux en ligne inquiète la Dre Sylvia Kairouz, titulaire de la Chaire de recherche sur l'étude du jeu de l'Université Concordia.

On n'a plus à se déplacer physiqueme­nt au casino ni à planifier ces activités de jeu. L’accessibil­ité est littéralem­ent universell­e - on peut jouer à tout moment, n’importe quand, lance la chercheuse.

Selon elle, si la société pousse vers plus de jeu et plus de consommati­on, ce qui semble être le cas, le nombre de personnes qui vont déve‐ lopper des dépendance­s au jeu va nécessaire­ment aug‐ menter.

Quand il y a un problème de jeu, ce n’est pas seulement un problème qui affecte la personne, mais son entou‐ rage également.

Dre Sylvia Kairouz, titulaire de la Chaire de recherche sur l'étude du jeu de l'Université Concordia

Quand il y a une augmen‐ tation de la consommati­on du jeu d'un point de vue po‐ pulationne­l, il va y avoir une augmentati­on au niveau des problèmes, constate la Dre Kairouz.

Des mesures pour contrer la dépendance

La chercheuse soutient qu'il est surtout important d’avoir un régulateur fort pour assurer la protection des jeunes et des personnes vul‐ nérables aux dépendance­s aux jeux.

Le Conseil du jeu respon‐ sable soutient d’ailleurs que les paris sportifs banalisent l'activité du jeu et que des mesures de protection des consommate­urs doivent être mises en place pour protéger les joueurs.

Pour Mark Silver, le fonda‐ teur de Parleh Media Group, qui chapeaute Homestand Sports, c’est le rôle des com‐ pagnies de jeux de mettre en place des mesures pour pro‐ téger les joueurs.

Nous ne sommes qu’une compagnie médiatique et non un opérateur de paris spor‐ tifs, bien que nous collabo‐ rions avec ces d’entreprise­s.

Mark Silver, fondateur du Parleh Media Group

Si les compagnies qui offrent des applicatio­ns de jeu ne créent pas un environne‐ ment qui est sécuritair­e pour les jeunes et pour des gens vulnérable­s aux dépen‐ dances, ce marché risque d’al‐ ler de travers rapidement, ditil.

Lors de l’événement du Su‐ per Bowl 2023 à Toronto, l’opérateur de paris sportifs BET99 était sur place pour in‐ citer les gens à s'inscrire sur leur plateforme. Rob Conway, le responsabl­e du contenu pour l’entreprise, était égale‐ ment sur place.

Selon lui, le jeu respon‐ sable est primordial et l’appli‐ cation de BET99 offre des pos‐ sibilités de mettre des limites de temps et d’argent, et ce, pour les casinos en ligne inté‐ grés dans leur plateforme de paris sportifs.

Les casinos en ligne font partie de l’offre de divertisse‐ ment que nous fournisson­s. C’est quelque chose que les gens aiment faire et évidem‐ ment un casino chez soi est beaucoup plus pratique, in‐ dique M. Conway.

De son côté, Jelani Goo‐ dridge-Reid dit par ailleurs ne pas utiliser les casinos en ligne.

Je crois que c’est correct

que les casinos soient avec les paris sportifs dans les applica‐ tions, dit-il. Cependant, il faut que les gens comprennen­t ce qu’ils sont en train de faire quand ils utilisent ces plate‐ formes, constate-t-il.

Mais le jeune de 22 ans ne compte pas arrêter de faire des paris sportifs aussitôt.

Il y a tellement d’opportu‐ nités et quand tu gagnes, c’est un sentiment heureux. Des fois, je vais faire deux ou trois paris, mais si je perds, j’arrête, dit-il. Je sais qu’il faut être res‐ ponsable.

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