Encore : raconter la toxicomanie des femmes
L’autrice Marie Darsigny est catégorique : on ne per‐ çoit pas la toxicomanie des hommes et celle des femmes de la même ma‐ nière. C’est la raison pour laquelle elle a souhaité écrire la sienne.
Celle qu’on a connue par la voie de la poésie en 2017 avec Filles (Les Éditions de l’Écrou) nous a raconté, l’année sui‐ vante, la peur de la trentaine, avec le roman Trente (Les Édi‐ tions du remue-ménage). Elle dévoile maintenant de grands pans de sa propre histoire dans le livre Encore : conte de toxicomanie tranquille, paru aux Éditions du remue–mé‐ nage en février.
Outre la littérature, les en‐ gagements et les études fémi‐ nistes ont fait partie du par‐ cours académique et artis‐ tique de l’autrice qui ne se voyait pas dans ce qu’on di‐ sait jusqu’à présent au sujet des femmes vivant avec des problèmes de toxicomanie. J’ai commencé à écrire dans l'ur‐ gence et la colère de ne pas me voir représenter nulle part en tant que femme qui consomme , lance-t-elle.
Elle soutient d'autant plus que les paradigmes sont dis‐ tincts entre un homme et une femme : Quand une femme consomme et qu’elle fait dé‐ faut à ses obligations, on va tout de suite le lui reprocher alors que les hommes sont plus facilement excusés , ditelle.
Ma vie, c’était de consom‐ mer, partout, et tout le temps , explique Marie Darsigny, qui tient à démontrer que la dé‐ pendance peut se vivre de manière cachée, sans que per‐ sonne ne s’en rende compte.
Pour se protéger, et pour protéger ses lecteurs et ses lectrices, l’autrice ne parle ja‐ mais précisément de ce qui est consommé ou bien de la quantité qui est ingérée dans Encore : conte de toxicoma‐ nie tranquille. C’est entre autres pour éviter la compa‐ raison , affirme-t-elle. On ne veut pas que quelqu’un consi‐ dère sa situation vraiment moins pire et pense à tort que son problème n’est pas réel.
Les interprétations de la guérison
C’est en cherchant une progression narrative cohé‐ rente pour son livre que Ma‐ rie a souhaité inclure le concept de conte dans le titre. Elle voulait ainsi souligner à grands traits que l’on ne rece‐ vrait pas de leçon ni d’excuse. La fin du livre ne serait pas le portrait d’une femme repen‐ tie, désolée et « guérie ». « Ça se peut que ça recommence. Ça se peut que non », an‐ nonce-t-elle par rapport à sa consommation. L’avenir est sans réponse.
Le parcours est toutefois bien clair et les étapes sur‐ montées sont déclinées les unes après les autres avec franchise et humilité. Retra‐ çant elle-même la ligne du temps de ses traumas, elle dé‐ crit le dessin qu’elle tend à son thérapeute :
Le papier s’imbibe de bord en bord pour accueillir mes traumatismes, qui méritent les plus belles couleurs chaudes : une agression en orange, une rupture en rouge, des déceptions régulières en rose saumon. Mes rencontres amoureuses se lisent en ca‐ maïeu de bleus et mes pre‐ mières fois avec différentes substances prennent la cou‐ leur jaune d’un foie malade.
Marie Darsigny dans En‐ core : conte de toxicomanie tranquille
Encore est un livre qui nous agrippe et nous prend par plusieurs sentiments et qui, sans être un guide, in‐ tègre néanmoins de nom‐
breuses notions véritables portant à la réflexion :
Aucune étude n’a pu me‐ surer les niveaux de neuro‐ transmetteurs dans le cer‐ veau, tout comme aucun scientifique n’a jamais réussi à isoler le gène de la dépen‐ dance. Bref, le concept de la maladie ne me satisfait pas du tout.
Marie Darsigny dans En‐ core : conte de toxicomanie tranquille
Hormis les moments durs et les « reality check » , Encore est un livre de toutes les émo‐ tions : « J’aimerais souligner que mon livre est vraiment drôle aussi, dit Marie Darsigny en riant. Il ne faut pas se sen‐ tir mal de vouloir rire. Des his‐ toires de brosse, c’est très drôle. »
Le livre Encore : conte de toxicomanie tranquille de Marie Darsigny est disponible en librairie depuis le 14 février aux Éditions du remue-mé‐ nage.
Ce texte a été rédigé à partir d’une entrevue d’Émilie Perreault, animatrice de l’émission Il restera toujours la culture.