Les vétérans francophones attendent encore davantage pour leurs demandes de prestation
Le commissaire aux langues officielles du Cana‐ da, Raymond Théberge, de‐ mande à Anciens Combat‐ tants Canada (ACC) d’agir pour que les délais de trai‐ tement des demandes de prestations d’invalidité des vétérans francophones soient les mêmes que pour les anglophones.
L’écart du délai de traite‐ ment des demandes est pas‐ sé de 15,8 semaines en 20192020 à 8,8 semaines en 20212022. Jusqu’à présent, pour l’année financière 2022-2023, le délai moyen pour traiter les dossiers en français est de 40,9 semaines et de 32,1 se‐ maines pour les dossiers en anglais, note le commissaire aux langues officielles, dans un rapport préliminaire d’en‐ quête daté de février 2023, dont Radio-Canada a obtenu une copie.
La situation n’est pas nou‐ velle. Et la plainte traitée dans ce rapport par le commissaire
Théberge s’ajoute à celles, fondées, reçues chaque an‐ née depuis 2017-2018, soit neuf, au total.
Une autre enquête sur la même question, en juillet 2021, regroupait six plaintes reçues depuis 20172018. Elle fera d’ailleurs l’objet d’un suivi qui devrait com‐ mencer sous peu, précise le Commissariat aux langues of‐ ficielles.
J’ai été particulièrement touché par la nature de ces plaintes, comme il s’agit de services offerts à des per‐ sonnes qui ont servi notre pays et qui ont besoin de sou‐ tien. Pour l’ensemble des ser‐ vices offerts par les institu‐ tions fédérales, les délais d’at‐ tente devraient être les mêmes pour les franco‐ phones et les anglophones, a réagi le commissaire Théberge dans une déclaration écrite, ne souhaitant pas accorder d’entrevue sur cette question puisque l’enquête est en cours.
Des progrès, assure le Ministère
Le Commissariat fait trois recommandations à ACC pour corriger le tir. Le Ministère as‐ sure avoir déjà commencé à
agir en créant un plan d’ac‐ tion.
Ce plan d’action donne des résultats, dit le Ministère qui note des progrès continus au cours de la dernière année. Au premier trimestre de l’année 2021-2022, le temps de traite‐ ment moyen pour les vété‐ rans francophones était de 13,6 semaines de plus que pour les vétérans anglo‐ phones. Au deuxième tri‐ mestre, cet écart avait été ré‐ duit de près de moitié à 7,3 semaines, et au troisième trimestre (31 décembre 2022), cet écart avait été réduit à 2,4 semaines, son point le plus bas à ce jour.
ACC explique avoir aug‐ menté ses effectifs d’em‐ ployés francophones et bi‐ lingues, qui représentent maintenant 30 % des em‐ ployés traitant les demandes.
Effectifs d’employés pou‐ vant traiter des demandes de prestations d’invalidité : En 2019 :
114 postes en anglais 9 postes en français 43 postes bilingues TOTAL : 166 em‐ ployés
En 2023 :
242 postes en anglais 38 postes en français 70 postes bilingues TOTAL : 350 employés
Source : Anciens combat‐ tants Canada
Depuis 2021, ACC dit aussi avoir mis sur pied une équipe chargée de faire le suivi des délais de traitement des de‐ mandes en français. Cette an‐ née-là, 8437 demandes en français ont été traitées, contre 5766 au cours de l’an‐ née 2020.
Il fallait une stratégie et c'est exactement ce que nous avons fait depuis 2021, dé‐ fend Darrell Samson, député Sackville—Preston—Chezzet‐ cook et secrétaire parlemen‐ taire du ministre des Anciens Combattants et ministre as‐ socié de la Défense nationale. En 2020-2021, on avait envi‐ ron 15 semaines de retard et aujourd'hui, on est à peu près à deux à trois semaines de re‐ tard. Donc, nous nous rappro‐ chons énormément. [...] Il y a encore du travail à faire, mais nous sommes [dédiés à cette] tâche et je suis bien convain‐ cu qu'on va [rectifier] le tir cette année.
On a vu une amélioration dans la dernière année et de‐ mie d'à peu près 13 semaines. Donc, si on fait les calculs, dans les prochains six mois, on devrait y arriver.
Darrell Samson, secrétaire parlementaire du ministre des Anciens Combattants
Selon le député Samson, les problèmes soulevés ces dernières années s’expliquent par deux facteurs : la hausse des prestations offertes aux vétérans sous son gouverne‐ ment libéral et la fermeture des bureaux d’aide aux an‐ ciens combattants, décidée par le gouvernement conser‐ vateur en 2014, qui ont mis plus de pression sur le traite‐ ment des dossiers. Il rappelle aussi les suppressions de postes au Ministère, par le passé.
Quand on est [arrivé] au pouvoir, il fallait rouvrir les bureaux. Il fallait réembau‐ cher et entraîner les employés que nous avions perdus. Ça a causé énormément d'arriérés, en plus des services et béné‐ fices que nous avons ajoutés.
En date du 13 février 2023, 4883 demandes en français sont en attente, et 1018 d’entre elles font partie de l’arriéré, selon le Ministère.
L’ombudsman des vété‐ rans demande plus
En 2018, l’ombudsman des vétérans de l’époque, Guy Pa‐ rent, dénonçait la situation dans un rapport [lien ex‐ terne]. Invitée à réagir, sa suc‐ cesseure, Nishika Jardine, n’était pas disponible pour ré‐ pondre aux questions de Ra‐ dio-Canada.
Mais dans une mise à jour sur les temps d’attente relatifs aux prestations d’invalidité, publiée le 25 octobre dernier, le Bureau de l’ombudsman des vétérans (BOV) reconnais‐ sait les efforts importants faits par ACC pour réduire l’ar‐ riéré de demandes à traiter.
Le BOV soulignait toute‐ fois que les temps d’attente dépassent considérablement la norme de service de 16 se‐ maines établie par ACC et que les demandeurs franco‐ phones continuent d’attendre plus longtemps que leurs ho‐ mologues anglophones.
Le Ministère doit améliorer les temps d’attente pour les francophones. Il ne devrait pas y avoir d’iniquité en rai‐ son de la langue ou du genre du demandeur.
Extrait du communiqué du Bureau de l’ombudsman des vétérans du 25 octobre 2022
Le Bureau de l’ombuds‐ man des vétérans notait éga‐ lement que les longs temps d’attente pour obtenir une décision relative aux de‐ mandes de prestations d’inva‐ lidité continuent d’être la prin‐ cipale raison des plaintes re‐ çues.