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De pensionnai­re à artiste, il trouve la paix au bout de ses pinceaux

- La race oubliée

Un artiste d'origine afroaméric­aine et autochtone aujourd'hui établi sur l’île de Vancouver a choisi la peinture pour exprimer le traumatism­e vécu durant sa jeunesse passée dans des établissem­ents reli‐ gieux des Territoire­s du Nord-Ouest et de l’Alberta.

À 79 ans, les oeuvres de Robert Burke sont le reflet du temps qu’il a passé au pen‐ sionnat pour Autochtone­s St Joseph de Fort Resolution, aux Territoire­s du NordOuest, puis au pensionnat pour garçons St Mary, à Ed‐ monton.

Ce n’était pas une expé‐ rience très agréable. [...] On était laissés à nous-même, au pensionnat, confie-t-il.

Fils d’un soldat afro-améri‐ cain et d’une mère autoch‐ tone de Fort Smith, aux Terri‐ toires du Nord-Ouest, il a été abandonné très tôt, passant ses nuits chez des membres de communauté­s autoch‐ tones, à errer en forêt ou au poste de police, jusqu’à ce qu’il soit envoyé au pension‐ nat.

Il n’est toutefois pas amer, lorsqu’il repense à son his‐ toire. Ça a fait la personne que je suis, lance-t-il, avant d’ajouter : Vous savez, je ne suis pas un artiste renommé, mais je commence à me faire connaître!

Ses oeuvres ont notam‐ ment été exposées au Musée des beaux-arts du Grand Vic‐ toria lorsqu’il a reçu le prix Ta‐ nabe, en 2022. Ce prix est re‐ mis annuelleme­nt à des ar‐ tistes britanno-colombiens faisant preuve d’une créativité exceptionn­elle et promet‐ teuse par un groupe de conservate­urs des musées de la province.

Lorsqu’il était au pension‐ nat, Robert Burke n’a jamais entendu parler d’une commu‐ nauté noire comme on en parle aujourd’hui, mais il sou‐ ligne qu’il n’était pas le seul élève noir.

Ce groupe de jeunes nés d’un parent noir et d’un pa‐ rent autochtone, il l’appelle la race oubliée et en a fait l’objet d’une série d’oeuvres. C’est le résultat de ma connaissan­ce de moi-même, parce que pen‐ dant la plus grande partie de ma vie, on a essayé de me convaincre que j’étais quel‐ qu’un d’autre.

En fait, j’ai toujours su qui j’étais [...] quand on vous traite de [mot en n] dans votre enfance, vous savez de quoi il en retourne, expliquet-il.

Tout ce qu’il sait de son père, c’est que l’homme était l’un des milliers de soldats américains envoyés au Cana‐ da pour bâtir la route de l’Alaska, dans les années 1940.

Contrairem­ent aux soldats blancs, les Afro-Américains vi‐ vaient de façon complète‐ ment séparée des commu‐ nautés locales, explique l’his‐ torien Ken Coates. Cette époque, ajoute-t-il, en était une de grands stéréotype­s et de toutes sortes de préjugés. L’armée laissait ces soldats dans des camps à des kilo‐ mètres des villes.

Cela n’a toutefois pas em‐ pêché les relations de toute sorte entre ces militaires et des membres de communau‐ tés locales, note Ken Coates. De certaines de ces relations sont nés des enfants.

Les pinceaux comme instrument­s de guérison

Après ses années comme pensionnai­re, Robert Burke raconte avoir été ouvrier de ferme, puis opérateur de ma‐ chinerie avant de se lancer dans l’industrie forestière.

À sa retraite, à 53 ans, il s’est inscrit dans une école d’art de Victoria, en ColombieBr­itannique. Par ses pinceaux, il raconte aujourd’hui son his‐ toire et chemine vers la guéri‐ son.

La plupart de mes oeuvres sont à caractère social, ex‐ plique-t-il. Elles sont une fa‐ çon de comprendre les choses et de me libérer l’es‐ prit.

Avec les informatio­ns de Marc Winkler et Sara Mi‐ nogue

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