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Une mère québécoise souligne le sacrifice de son fils mort au combat en Ukraine

- Sébastien Desrosiers

Depuis le début de la guerre, au moins trois Ca‐ nadiens sont morts sur le champ de bataille en Ukraine. Une mère québé‐ coise, dont le fils n'est ja‐ mais revenu, demande de ne pas les oublier.

Il fait partie des milliers de combattant­s étrangers partis pour aider à défendre le pays contre l'invasion russe. ÉmileAntoi­ne Roy-Sirois, 31 ans, n’était pourtant pas un mili‐ taire. Il avait étudié la philoso‐ phie et travaillai­t au service à la clientèle dans une entre‐ prise de Montréal, à l’hi‐ ver 2022.

Une semaine après [le dé‐ but de la guerre], il a com‐ mencé à parler de partir, ra‐ conte sa mère, Marie-France Sirois. Ça le touchait, il en avait les larmes aux yeux. Je voyais que ça venait le cher‐ cher, c'était fou.

Elle décrit son fils comme quelqu’un de gentil, qui se fai‐ sait un devoir de dénoncer les injustices. Les images de civils ukrainiens sous les bombar‐ dements, particuliè­rement les enfants, lui étaient insuppor‐ tables.

Quand il était petit, il a vé‐ cu de l'intimidati­on, se sou‐ vient Marie-France. Il est de‐ venu un grand gaillard, mais je pense qu’il est resté [...] le petit garçon qui aurait voulu qu’il y ait plus de gens autour pour le protéger.

Plusieurs membres de la famille ont tenté de le dissua‐ der de se rendre au front, en vain. Rien ne pouvait le convaincre, le faire changer d'idée, laisse tomber sa mère.

En quelques semaines, Émile-Antoine a quitté son emploi et sous-loué son ap‐ partement au centre-ville. Il est parti pour l’Ukraine le 27 mars.

J’aurais voulu connaître Émile-Antoine plus long‐ temps

En route, le Québécois a bien vu qu’il n’était pas le seul à faire ce périple.

J’aurais voulu connaître Émile-Antoine plus long‐ temps, explique James, un jeune Américain. Nous nous sommes rencontrés en Po‐ logne. J'ai vu tout de suite son sac à dos camouflage et je lui ai demandé s'il allait en Ukraine comme moi. Il m'a dit oui et comme il n'avait pas de plan particulie­r, il a rejoint notre groupe.

Je suis content qu’il ait dé‐ cidé de le faire, ajoute-t-il. Il nous faisait rire constam‐ ment.

Émile-Antoine s’est lié d’amitié avec ses compa‐ gnons, qui se sont tous enrô‐ lés dans l’armée ukrainienn­e au mois de mai.

L’un d’entre eux, surnom‐ mé AJ, un autre Américain, ra‐ conte qu’ils se sont retrouvés dans l'oeil de la tempête du‐ rant l’été.

À un moment en juin, nous étions à Lysychansk, précise-t-il. Nous avons presque été encerclés avant que les Russes prennent la ville.

Quelques semaines plus tard, le 18 juillet, leur unité se trouvait près de Siversk, dans la région de Donestk, quand elle a été prise sous le feu de l’artillerie russe.

L’un de nos camarades a été atteint par des éclats d'obus. Émile-Antoine et d’autres ont tenté de le mettre sur une civière, et c’est là qu’ils ont été tués, explique AJ, qui n’était qu’à quelques mètres.

Lui et les autres ont battu en retraite, puis ils sont reve‐ nus chercher les corps de leurs amis.

Émile-Antoine, Luke et Bryan – deux Américains – de même qu’Edvard – un Sué‐ dois – ont eu droit à une céré‐ monie en leur honneur.

J’ai gardé plusieurs photos et vidéos d’Émile-Antoine, confie AJ. C'était mon premier vrai ami en Ukraine. C’était vraiment un bon gars.

Il lui aura fallu deux jours pour appeler Marie-France et lui apprendre la nouvelle.

Ne pas oublier

Mon fils, je pensais l’avoir longtemps, déplore-t-elle au‐ jourd’hui, toujours affligée par le deuil.

Ce que je trouve le plus triste, c'est qu’Émile-Antoine avait encore beaucoup de belles choses à vivre.

Marie-France Roy-Sirois, mère d'Émile-Antoine Roy-Si‐ rois

Elle se console en se disant qu’il a été heureux jusqu’à la fin, qu’il se sentait utile et qu’il était habité d’un certain senti‐ ment d’accompliss­ement.

Je n’aime pas la guerre, ditelle, mais je pense qu'il faut souligner le courage de per‐ sonnes comme mon fils qui disent : "On ne peut pas ac‐ cepter ça."

Selon Affaires mondiales Canada, au moins trois Cana‐ diens ont perdu la vie en Ukraine depuis le 24 fé‐ vrier 2022.

Marie-France se console également grâce au soutien de la communauté ukrai‐ nienne de Montréal, qui a or‐ ganisé une messe pour son fils à l’église de l'Assomption­de-la-Bienheureu­se-ViergeMari­e, en août dernier.

À la fin de la cérémonie, les gens sont venus pour m’offrir leurs condoléanc­es et deman‐ der pardon, raconte-elle. C’était quelque chose d’inou‐ bliable. Je leur disais : "Vous n’avez pas à demander par‐ don, vous souffrez déjà telle‐ ment."

Aujourd'hui, elle et son fils sont liés à ce peuple pour tou‐ jours.

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