L’Afrique, continent d’avenir et recul de l’« afro-pessimisme »?
L'« afro-optimisme » gagne en popularité, selon plu‐ sieurs Canadiens afro-des‐ cendants. Ils revendiquent cette vision plus positive du continent africain, dé‐ nonçant au passage l’« afro-pessimisme », qui a longtemps été la norme se‐ lon eux.
Le Torontois Karim Djinko a travaillé comme journaliste en Afrique et au Canada. Il croit que les personnes afrodescendantes, à travers le monde, sont la source princi‐ pale de l’« afro-optimisme ». Quand vous regardez la nou‐ velle génération africaine, elle ne se met pas de limites, dit-il fièrement.
Même son de cloche de Mohamed Nour Diarrassou‐ ba, Franco-Ontarien et fier combattant de l’afro-pessi‐ misme . M. Diarrassouba est originaire de la Côte d’Ivoire, en Afrique de l’Ouest. Il croit que l’afro-optimisme occupe de plus en plus de place sur le continent africain notam‐ ment. L’afro-optimisme est dû au regain économique de l’Afrique, à une diaspora plus fière d’être africaine, à une gé‐ nération de leaders qui prône une nouvelle Afrique, clame-til.
Il en est de même pour Amadou Ba, chargé de cours à l'Université Laurentienne. Au‐ jourd’hui, c’est une jeunesse débordant d’énergie, des chefs d’État qui veulent chan‐ ger la donne, explique-t-il. L’Afrique du Sud, sous l’apar‐ theid, une minorité de Blancs contrôlait plus de 30 millions de Noirs. Maintenant, c’est di‐ rigé par des Noirs, donne-t-il comme exemple.
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Selon M. Ba, également professeur à l'Université de Nipissing, la coopération in‐ ternationale en Afrique prouve l’évolution de ce cou‐ rant de pensée qu’est l’afrooptimisme. Il y a des mouve‐ ments de retour de la diaspo‐ ra qui investissent en Afrique.
La coopération entre l'Afrique et le Nouveau Monde développé : la Chine, la Turquie, l’Iran, la Russie est en train de balayer les parte‐ naires traditionnels. Par exemple : la coopération du Cameroun avec la Chine est passée à plus de 40 % contre moins de 10 % avec la France.
Amadou Ba, chargé de cours à l'Université Lauren‐ tienne
De plus, Mohamed Nour Diarrassouba croit aussi que les Afro-descendants pui‐ sentl’afro-optimisme de la gestion de la crise sanitaire en Afrique. Avec la COVID-19, l’Afrique a été l’un des conti‐ nents les moins touchés, ra‐ conte-il. Il y a du réalisme dans l’afro-optimisme, conclut-il.
Il était une fois l’afropessimisme
Selon le professeur Ba, le terme afro-pessimisme n’est pas africain. Le terme afropessimisme est un concept occidental […] ça vient avec cette domination, dit-il.
Cela n’existe dans aucune langue africaine, affirme-t-il.
Même son cloche du côté de Karim Djinko. Il affirme que l’afro-pessimisme remonte à l’époque coloniale. L’afro-pes‐ simisme a été utilisé pour jus‐ tifier la colonisation ellemême, dit-il.
C’est un regard négatif qu’on porte sur les Africains, par extension, sur les Noirs. Et, ils finissent par l’intériori‐ ser. C’est une pensée limi‐ tante qu’on s’approprie.
Karim Djinko, journaliste et accompagnateur profession‐ nel
Le professeur Ba ajoute que l’afro-pessimisme est une position idéologique de droite américaine et européenne […] qui doute que l’Afrique soit un continent d’avenir.
L’afro-pessimisme et la part des médias
M. Ba croit que les médias alimentent cette vision afropessimiste de l’Afrique. À force de la projeter dans les médias, par exemple, cela crée un doute chez les Afro-descen‐ dants et au sujet de leurs compétences, croit-il. Cela crée un rejet et la distancia‐ tion des gens originaires de l’Afrique, selon lui.
Très souvent dans les mé‐ dias [occidentaux], ce qui est le plus vulgarisé de l’Afrique, ce sont les guerres fratricides, les conflits ethniques, des questions comme l’excision, les famines. Il y a toute une construction qui ne montre pas également certaines belles choses.
Amadou Ba, chargé de cours à l'Université Lauren‐ tienne
Pour Karim Djinko, il est aussi important de présenter l’Afrique autrement et de ne pas oublier que l’Afrique est composée d’une cinquantaine de pays avec des situations complètement différentes.
Il faut éviter d’emprunter un certain nombre de facilités, ajoute-t-il.
Quand on parle du conti‐ nent africain, on parle tout de suite de corruption. Pas be‐ soin de vous dire que la cor‐ ruption existe [au Canada] aussi, dit-il.
Pour le journaliste, la ques‐ tion de la représentation est aussi importante. Une ques‐ tion de justice [pour une meilleure représentation de l’Afrique] Quand un média ne ressemble pas aux préoccu‐ pations qu’il documente, il y a un problème, conclut-il.