Radio-Canada Info

Mois de l’histoire des Noirs : trois questions au documentar­iste Johann Nertomb

- Lyne Barnabé

Né en Guadeloupe de pa‐ rents originaire­s de cet ar‐ chipel des Caraïbes, le do‐ cumentaris­te, journalist­e et cinéaste Johann Ner‐ tomb est arrivé à Vancou‐ ver en 2016, après avoir tra‐ vaillé en France comme journalist­e notamment à TF1 et France 2.

Quand on lui demande ce que représente le Mois de l’histoire des Noirs, c’est d’abord avec hésitation qu’il se livre.

Pour être honnête, j'étais assez dubitatif au départ puisque j'ai subi et je subis en‐ core aujourd'hui, des propos et des actions racistes, confiet-il. Et donc, c'est très compli‐ qué pour moi de me dire qu'un mois dans l'année va régler tous ces problèmes.

En revanche, Johann Ner‐ tomb y voit désormais l’occa‐ sion d’en apprendre sur l’his‐ toire des diverses commu‐ nautés noires.

Même moi, en tant que Noir et nouvel arrivant au Ca‐ nada, j’ai appris plein de choses sur l'histoire cana‐ dienne des Noirs. Des choses que je n’aurais pas pu ap‐ prendre autrement, expliquet-il.

Descendant d’esclaves, Jo‐ hann Nertomb reconnaît que ce mois lui donne dorénavant envie de parler de sa propre histoire.

Je sais qu'il y a autant d'histoires différente­s qu'il y a de Noirs et de familles noires. Donc, au final, je trouve [ce mois] intéressan­t, oui.

Dans le cadre du Mois de l’histoire des Noirs, Johann Nertomb a accepté de parta‐ ger ses coups de coeur d’ar‐ tistes et d’oeuvres d'artistes noirs qui l'ont inspiré dans son parcours profession­nel.

Une personnali­té noire que vous admirez?

Une des personnali­tés noires que j'admire, et ce, de‐ puis que je suis très jeune, c’est Maryse Condé.

C'est une écrivaine guade‐ loupéenne qui se revendique indépendan­tiste. Donc, elle voudrait que la Guadeloupe soit indépendan­te.

Elle a écrit des livres telle‐ ment forts qui sont encore lus aujourd'hui et respectés. Elle a d’ailleurs gagné beaucoup de prix littéraire­s.

Ce qui est particulie­r, c'est que dans un roman, elle ar‐ rive à parler de ce qui est as‐ sez profond. Par exemple, des déchiremen­ts entre l'Afrique et les Caraïbes.

Elle a vraiment un phrasé, une élocution qui est très in‐ téressante. La façon dont elle s'exprime dans ses livres m'a marqué. Et je me suis dit : "Il faut que j'arrive à ce niveaulà!".

Car de savoir que quel‐ qu'un de ma petite île a réussi à avoir ce rayonnemen­t inter‐ national, moi, ça m'a porté. C’est pour ça que j'essaie, que je vais de l'avant parce que j'ai cette vision de ces gens, de mon mon peuple, qui ont es‐ sayé, qui sont passés à tra‐ vers et qui rayonnent au‐ jourd'hui.

Une oeuvre d'un(e) ar‐ tiste noir(e) qui vous a mar‐ quée?

C'est le film d'animation Spider-Man : Into the SpiderVers­e.

C'est un film d'animation qui a reçu un nombre consi‐ dérable d'Oscars. Et ça a été la première fois qu’un réalisa‐ teur noir [Peter Ramsey] a été primé pour un film d'anima‐ tion.

Quand j’ai vu ce film, il m'a donné la chair de poule. Pour moi, il y a eu un avant SpiderMan : Into the Spider-Verse et un après.

J'ai été impression­né par les images, par l'histoire et par la façon dont ça a été amené.

Je ne m'étais jamais inté‐ ressé à l'animation avant. Pour moi, l'animation était en dessous. Aujourd'hui, c'est carrément l'inverse. Je me dis : "Wow, on peut faire des choses extraordin­aires avec l'animation!".

Depuis que j’ai vu ce film, j’ai participé à deux projets d'animation alors que je n'au‐ rais jamais essayé avant. Donc, ça me "booste", quoi.

Un(e) artiste noir(e) que vous souhaitez nous faire découvrir?

J'aimerais vous faire décou‐ vrir Sylvaine Dampierre qui est une réalisatri­ce et toucheà-tout, un peu comme moi. Elle fait le montage, la réalisa‐ tion, le son.

Lorsque j’ai voulu devenir documentar­iste en France, je suis arrivé à l'entretien [de l’école de formation Ateliers Varan] et Sylvaine Dampierre était dans la salle puisqu'elle faisait partie du comité de sé‐ lection.

La pression qu'elle a mise sur moi! Et je sais pourquoi : c'est parce qu'on vient de la même île. Je l'ai ressenti comme : "Écoute, on n'est pas nombreux, on est deux ici. Si jamais je te sélectionn­e, qu'est-ce que tu vas apporter pour que notre île soit fière de nous?".

Cette pression que j'ai res‐ sentie, ce n'est pas quelque chose de négatif. Ça a été as‐ sez fort pour me faire passer le test.

Et après, je me suis intéres‐ sé à sa carrière. Elle a fait des choses que moi j'essaye de faire aussi. Comme savoir d'où je viens. C'est comme un travail de recherche sur ma vraie identité. Elle, elle a com‐ mencé à le faire avant moi. Et donc, ça m'a encouragé à es‐ sayer aussi.

Au sujet de Johann Ner‐ tomb

Johann Nertomb a d’abord travaillé comme journalist­e en France notamment pour les chaînes de télévision TF1 et France 2. En 2016, il rejoint Ra‐ dio-Canada Colombie-Britan‐ nique à titre de reporter mul‐ ti-plateforme, poste qu’il a de‐ puis quitté pour se consacrer à son métier de cinéaste et documentar­iste. Il a notam‐ ment filmé et réalisé Vivre le Downtown Eastside, un docu‐ mentaire qui dépeint le par‐ cours atypique de résidents de ce quartier défavorisé et celui d’intervenan­ts sociaux francophon­es. Johann Ner‐ tomb se consacre actuelle‐ ment au développem­ent de nombreux projets dont une possible suite de Vivre le Downtown Eastside, docu‐ mentaire maintenant dispo‐ nible sur la plateforme Tou.tv.

À écouter :

La vie du Downtown East‐ side en images - Entrevue avec Johann Nertomb

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada