Catherine Ethier, une conteuse extraordinaire
Même si Catherine Ethier vit de son écriture depuis des années, rédiger son premier roman a été toute une épreuve. Après une journée de travail à écrire pour la radio ou la télé, elle était vidée et croyait n’avoir plus rien d’intéres‐ sant à raconter. « Pourquoi le monde lirait ça? », se de‐ mandait-elle. La réponse est arrivée rapidement après la publication d’Une femme extraordinaire, en 2022. Les gens l’ont lu. Beaucoup de gens. Son livre s’est hissé au premier rang du palmarès des ventes du site Les libraires, qui regroupe plus de 100 li‐ brairies indépendantes.
Une femme extraordi‐ naire est un succès-surprise pour elle. Je ne m’attendais pas à ce que ça résonne au‐ tant [...] Je ne m’attendais pas non plus à ce qu'il y ait autant de gens qui se confient à moi, dit-elle.
Des fois, j’ai le trac au mi‐ lieu d’une page. C’est comme si je voulais tout annuler et al‐ ler faire mon cours de fleu‐ riste...
Catherine Ethier
Son livre est une fiction. Mais comme le personnage ressemble drôlement à son autrice, les gens ont évidem‐ ment fait des rapproche‐ ments. Le roman raconte l’his‐ toire de Corinne Gazaille, une jeune trentenaire qui semble avoir tout pour être heu‐ reuse. En apparence seule‐ ment. En coulisses, elle doit composer avec la dépression et l’anxiété.
Catherine Ethier avait en‐ vie d’exploiter le thème du mal de vivre, un sujet qui la touche, ainsi que sa famille, depuis longtemps. Parler des choses plus taboues, comme le mal de vivre et les idées sui‐ cidaires, fait partie de moi. Si je n’avais pas connu ça, j’au‐ rais peut-être eu une certaine pudeur.
Des fois, en abordant ces sujets, ça nous unit. Cela ouvre une petite fenêtre dans une maison un peu sombre. Catherine Ethier
Elle a l’habitude des sujets délicats. Dans ses chroniques hebdomadaires à Tout un matin, elle aborde souvent de front des thèmes qui ne manquent pas de faire réagir l’auditoire : la violence conju‐ gale, le féminisme, l’état de notre réseau d’éducation ou de santé, le sort des femmes, etc.
Contrairement à une chro‐ nique de quelques minutes à la radio, un roman donne le luxe des mots. Un plaisir qu’elle a savouré à sa pleine mesure. Autant j’ai eu peur de me mettre à écrire, autant c’est le projet dans lequel je me suis sentie le plus libre et qui m’appartenait. C’était mon carré de sable à moi, et je trouvais ça bien grisant.
Elle a aimé inventer son monde et aller au bout de ses idées sans limite de temps ou de budget.
La vulnérabilité de l’au‐ tofiction
Catherine Ethier est très emballée d’être l’une des membres du jury du Prix du récit de Radio-Canada. Elle promet de s’acquitter de sa tâche avec grand soin.
Je veux que les gens sachent que je vais les lire avec beaucoup de respect et de tendresse. Là, je sonne vraiment comme une maman…, dit-elle avec une bienveillance non assumée. Elle est consciente de l’état de grande vulnérabilité dans le‐ quel on se met lorsque l’on se lance dans l’écriture d’un récit personnel pour ensuite le je‐ ter à la face du monde.
Le vertige est réel. Mais elle croit qu’il en vaut la peine. [Dans Une femme extraordi‐ naire], j’ai raconté une histoire très près de moi. Je pense que c’est comme ça qu’on écrit de bonnes histoires, pas néces‐ sairement en parlant de soi, mais en parlant de ce qui nous habite au moment où l’on écrit.
Alors, qu’est-ce qui l’habite présentement? Catherine Ethier se désole de voir beau‐ coup de solitude et de fatigue autour d’elle.
La solitude collective
Catherine Ethier se sent présentement entre deux chaises, dans ce contexte pandémique ambigu. La pause sociale a provoqué un grand silence qui fait du bien, mais qui est aussi parfois dou‐ loureux.
J’ai besoin de quelques jours de repos après un évé‐ nement. Les batteries se vident très très vite. Je ne sais pas comment on faisait avant. J’imagine qu’il y a un juste mi‐ lieu dans tout ça, mais c’est long avant que ça revienne. Et je n’ai pas nécessairement en‐ vie que ça revienne. C’est comme une nouvelle façon de vivre.
Dans les confidences spontanées reçues à la suite de la publication de son pre‐ mier roman, elle constate à quel point beaucoup de per‐ sonnes sont très seules, n’ont pas de ressources ou y ont difficilement accès. C’est ce qui l’inspire pour son pro‐ chain livre, sur lequel elle est déjà en train de plancher.
Je n’écris pas sur le mal de vivre, mais sur l’amitié et la so‐ litude. L’étrange moment où l’on réalise qu’on est plus seule qu’on pensait. On doit se faire des amies alors qu’on n’est plus à l’école. Comment on fait quand on est adulte pour se faire des amies? Com‐ ment rompre cette solitude?
Son deuxième roman met‐ tra en scène un personnage très loin d’elle pour éviter qu’on lui demande à répé‐ tition : C’est-tu toi? Il n’y aura pas d'ambiguïté. Je ne veux plus vivre ça, dit-elle en riant.
À lire et écouter :
Catherine Ethier en tête des plumes québécoises les plus vendues en 2022 La com‐ position du jury du Prix du ré‐ cit Radio-Canada 2023 est dé‐ voilée | Prix de la création Chronique | Le corps des femmes n’est pas un article de mode, Tout un matin Chro‐ nique | La violence conjugale à peine voilée dans nos fils d’actualité, Tout un matin
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