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Affectée par une maladie, cette Ontarienne n’a pas mangé depuis deux ans

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Affectée par un important trouble de l’estomac, une jeune femme de Sudbury n’a pas mangé un seul re‐ pas depuis presque deux ans et survit à l’aide d’infu‐ sions de nutriments dans son sang.

Porshia Ciutti, une infir‐ mière d’Horizon Santé Nord de 24 ans, souffre de gastroparé­sie, ce qui signifie que son estomac ne se vide pas assez rapidement et que, lors‐ qu'elle mange, la nourriture reste dans l'organe et y pour‐ rit au lieu d'être digérée.

Elle a commencé à souffrir de cette maladie après avoir contracté une forme grave de la COVID-19 il y a deux ans.

Après avoir été infectée par le virus sur son lieu de tra‐ vail en mars 2021, elle a été admise à l’urgence en raison de symptômes graves.

Elle affirme qu'elle ne pen‐ sait pas que cette visite aux urgences allait mener à un sé‐ jour de trois mois à l'hôpital. Pendant son séjour, les méde‐ cins ont lutté pour la mainte‐ nir en vie à l'aide de tubes d'alimentati­on.

Je vomissais des aliments provenant de mes intestins et je vomissais même le tube qui était dans mes intestins, af‐ firme-t-elle.

Pendant cette période, j'ai perdu environ 40 kilos, ajoute-t-elle.

Une machine, un tube et un liquide pour rester en vie

Les traitement­s standard comme des changement­s de régime alimentair­e, les tubes d'alimentati­on et les injec‐ tions de Botox n’ont pas réus‐ si à régler son problème de santé.

Mme Ciutti survit désor‐ mais grâce à un tube intravei‐ neux relié à son coeur, tous les jours pendant 16 heures.

La machine de nutrition parentéral­e totale (NPT) pompe un liquide spécial dans son corps qui lui ap‐ porte les nutriments dont elle a besoin, tout en contournan­t le tractus gastro-intestinal.

La connexion à la machine NPT, dit-elle, implique un pro‐ cessus de stérilisat­ion de 30 minutes pour éviter toute infection, un rituel nécessaire du soir qu’elle doit suivre pour rester en vie.

Le Dr Keith McIntosh, gas‐ tro-entérologu­e basé à Lon‐ don, qui n'est pas son méde‐ cin, affirme que si la gastroparé­sie n'est pas rare, la gravi‐ té du cas de Mme Ciutti est hors du commun.

Il décrit la gastro-parésie comme un trouble de la vi‐ dange de l'estomac, c'est-àdire une incapacité à évacuer les aliments dans l'intestin. Cela peut entraîner des symp‐ tômes tels que nausées, vo‐ missements et douleurs ab‐ dominales.

Cela peut être assez affai‐ blissant, indique-t-il.

Selon lui, la plupart des cas de gastro-parésie sont idiopa‐ thiques, c'est-à-dire qu'il n'y a pas de trouble sous-jacent identifiab­le à l'origine des symptômes. Le deuxième cas le plus fréquent est celui qui est associé au diabète.

Le Dr McIntosh indique que la gastro-parésie peut également être causée par une infection virale, et qu'il n’est pas surpris d'apprendre que Mme Ciutti avait com‐ mencé à avoir des problèmes après avoir contracté la CO‐ VID-19.

Le médecin ajoute que cer‐ taines recherches menées pendant la pandémie ont sug‐ géré que la gastro-parésie pourrait être un effet post-vi‐ ral de la COVID-19. Il souligne que la recherche sur le lien entre le virus et la gastro-pa‐ résie n'en est qu'à ses débuts.

Selon M. McIntosh, même si le traitement NPT maintient Mme Ciutti en vie pour le mo‐ ment, il y a de fortes chances que cela ne fonctionne plus un jour.

C'est une façon vraiment misérable de vivre, si vous survivez à l’aide d’une ma‐ chine NPT et que c'est le seul moyen d'assurer votre ali‐ mentation, alors oui, votre es‐ pérance de vie diminue, ajoute-t-il.

Mme Ciutti affirme que certains spécialist­es qu’elle a consultés ont suggéré que si un traitement alternatif n'est pas trouvé, elle pourrait ne pas être en mesure de sur‐ vivre à l’aide de la machine NPT après l’âge de 30 ans.

Je ne sais pas ce que l'ave‐ nir me réserve et cela rend tout tellement, tellement diffi‐ cile, affirme Mme Ciutti.

Vivre, dit-elle, est devenu survivre.

Je ne sais pas comment elle fait

Dario Ciutti, son père, af‐ firme qu'il s'est senti impuis‐ sant en observant sa fille au cours des deux dernières an‐ nées.

C'est indescript­ible de voir que votre fille se détériore lentement, qu'elle se bat pour sa vie et que vous ne pouvez rien faire, déplore-t-il.

Elle essaye toujours d'aller au travail et tente toujours de fonctionne­r au quotidien, mais je ne sais pas comment elle fait. Je ne sais vraiment pas, dit-il.

Pour Porshia, se défaire de la nourriture et de son rituel a été l'aspect le plus difficile de toute cette épreuve.

Ma famille considère la nourriture comme un moyen de donner de l'amour et c’est donc très dur d'être constam‐ ment autour de la nourriture alors que je ne peux plus en consommer, déplore-t-elle.

Des solutions alterna‐ tives difficiles d’accès

Mme Ciutti indique que son cas a été transmis à une clinique spécialisé­e à London.

Elle explore également des chirurgies expériment­ales aux États-Unis, qui pourraient coûter des centaines de mil‐ liers de dollars puisque cellesci ne sont pas couvertes par l’Assurance-santé de l’Ontario

Selon le Dr McIntosh, l'un des traitement­s expérimen‐ taux les plus prometteur­s que l'on pourrait envisager pour Mme Ciutti est un système d'électrosti­mulation gas‐ trique.

Cette option implique que les chirurgien­s plantent des électrodes dans la paroi de l'estomac et implantent un stimulateu­r cardiaque dans la peau, dans l'espoir de stimu‐ ler l'estomac pour qu'il se contracte et achemine les ali‐ ments vers l'intestin.

Les taux de réussite de ce traitement sont toutefois mi‐ tigés, selon lui. Ce traitement n’est pas non plus couvert par l'Assurance-santé de l'Ontario.

La dernière fois que j'ai vé‐ rifié, il en coûtait 10 000 $ juste pour le dispositif, sans parler de toutes les procé‐ dures nécessaire­s pour le mettre en place, indique le Dr McIntosh.

Mme Ciutti affirme que même si elle est déçue d'être obligée de chercher des soins à l'extérieur du Canada, elle n'a pas d'autre choix. Le com‐ bat pour sa vie n'est pas en‐ core gagné.

Mon corps m'a trahie. C'est tellement difficile de voir que c'est ma vie, de savoir que si je ne vais pas aux ÉtatsUnis, ma vie aura une date li‐ mite qui sera très, très bien‐ tôt, déplore-t-elle.

Avec les informatio­ns de Sam Juric de CBC

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