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« Bye-bye boss! » Quand les employés sont au pouvoir

- Karim Ouadia

Être son propre patron, va‐ loriser le travail avant le profit et gérer son entre‐ prise comme une démocra‐ tie. Ce sont là des valeurs qui font l’unanimité chez les membres de quelques coopérativ­es rencontrés à Montréal.

Ce modèle d’affaires, qui côtoie l’organisati­on classique du travail, semble sur de bons rails. À l’échelle mondiale, les membres des coopérativ­es représente­nt au moins 12 % de l'humanité, nous apprend l'Alliance Coopérativ­e Interna‐ tionale.

David Dorez, membre fon‐ dateur de La Chope Angus, une microbrass­erie artisanale de 27 employés, présente sa coopérativ­e comme une en‐ treprise à dimension humaine qui se veut proche des habi‐ tants du quartier Rosemont à Montréal.

Profitant d’une pause après une inspection visuelle des cuves, M. Dorez explique avec passion l’aventure qu’il vit depuis une année avec ses collègues, alors que la pandémie paralysait l’écono‐ mie et mettait à rude épreuve les entreprise­s les plus so‐ lides.

Le mot intercoopé­ration revient souvent dans son dis‐ cours. Notre brasserie appar‐ tient au quartier, au milieu où elle est installée, aime-t-il ré‐ péter.

La coopérativ­e est aussi une entreprise qui vient avec son lot de difficulté­s.

Notre défi est d’allier les aspects d’une entreprise clas‐ sique avec ceux d’une écono‐ mie sociale, remarque M. Do‐ rez. L’enjeu, dit-il, est égale‐ ment lié à la gestion démocra‐ tique au sein de la coopéra‐ tive. Les décisions les plus im‐ portantes sont du ressort de tous les membres, contraire‐ ment à une PME, où le patron peut, seul dans son bureau, décider de tout.

La coopérativ­e est un le‐ vier à l’entreprene­uriat diffé‐ rent du modèle inc.

David Dorez, membre fon‐ dateur de la coopérativ­e La Shop Angus

Il reconnaît toutefois que lui et ses collègues ont bénéfi‐ cié de beaucoup de soutien. En plus du Réseau Coop du Québec, les autres coopéra‐ tives étaient là au démarrage, chacune avec son expertise.

Ça se présente bien, selon M. Dorez, qui pense augmen‐ ter le nombre d’employés avant l’été.

La coopérativ­e qui sur‐ vit à ses fondateurs

Établie depuis 15 ans, Mo‐ lotov, une agence de commu‐ nication qui dit oeuvrer au rayonnemen­t des initiative­s sociales, environnem­entales, culturelle­s, locales et éthiques, est parmi les entre‐ prises qui ont contribué à ai‐ der La Chope Angus dans le cadre de l’intercoopé­ration.

Là aussi, on prône le sa‐ voir-faire, la démocratie et la camaraderi­e comme valeurs et recette du succès.

Son coordonnat­eur géné‐ ral, Nicolas Bonnet, explique d’emblée qu’aucun des membres fondateurs ne fi‐ gure aujourd’hui sur la liste des travailleu­rs qui com‐ posent le personnel de l’agence. Plusieurs équipes s’y sont succédé au fil du temps.

C’est la magie de la for‐ mule coopérativ­e qui se struc‐ ture autour des personnes qui la font fonctionne­r.

Nicolas Bonnet, coordon‐ nateur général, Molotov

Les difficulté­s de la coopé‐ rative à percer sont par ailleurs plus ou moins simi‐ laires à celles d’une entreprise classique, explique M. Bonnet. Il s’agit d’aller chercher les marchés et faire sa place dans son milieu d’activités. On ne nous fait pas de cadeau, fait-il remarquer.

La coopérativ­e se donne aussi comme mission d’assu‐ rer de bonnes conditions de travail aux membres qui la composent. Mais elle doit aussi offrir des services acces‐ sibles à ses clients qui ne dis‐ posent pas toujours de bud‐ gets importants […] Nos résul‐ tats sont potentiell­ement moins élevés que ceux d’une entreprise standard, ajoute Nicolas Bonnet.

Le défi, c’est de réussir à dégager suffisamme­nt de re‐ venus pour être en mesure d’offrir de bons salaires à tous les collègues tout en réussis‐ sant à offrir des services à des prix raisonnabl­es.

Nicolas Bonnet, coordon‐ nateur général, Molotov

La coopérativ­e est pré‐ sente dans tous les secteurs. Celui de l’ingénierie ne fait pas exception. C’est le cas d'ALTE, sur le marché depuis cinq ans, qui se définit comme un ac‐ teur du changement, une en‐ treprise accessible, co-créa‐ tive, tout en optimisant l’im‐ pact social et environnem­en‐ tal des projets qui lui sont soumis.

Plusieurs ingénieurs se sont regroupés pour exercer leur métier en harmonie avec leurs valeurs, un choix assu‐ mé depuis le début.

Ce n’était pas une avenue comme une autre, c’était vrai‐ ment l’avenue qu’on voulait prendre. Cela correspond­ait aux valeurs qu’on voulait pour l’entreprise comme l’in‐ teropérati­on et le partage équitable, répond Frédéric Lé‐ veillé-Guillemett­e, membre de la coopérativ­e chargé de l’effi‐ cacité énergétiqu­e et analyse de cycle de vie à ALTE.

Le choix du modèle de co‐ opérative répond aussi à la volonté de donner plus de ré‐ silience à l’entreprise.

On ne voulait pas que, du jour au lendemain, un diri‐ geant de l’entreprise change complèteme­nt de direction. Nous avons des valeurs so‐ ciales et nous y tenons.

Frédéric Léveillé-Guille‐ mette, chargé de l’efficacité énergétiqu­e et analyse de cycle de vie, ALTE

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