Expulsés de leur logement par un franchisé de Tim Hortons
Trois locataires de Souris à l’Île-du-Prince-Édouard contestent un avis d’expul‐ sion.
Cécile Sly dit avoir reçu une lettre le 5 janvier de l'en‐ treprise DP Murphy Inc, qui possède plusieurs restaurants Tim Hortons, et qui vient d’ac‐ quérir l’édifice à logements où elle habite.
Ils n’ont pas de base légale pour faire cela, indique-t-elle.
Selon des documents dé‐ posés à la Commission de ré‐ glementation et d’appels de l’Île (CRAI), la compagnie a l’in‐ tention d’utiliser les lieux pour loger certains travailleurs étrangers.
La lettre envoyée aux loca‐ taires indique quant à elle que DP Murphy envisage d’utiliser les lieux pour un usage autre que résidentiel, une raison va‐ lable aux yeux de la loi pour forcer des locataires à démé‐ nager.
Devant la situation, Mme Sly a décidé de se battre et conteste vivement son ex‐ pulsion. Elle argue que l’argu‐ ment de DP Murphy ne tient pas la route, puisque l’utilisa‐ tion des lieux sera la même, soit la location.
La mairesse de Souris, JoAnne Dunphy, confirme ne pas avoir reçu de demande de rezonage et déplore la perte de logements dans sa région.
Nous n’aimons pas voir les gens perdre leur logis, dit-elle.
Des défis de logements
L’Île-du-Prince-Édouard est aux prises avec une impor‐ tante pénurie de logements, mais aussi avec une pénurie de main-d’oeuvre.
Plusieurs entreprises du secteur touristique ont pressé les deux paliers de gouverne‐ ment à les aider pour le recru‐ tement de travailleurs étran‐ gers. La province a annoncé l’an dernier un nouveau pro‐ gramme de candidats provin‐ ciaux et le fédéral a assoupli certains critères de son pro‐ gramme de travailleurs étran‐ gers temporaires.
Selon des documents sou‐ mis à la CRAI par le directeur des ressources humaines de DP Murphy, Abdul Babar, il est essentiel pour l’entreprise de fournir un logement à ses travailleurs étrangers tempo‐ raires dans le cadre de ses ef‐ forts de recrutement.
M. Babar écrit que certains de ses gérants doivent conduire une heure depuis Charlottetown [...] et des em‐ ployés conduisent seuls, sou‐ vent tard le soir, dans des conditions hivernales.
Dans sa déclaration, DP Murphy indique posséder quatre propriétés à l’île qui permettent de loger des em‐
ployés, incluant un édifice à Souris qui loge 10 locataires.
Le droit de s'exprimer contesté
L’avocat de l’entreprise Mark Doucet a indiqué qu’il ne commenterait pas la situa‐ tion.
Mais après avoir su que CBC avait obtenu des docu‐ ments, M. Doucet a répliqué que les locataires qui contestent l’expulsion ont été avisés par la CRAI qu’il pour‐ rait y avoir des conséquences ou des amendes à partager publiquement de l’informa‐ tion.
Nous sommes [...] très pré‐ occupés par l'éventuelle diffu‐ sion publique de nos dossiers professionnels. J'ai donc esti‐ mé que je n'avais pas d'autre choix que d'informer la com‐ mission de ce problème, a écrit M. Doucet dans un cour‐ riel.
Deux locataires ont en‐ suite refusé d’accorder une entrevue. La CRAI a aussi dé‐ cliné les demandes de CBC pour commenter la situation, citant des raisons de confi‐ dentialité.
Rosalind Waters est béné‐ vole avec l’organisme de dé‐ fense des locataires P.E.I. Fight fo Affordable Housing. Elle dit n’avoir jamais entendu de cause où on empêchait les lo‐ cataires de s’exprimer publi‐ quement.
Elle n’hésite pas à parler de tactique d’intimidation.
Cela démontre le déséqui‐ libre du pouvoir entre les pro‐ priétaires et les locataires dans cette province, affirme-telle.
De son côté, l’audience de Cécile Sly devant la commis‐ sion est prévue jeudi. Elle af‐ firme que d’autres locataires lui ont confié avoir peur de se tenir devant ces grandes en‐ treprises.
Mais elle veut que l’avis d’expulsion soit déclaré inva‐ lide et ajoute qu’elle ne se tai‐ ra pas.
C’est une audience de la commission sur le logement, pas une question de sécurité nationale!, dit-elle.
D’après un reportage de Kerry Campbell de CBC