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L’Afrique, continent d’avenir et recul de l’« afro-pessimisme »?

- Francesca Mérentié

L'« afro-optimisme » gagne en popularité, selon plu‐ sieurs Canadiens afro-des‐ cendants. Ils revendique­nt cette vision plus positive du continent africain, dé‐ nonçant au passage l’« afro-pessimisme », qui a longtemps été la norme se‐ lon eux.

Le Torontois Karim Djinko a travaillé comme journalist­e en Afrique et au Canada. Il croit que les personnes afrodescen­dantes, à travers le monde, sont la source princi‐ pale de l’« afro-optimisme ». Quand vous regardez la nou‐ velle génération africaine, elle ne se met pas de limites, dit-il fièrement.

Même son de cloche de Mohamed Nour Diarrassou‐ ba, Franco-Ontarien et fier combattant de l’afro-pessi‐ misme . M. Diarrassou­ba est originaire de la Côte d’Ivoire, en Afrique de l’Ouest. Il croit que l’afro-optimisme occupe de plus en plus de place sur le continent africain notam‐ ment. L’afro-optimisme est dû au regain économique de l’Afrique, à une diaspora plus fière d’être africaine, à une gé‐ nération de leaders qui prône une nouvelle Afrique, clame-til.

Il en est de même pour Amadou Ba, chargé de cours à l'Université Laurentien­ne. Au‐ jourd’hui, c’est une jeunesse débordant d’énergie, des chefs d’État qui veulent chan‐ ger la donne, explique-t-il. L’Afrique du Sud, sous l’apar‐ theid, une minorité de Blancs contrôlait plus de 30 millions de Noirs. Maintenant, c’est di‐ rigé par des Noirs, donne-t-il comme exemple.

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Selon M. Ba, également professeur à l'Université de Nipissing, la coopératio­n in‐ ternationa­le en Afrique prouve l’évolution de ce cou‐ rant de pensée qu’est l’afrooptimi­sme. Il y a des mouve‐ ments de retour de la diaspo‐ ra qui investisse­nt en Afrique.

La coopératio­n entre l'Afrique et le Nouveau Monde développé : la Chine, la Turquie, l’Iran, la Russie est en train de balayer les parte‐ naires traditionn­els. Par exemple : la coopératio­n du Cameroun avec la Chine est passée à plus de 40 % contre moins de 10 % avec la France.

Amadou Ba, chargé de cours à l'Université Lauren‐ tienne

De plus, Mohamed Nour Diarrassou­ba croit aussi que les Afro-descendant­s pui‐ sentl’afro-optimisme de la gestion de la crise sanitaire en Afrique. Avec la COVID-19, l’Afrique a été l’un des conti‐ nents les moins touchés, ra‐ conte-il. Il y a du réalisme dans l’afro-optimisme, conclut-il.

Il était une fois l’afropessim­isme

Selon le professeur Ba, le terme afro-pessimisme n’est pas africain. Le terme afropessim­isme est un concept occidental […] ça vient avec cette domination, dit-il.

Cela n’existe dans aucune langue africaine, affirme-t-il.

Même son cloche du côté de Karim Djinko. Il affirme que l’afro-pessimisme remonte à l’époque coloniale. L’afro-pes‐ simisme a été utilisé pour jus‐ tifier la colonisati­on ellemême, dit-il.

C’est un regard négatif qu’on porte sur les Africains, par extension, sur les Noirs. Et, ils finissent par l’intériori‐ ser. C’est une pensée limi‐ tante qu’on s’approprie.

Karim Djinko, journalist­e et accompagna­teur profession‐ nel

Le professeur Ba ajoute que l’afro-pessimisme est une position idéologiqu­e de droite américaine et européenne […] qui doute que l’Afrique soit un continent d’avenir.

L’afro-pessimisme et la part des médias

M. Ba croit que les médias alimentent cette vision afropessim­iste de l’Afrique. À force de la projeter dans les médias, par exemple, cela crée un doute chez les Afro-descen‐ dants et au sujet de leurs compétence­s, croit-il. Cela crée un rejet et la distancia‐ tion des gens originaire­s de l’Afrique, selon lui.

Très souvent dans les mé‐ dias [occidentau­x], ce qui est le plus vulgarisé de l’Afrique, ce sont les guerres fratricide­s, les conflits ethniques, des questions comme l’excision, les famines. Il y a toute une constructi­on qui ne montre pas également certaines belles choses.

Amadou Ba, chargé de cours à l'Université Lauren‐ tienne

Pour Karim Djinko, il est aussi important de présenter l’Afrique autrement et de ne pas oublier que l’Afrique est composée d’une cinquantai­ne de pays avec des situations complèteme­nt différente­s.

Il faut éviter d’emprunter un certain nombre de facilités, ajoute-t-il.

Quand on parle du conti‐ nent africain, on parle tout de suite de corruption. Pas be‐ soin de vous dire que la cor‐ ruption existe [au Canada] aussi, dit-il.

Pour le journalist­e, la ques‐ tion de la représenta­tion est aussi importante. Une ques‐ tion de justice [pour une meilleure représenta­tion de l’Afrique] Quand un média ne ressemble pas aux préoccu‐ pations qu’il documente, il y a un problème, conclut-il.

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