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Patrimoine : les élus désignent un édifice de l’histoire franco-ontarienne d’Ottawa

- Benjamin Vachet

Le conseil municipal d’Ot‐ tawa a adopté sans discus‐ sion ni opposition, mercre‐ di matin, la désignatio­n de l’ancienne École St-Pierre en vertu de la Loi sur le pa‐ trimoine de l’Ontario.

Les Franco-Ontariens ont eu beaucoup de difficulté­s à avoir des écoles franco‐ phones dans la province de l'Ontario. [...] Mais finalement, on a eu nos écoles. [...] Et je pense qu'il faut reconnaîtr­e le travail qui a été fait par beau‐ coup de gens, explique Sté‐ phanie Plante, vice-présidente du Comité du patrimoine bâti d’Ottawa et conseillèr­e muni‐ cipale du quartier Rideau-Va‐ nier, dans lequel se trouve l’École St-Pierre.

Le 14 février, le Comité du patrimoine bâti d’Ottawa s’était déjà prononcé en fa‐ veur de la désignatio­n de cette propriété située au 353 rue Friel, dans le quartier de la Côte-de-Sable.

Une place dans l’histoire de la lutte contre le Règle‐ ment 17

Avant de devenir une rési‐ dence d'appartemen­ts, pro‐ priété de Saickley Enterprise­s Ltd., l’École St-Pierre a été une école élémentair­e franco‐ phone pour filles. Elle est d’ailleurs la première école de langue française dans le quar‐ tier parmi celles encore exis‐ tantes, puisque l’école Gar‐ neau qui l’a précédée a été dé‐ truite dans les années 1960, note Diego Elizondo, agent de projets pour le Réseau du pa‐ trimoine franco-ontarien (RP‐ FO).

D’un point de vue architec‐ tural, elle reprend plusieurs attributs d'autres écoles qui sont construite­s exactement à la même époque, comme l'École Guigues, en 1904, dans la Basse-Ville, et l'École Bré‐ beuf… Ces trois écoles ont été dessinées par le même archi‐

tecte, Félix Maral Hamel, note le spécialist­e du patrimoine franco-ontarien. La valeur ar‐ chitectura­le de l'ancienne École St-Pierre se retrouve no‐ tamment à l'extérieur. Plu‐ sieurs détails ont subsisté de‐ puis la fermeture du bâti‐ ment, en 1977 : on a le fron‐ ton, [...] la corniche, la brique rouge, la fondation en pierres calcaires, les fenêtres à guillo‐ tines et à carreaux…

L'École St-Pierre était un de ces lieux où les Franco-On‐ tariens se sont mobilisés au début du 20e siècle pour dé‐ fendre leurs droits.

Diego Elizondo, agent de projets pour le Réseau du pa‐ trimoine franco-ontarien

Et au-delà de la valeur ar‐ chitectura­le de l’édifice, c’est sa place dans l’histoire francoonta­rienne qui est impor‐ tante, dit-il.

L'École St-Pierre a elle aussi fait partie de ces hauts lieux de la résistance franco-onta‐ rienne. Il y a eu du piquetage, du débrayage, on a empêché les inspecteur­s qui venaient forcer l'applicatio­n du Règle‐ ment 17 [qui empêchait l’ap‐ prentissag­e du français] de venir à l'intérieur. On faisait le pied de grue à l'extérieur.

Urgence d’agir

Pour M. Elizondo, il est donc important de préserver cet édifice, d’autant que la Loi visant à accélérer la construc‐ tion de plus de logements en Ontario, votée en fin d’année, a modifié des parties de la Loi sur le patrimoine de la pro‐ vince.

Des écoles qui n’étaient pas désignées, comme l'École St-Pierre, vont être beaucoup plus difficiles à désigner dans le futur, explique-t-il.

L’école se trouvait de‐ puis 2015 sur le registre du patrimoine de la Ville, une sorte de désignatio­n partielle, illustre M. Elizondo. En cas de demande de démolition, par exemple, sa présence sur ce registre lui permettait d’obte‐ nir un délai pour que la Muni‐ cipalité mène des consulta‐ tions et puisse choisir d’accor‐ der le permis de démolition ou de désigner l’édifice.

Avec une désignatio­n en vertu de la Loi sur le patri‐ moine, elle est désormais da‐

vantage protégée.

Un travail colossal pour la Ville

D’ici 2024, la Municipali­té doit revoir l'ensemble de son registre patrimonia­l, qui date de 2019.

Pour la Ville d’Ottawa, cela représente quelque 4600 pro‐ priétés inscrites actuelleme­nt sur ce registre pour lesquelles il faudra de nouveau se pro‐ noncer. À l’échelle de la pro‐ vince, M. Elizondo en évalue le nombre à 31 500. Si un édifice n’est pas réinscrit sur le re‐ gistre, il ne pourra pas y être ajouté avant cinq ans.

On sait que cette loi est plus favorable au développe‐ ment, alors c'est pour ça qu'on se préoccupe - surtout dans mon quartier de la Basse-Ville, du marché By et de la Côte-de-Sable - de nous assurer d’avoir une désigna‐ tion pour tous les bâtiments qui ont du patrimoine.

Stéphanie Plante, vice-pré‐ sidente du Comité du patri‐ moine bâti d’Ottawa et conseillèr­e municipale du quartier Rideau-Vanier

La charge de travail s’an‐ nonce colossale, mais cela pourrait éviter d’éventuelle­s démolition­s, illustre Mme Plante.

[Il s’agit de s’assurer] que les gens qui ont ces bâtiments ne puissent pas faire n'im‐ porte quoi.

La maison de Gisèle La‐ londe bientôt désignée?

M. Elizondo s’inquiète no‐ tamment du sort des églises qui ne sont pas encore dési‐ gnées en vertu de la Loi sur le patrimoine à travers la ville, comme la paroisse St-Joseph d’Orléans.

Il faudrait vraiment faire attention d'ici les prochains mois et essayer au maximum de faire désigner le plus de bâ‐ timents liés à l'histoire et au patrimoine franco-ontarien pour éviter de futures poten‐ tielles démolition­s.

Outre l’école St-Pierre, la conseillèr­e Plante a déjà d’autres idées de désigna‐ tions, moins pour leurs vertus architectu­rales que pour les personnes que ces lieux re‐ présentent.

Une chose que je vais es‐ sayer de faire, c'est de faire re‐ connaître des bâtiments où des gens célèbres dans la communauté franco-onta‐ rienne ont vécu. [...] Je travaille avec l'Associatio­n commu‐ nautaire Vanier pour désigner la maison de Gisèle Lalonde, explique Mme Plante. C'est complèteme­nt nouveau pour la Ville d'Ottawa, alors on est en train de regarder ça. [Mais] c’est absolument faisable. Ils le font avec d'autres bâti‐ ments en Ontario. [...] C’est toujours les francophon­es qui sont les pionniers, alors je suis contente d'être la personne qui va amener ça à l'hôtel de ville.

La décision du conseil mu‐ nicipal, mercredi matin, est un beau alors que février marque le Mois du patrimoine en On‐ tario français, note M. Elizon‐ do. Selon lui, il s'agit de la pre‐ mière désignatio­n en dix ans pour le patrimoine franco-on‐ tarien d’Ottawa.

Joint par Radio-Canada, Saickley Enterprise­s Ltd. a in‐ diqué n’avoir aucun commen‐ taire à faire dans ce dossier.

Avec les informatio­ns de Joanne Chianello de CBC News

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