Radio-Canada Info

Québec, un tigre de papier?

- Alex Boissonnea­ult

Il fallait voir le premier mi‐ nistre François Legault au Conseil de la fédération l’été dernier, bomber le torse aux côtés de son ho‐ mologue Doug Ford. « Quand l’Ontario et le Québec se tiennent en‐ semble, on va aller loin ». Voilà un rappel que, visible‐ ment, toute distance est relative lorsqu’il est ques‐ tion de transferts en santé.

Il aura beau dire que la partie n’est pas terminée, si le chef caquiste est loin d’une chose, c’est de son objectif ini‐ tial. Il demandait 6 milliards de dollars par année d’argent frais, il pourrait s’en tirer avec un peu plus du sixième de cette somme.

Pas tout à fait ce qu’on ap‐ pelle une bonne négociatio­n pour Québec. À Première heure, le ministre fédéral de la Santé, Jean-Yves Duclos avait un message clair : voilà ce qu’il y a sur la table, tâchons main‐ tenant de nous assurer que l’argent puisse donner un peu d’air au réseau de la santé.

Il a même ajouté qu’Otta‐ wa n’acceptera pas que le fi‐ nancement supplément­aire vienne remplacer l’argent que les provinces et territoire­s ont promis d’investir dans les pro‐ chaines années. Bref, si le gou‐ vernement fédéral n’impose pas de condition, il a tout de même les provinces à l'oeil.

Ottawa dit non, Québec change de ton

C’est mieux que rien, dit François Legault, qui fait contre mauvaise fortune bon coeur. Il espère, même s’il ne semble pas trop y croire, que Justin Trudeau va changer d’idée : On va continuer de dire que ça a pas de bon sens.

Dire que le ton s’est adouci est un euphémisme. Il y a un an à peine, Québec deman‐ dait, voire exigeait, une aug‐ mentation récurrente et sans condition des transferts en santé. Lors de sa mise à jour économique en 2020, les mil‐ liards demandés à Ottawa fai‐ saient même partie de la stra‐ tégie du ministre des Finances pour renouer avec l’équilibre budgétaire.

Il y a donc de quoi teinter les perception­s. Surtout que cette rebuffade survient après une série d’autres, dans des dossiers que François Legault lui-même avait transformé­s en enjeux prioritair­es. Les poings sur la table n’ont servi à rien lorsqu'il était question que le fédéral s’engage à ne pas s’opposer à la loi 21, à soumettre les entreprise­s à charte fédérale à la loi 101, ou à fermer le chemin Roxham.

En matière d’immigratio­n, le premier ministre du Qué‐ bec avait fait du rapatrieme­nt des pouvoirs d’Ottawa une question de survie de la na‐ tion. Faute d’obtenir quoi que ce soit, il s’est rabattu sur des demandes plus raisonnabl­es, comme un meilleur finance‐ ment ou une plus grande part d’immigrants francophon­es.

Dans ce contexte, les op‐ positions ont le beau jeu de semer le doute : François Le‐ gault parle fort pour défendre les intérêts de la nation, mais au-delà des mots? Quel béné‐ fice pour les Québécois?

Le premier ministre a pris l’habitude, lorsqu’il ne par‐ vient pas à faire des gains à Ottawa, de rappeler ses faits glorieux, soit ses ententes sur le financemen­t des services de garde, du logement social ou de la formation de la maind'oeuvre.

Il n’empêche que ces vic‐ toires commencent à dater, pour des enjeux qui n’avaient rien d’existentie­l pour le gou‐ vernement. En politique comme ailleurs, l’arbre sera ju‐ gé à ses fruits, surtout dans un deuxième mandat.

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