Apparence de collusion entre déneigeurs au Québec
Déneigement Serge Julien est en affaires à Boucher‐ ville, en Montérégie, de‐ puis 10 ans. Il y a deux ans, une entreprise concur‐ rente lui a proposé par tex‐ to de partager le territoire d’un quartier.
Le propriétaire Serge Julien relate le message reçu : C'est Hélène, de Déneigement Van Velzen. Moi, je m'apprête bientôt à envoyer mes contrats du secteur de Nor‐ mandie. Comme je t'ai men‐ tionné hier, c'est moi qui l'ai acheté. Alors, je voulais savoir si ça t'intéressait de prendre une certaine partie du sec‐ teur. Et moi, je prendrais l'autre partie.
Il se souvient de sa réac‐ tion : Moi, j'ai répondu que non. Ça ne m'intéressait pas du tout.
Déneigement Van Velzen a refusé de commenter la situa‐ tion à Boucherville et nie les allégations de collusion.
Selon la Loi sur la concur‐ rence, la division des terri‐ toires et la fixation des prix des contrats sont illégales au Canada.
La collusion est une infrac‐ tion criminelle et, si elle est prouvée, une amende maxi‐ male de 25 millions de dollars et un emprisonnement de 14 ans peuvent être imposés aux contrevenants.
Pour savoir si cette propo‐ sition est légale en vertu de la Loi sur la concurrence, l’équipe de La facture l’a sou‐ mise au professeur en droit des affaires à l’Université TÉ‐ LUQ, Benjamin Lehaire.
Là, on est sur une entente pour la répartition du terri‐ toire géographique. Le fait de se dire "voilà, je fais mes contrats, on y est, je suis prêt à diviser le secteur, moi j'ai un secteur, toi tu en as un", c'est parfaitement illégal, affirme-til.
Ailleurs au Québec
Il n’y a pas qu’à Boucher‐ ville qu'il y a apparence de col‐ lusion. Depuis deux ans, des dizaines de citoyens prove‐ nant de Drummondville, Al‐ ma, Nicolet ou encore Laval ont écrit à La facture à ce su‐ jet. Tous allèguent que des déneigeurs se partagent des territoires.
À Prévost, dans les Lauren‐ tides, Viviane Dagenais a été stupéfaite de recevoir une soumission de 650 $ de son nouveau déneigeur. L’an der‐ nier, elle avait payé 367 $ avec une autre entreprise qui a de‐ puis cessé ses activités. Elle a tenté de trouver un autre dé‐ neigeur, en vain.
J'en ai appelé dix. La majo‐ rité d'entre eux m’ont répon‐ du qu’ils ne viennent pas dans la rue de la Station. Ils ont tous leurs secteurs, lac Re‐ naud, lac Écho. Le couteau sur la gorge, j’ai signé mon contrat à 650 $.
Viviane Dagenais, rési‐ dente de Prévost
Emmanuel Monette est l’ancien déneigeur de Mme Dagenais. Cette année, il ne fait que du déneigement com‐ mercial. Selon lui, il y a un par‐ tage des territoires entre dé‐ neigeurs à Prévost.
Il affirme avoir toujours re‐ fusé de jouer à ce jeu et il dé‐ nonce aujourd’hui l’intimida‐ tion dont il dit avoir fait les frais.
J’ai reçu des menaces comme : "Garde ton territoire, reste chez vous. On ne veut pas t'avoir dans notre sec‐ teur." Je me suis déjà fait dire qu'ils en avaient fait mourir plus d'un dans le déneige‐ ment, c'est-à-dire qu'ils avaient fait crever des compa‐ gnies plus d'une fois, té‐ moigne-t-il.
L’équipe de La facture a contacté des déneigeurs de la région; seulement deux ont répondu à l’appel. Les frères Alain et Denis Girard refusent de parler de monopole. Ils af‐ firment qu’aucun déneigeur n’a proféré de menaces.
Des textos haineux
À Boucherville, Serge Julien a reçu des textos haineux de‐ puis que son fils Nicolas est devenu déneigeur.
Déneigement Nicolas Ju‐ lien a sollicité des clients dans un secteur où travaille Dénei‐ gement Lacombe. Les prix of‐ ferts par Nicolas sont de 280 $ par entrée, tandis que Dénei‐ gement Lacombe demande 400 $ à ses clients. Une situa‐ tion qui ne plaît pas à l’entre‐ prise.
Dans un texto, Michel La‐ combe écrit : Belle mentalité de cabochon, quand je suis à 400 $, de mettre ça à 280 $. J’aurais bien pu descendre mes prix, mais tu sais quoi? Je ne l’ai pas fait, car je me res‐ pecte et je respecte le métier de déneigeur. Je suis là pour faire de l’argent, pas pour dé‐ neiger.
Je le fais honnêtement et non en coupant les prix comme vous faites, ajoute-t-il.
Selon le professeur Benja‐ min Lehaire, il y a, dans ces textos, un début d'infraction à la Loi sur la concurrence. Il est interdit de fixer les prix des contrats entre les dénei‐ geurs.
Michel Lacombe a refusé notre demande d’entrevue, mais par téléphone, il nie les allégations de collusion et parle plutôt d’une compé‐ tition déloyale de la part de Nicolas Julien.
De son côté, Serge Julien souhaite que les consomma‐ teurs puissent négocier les prix des déneigeurs.
Je veux que les choses ar‐ rêtent, alors je dois dénoncer. Je crois sincèrement que les ci‐ toyens de Boucherville ont droit à une concurrence, dé‐ clare-t-il.
Le Bureau de la concur‐ rence a refusé de commenter l'apparence de collusion dans l'industrie du déneigement.