Radio-Canada Info

Kalush Orchestra armé de culture ukrainienn­e

- Raphaël Bouvier-Auclair

PARIS - Il a fallu peu de temps après le début du concert, dans une petite salle ronde du nord-est de Paris, pour que le cri Slava Ukraini (gloire à l'Ukraine) résonne sur scène comme au sein de la foule.

Les membres de Kalush Orchestra, vêtus de costumes traditionn­els et certains du chapeau rose qui fait mainte‐ nant la marque du groupe, enchaînent les chansons en ukrainien, avec le style éclec‐ tique qui leur est propre.

Leur musique est assez unique en mélangeant le folk‐ lore, le hip-hop et le rap, dé‐ crit Vincent, un amateur fran‐ çais qui n’a découvert cette formation que très récem‐ ment. Je ne les connaissai­s pas avant l’Eurovision, ça, c’est sûr, confirme-t-il.

Ce populaire concours de chanson, regardé par plus de 160 millions de téléspecta‐ teurs l’an dernier, a été un point marquant dans le par‐ cours de Kalush Orchestra, se‐ lon Tymofii Muzychuk, qui chante et joue de la tilinca, un type de flûte.

L’Eurovision a été une très grande plateforme qui nous a permis de nous produire da‐ vantage à l’étranger et de montrer notre chanson et notre culture ukrainienn­e au monde entier, explique-t-il.

Le 14 mai 2022, à Turin, en Italie, Kalush Orchestra a rem‐ porté le concours après avoir présenté sa chanson Stefania. Depuis, les musiciens multi‐ plient les concerts en Europe et en Amérique du Nord pour présenter leurs chansons qui abordent des thèmes notam‐ ment liés à la famille, à l’Ukraine ou à sa culture.

Je pense que non seule‐ ment nous, mais aussi chaque artiste qui se produit à l'étran‐ ger montrons la culture ukrai‐ nienne, qu’ils [les Russes] es‐ saient maintenant de dé‐ truire.

Tymofii Muzychuk, membre de Kalush Orchestra

De la musique pour re‐ cueillir des fonds

Les membres de Kalush Orchestra, tous en âge de combattre, ont obtenu des autorisati­ons spéciales pour quitter le territoire ukrainien. Avec la loi martiale en vigueur depuis le début de l’invasion russe, tous les hommes âgés de 18 à 60 ans doivent, sauf exception, rester sur le terri‐ toire national.

Certains proches sont à la guerre, donc en danger. Nous pensons constammen­t à notre famille et à nos amis, lance Tymofii Muzychuk, qui ajoute néanmoins que ses ca‐ marades et lui « ont une mis‐ sion importante » à accomplir.

Le groupe, initialeme­nt fondé en 2019 dans la petite ville de Kalouch, dans l’ouest de l’Ukraine, recueille des fonds qui sont entre autres distribués aux forces armées.

Depuis le début de la guerre, les musiciens assurent avoir amassé 60 millions de hryvnias, la monnaie ukrai‐ nienne, soit l’équivalent de plus de 2 millions de dollars canadiens.

Puis, évidemment, il y a ce partage de la culture ukrai‐ nienne, central durant les concerts du groupe. Pendant les chansons, des écrans géants présentent d’ailleurs des photos de paysages ukrainiens, mais aussi des cli‐ chés d’édifices détruits pen‐ dant le conflit.

Cette petite bulle de culture ukrainienn­e, au coeur de Paris, a attiré de nombreux membres de la diaspora, ins‐ tallés dans la capitale fran‐ çaise.

J’étais déjà à l’étranger quand la guerre a commencé, et c’était très difficile pour moi, explique Maxim, qui porte sur ses épaules un im‐ mense drapeau ukrainien. Pour cet amateur de longue date de Kalush Orchestra, as‐ sister à ce concert était un moment très spécial.

Un sentiment partagé par Tatiana, qui, comme 100 000 autres Ukrainiens, est arrivée en France comme ré‐ fugiée au cours de la dernière année. Une vie qu’elle décrit comme étant parfois très fati‐ gante.

Pour cette jeune femme qui n’a pas eu l’occasion de rentrer chez elle depuis le dé‐ but du conflit, ces quelques heures passées en compagnie de musiciens, qui sont presque devenus des ambas‐ sadeurs du pays, était comme revenir en Ukraine.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada