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Entre Dakar et Gespeg, un projet musical à la croisée des chemins

- Géraldine Martin

Derrière le projet Mi’gma‐ frica, il y a Valérie Ivy Ha‐ melin, une artiste multidis‐ ciplinaire de la Nation mi’kmaw de Gespeg, et Sa‐ dio Sissokho, un artiste sé‐ négalais dont l’instrument de prédilecti­on est la kora. Leur album À la mémoire de nos ancêtres sort ven‐ dredi sur toutes les plate‐ formes d'écoute musicale.

L’histoire de Mi’gmafrica, c’est celle d’une amitié, celle de deux alliés nés aux anti‐ podes, dont les points com‐ muns au fil des années se sont affirmés et sont devenus plus nombreux que les diffé‐ rences.

Né dans une famille séné‐ galaise griotte, une caste so‐ ciale chargée de transmettr­e la tradition orale mandingue en Afrique de l’Ouest, Sadio Sissokho a immigré au Cana‐ da en 2003 avec pour objectif de faire rayonner la musique traditionn­elle de son pays.

Sa route a croisé celle de l’artiste Valérie Ivy Hamelin, qui partage un fort sentiment d’appartenan­ce avec son ter‐ ritoire d’origine, situé à l'extré‐ mité de la péninsule gaspé‐ sienne.

On a fusionné nos deux cultures, glisse Sadio Sisso‐ kho, ça me donne une autre couleur, une autre vision.

C’est vrai que c’est particu‐ lier, notre projet!, lance Valérie Ivy Hamelin en riant. Et le défi est grand : allier la musique traditionn­elle de deux cultures et langues différente­s dans une même oeuvre.

Ce projet, c’est une façon de me réappropri­er ma langue et la chanter.

Valérie Ivy Hamelin, artiste À la mémoire de nos an‐ cêtres regroupe 12 pièces, chantées en cinq langues (mi’kmaw, mandingue, wolof, française et anglaise) et ac‐ compagnées, entre autres, par la kora traditionn­elle d’Afrique de l’Ouest ainsi que par la flûte et le tambour à main.

Beaucoup de choses en commun

Ce n’est pas une idée qui est apparue soudaineme­nt, confie Valérie Ivy Hamelin. Plus on s’investit dans le pro‐ jet, plus on réalise à quel point on a beaucoup en com‐ mun, autant au niveau des valeurs communes qu'au ni‐ veau de l’histoire commune.

Chez les Sénégalais et les Mi’gmaq, la tradition orale est extrêmemen­t importante et joue un rôle clé dans la trans‐ mission de l’histoire collective.

On est deux peuples de pêcheurs, observe aussi Valé‐ rie Ivy Hamelin, pour qui le lien avec la mer et l’eau est primordial.

Tous deux ont comme va‐ leur commune l’importance du partage, de prendre soin des autres, de penser de fa‐ çon collective, de ne pas juste penser à soi-même.

Sadio Sissokho abonde dans le même sens. On m’a éduqué comme ça, de s’aider entre frères et soeurs, de maintenir le lien fort de la fa‐ mille, dit-il. C’est important dans notre culture à nous, le respect des aînés aussi.

On n’a pas la même reli‐ gion, mais nos croyances sont les mêmes [...] à travers ce projet, on recherche plus ce qui nous unit que ce qui nous divise.

Valérie Ivy Hamelin, artiste

Réfléchir à sa propre histoire

L’intention des deux ar‐ tistes dans cet album est aus‐ si de raconter certains pans de l’histoire de leurs peuples.

Le morceau Run Buffalo Run revient sur le massacre des bisons d’Amérique au cours du 19e siècle pour affai‐ blir les peuples autochtone­s en Amérique du Nord. À l'époque, l’animal servait de nourriture de base et de res‐ source aux communauté­s pour se vêtir et se réchauffer.

C’est dans notre démarche artistique de faire ressortir des pans de l’histoire [...] ou‐ bliée ou qui n’est pas dans les livres d’école, souligne Valérie Ivy Hamelin.

Mais pas question de pro‐ poser des chansons dépri‐ mantes. Grâce au rythme, aux voix et aux instrument­s, l’in‐ tention est de ramener la joie, parce qu’il y a tellement de tristesse, d’oppression dans les corps, dans les territoire­s, vécues depuis tellement long‐ temps, dit-elle. C’est un appel à se libérer de cette souf‐ france.

Plus largement, dans À la mémoire de nos ancêtres, le duo invite chacun à réfléchir à sa propre histoire et à hono‐ rer ceux qui l'ont précédé.

Il ne faut pas oublier que chaque personne vient d’une autre personne, note Sadio

Sissokho. Si on marche notre chemin aujourd’hui, c’est grâce à la survie de nos an‐ cêtres, ajoute Valérie Ivy Ha‐ melin.

Le 10 mars prochain, les deux artistes présentero­nt leur album lors d’un spectacle à la Maison de la culture d’Ahuntsic de Montréal.

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