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Arizona : Rio Verde Foothills, « le premier domino à tomber » dans la lutte pour l’eau

- Azeb Wolde-Giorghis

Le whisky, c'est pour boire, mais l'eau, c'est pour se battre, dit un célèbre adage en Arizona. Il n'aura jamais sonné aussi vrai.

Le 1er janvier dernier, la Ville de Scottsdale a décidé de couper le robinet aux habi‐ tants de Rio Verde Foothills, car ils ne sont pas dans sa juri‐ diction. Depuis, c'est la ba‐ taille pour l'eau.

Le maire de Scottsdale, Da‐ vid Ortega, se défend en affir‐ mant que la ville doit réduire sa consommati­on d'au moins 5 %, à cause de la sécheresse. Les 2000 habitants de Rio Verde Foothills ne sont liés à aucun gouverneme­nt munici‐ pal. Cinq cent d'entre eux dé‐ pendent de Scottsdale, tandis que les autres peuvent en‐ core tirer leur eau de leurs puits.

Lothar Rowe a acheté le Ranch Miller, il y a une quin‐ zaine d'années, mais le puits s'y est asséché depuis. Le ranch abrite une quarantain­e de chevaux qui consomment 4000 litres d'eau par jour.

Aujourd'hui, le ranch dé‐ pend des livreurs d'eau de la région pour remplir ses deux réservoirs. Depuis que les transporte­urs n'ont plus ac‐ cès à Scottsdale, le prix de l'eau est passé de 3 cents pour près de 4 litres à 11 cents. Le prix de l'eau a ain‐ si triplé.

Je pourrais acheter du San Pellegrino aux chevaux, ça coûterait moins cher!

Lothar Rowe, propriétai­re du Ranch Miller

John Hornewer est un des plus importants livreurs d'eau de la région. Il possède cinq camions-citernes, dont deux qui ont une capacité de 22 000 litres chacun.

Comme il n'a plus accès à l'eau de Scottsdale, il doit se rendre à la station Apache Junction, qui est plus loin. Le processus est également plus long : à coups de 25 cents, il remplit son camion-citerne. Il ne peut pas servir autant de clients qu'avant : aujourd'hui, il fournit de l'eau à deux ou trois clients par jour.

Cette sécheresse n'est pas une blague. Avant, je faisais le plein à Scottsdale et ça me prenait environ une heure. Maintenant, tout le processus me prend trois ou quatre heures.

John Hornewer, livreur d'eau

Karen Nabity vit avec son mari à Rio Verde Foothills de‐ puis 2016, dans une maison qu'elle a conçue elle-même. Le couple consomme 51 litres d'eau par jour, alors que la moyenne pour un couple est de 300 litres. Mme Nabity ré‐ cupère l'eau de pluie pour rin‐ cer la vaisselle et les toilettes.

On prend une douche une fois tous les quatre jours et on utilise un quart de tasse d'eau pour se brosser les dents et se laver les mains.

Karen Nabity, résidente de Rio Verde Foothills

Ses voisins, eux, ont déci‐ dé de s'inscrire à un club de gym uniquement pour pou‐ voir se doucher. Le plus para‐ doxal, c'est que les construc‐ tions de nouvelles maisons vont bon train dans la région, même s'il n'y a plus d'eau. L'endroit est convoité par de jeunes retraités séduits par le désert. Une agente immobi‐ lière, qui ne voulait pas accor‐

der d'entrevue, a précisé que les nouvelles maisons ont toutes un puits.

Notre communauté est le premier domino à tomber et à ressentir véritablem­ent les ramificati­ons de la séche‐ resse. L'eau est une ressource précieuse et non un bien illi‐ mité.

John Hornewer, livreur d'eau

La région de Scottsdale re‐ gorge de terrains de golf ver‐ doyants qui font la fierté de la ville et où l'eau coule impuné‐ ment.

Et pourtant, tout le SudOuest américain vit la pire sé‐ cheresse de son histoire. Il pleut de moins en moins. Le fleuve Colorado a 20 % moins d'eau qu'il y a 20 ans. Qua‐ rante millions de personnes, dans sept États, dont l'Arizo‐ na, dépendent de ce fleuve.

Solution canadienne?

L'entreprise canadienne Epcor tente d'obtenir un per‐ mis pour acheminer de l'eau aux résidents de Rio Verde Foothills. Il faudra d'abord ins‐ taller l'infrastruc­ture, un pro‐ cessus qui prendra deux à trois ans.

Epcor est un des plus gros fournisseu­rs d'eau réglemen‐ tée dans la région. Cet or bleu ne provient pas du Canada, mais de différente­s sources, dont le fleuve Colorado.

Scottsdale est maintenant en discussion avec le comté de Maricopa pour acheter de l'eau supplément­aire d'un tiers parti afin de l'acheminer, une fois traitée, aux résidents de Rio Verde Foothills. La Ville se ferait rembourser par le comté.

Il est également question d'un moratoire sur toute nou‐ velle constructi­on dans la ré‐ gion. Une réunion est prévue le 21 février prochain.

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