Gilles Courteau, la loi du silence et l’Assemblée nationale
Ce qu’il ne faut pas oublier lorsqu’on décide d’installer des fenêtres, c’est qu’elles permettent généralement d’observer tant ce qui se passe à l’intérieur qu’à l’ex‐ térieur.
Lors de sa comparution devant un comité de l’Assem‐ blée nationale mercredi der‐ nier, le commissaire de la LH‐ JMQ, Gilles Courteau, a voulu se montrer réconfortant. Pour ce faire, il a notamment eu recours à quelques phrases accrocheuses dont raffolent les spécialistes des relations publiques.
Mais sur le fond, le monde du hockey junior reste confronté à un scandale sans précédent.
Il y a trois semaines, dans le cadre d’une demande de re‐ cours collectif, un juge de la Cour supérieure de l’Ontario, Paul Perrell, a établi que des joueurs ayant porté les cou‐ leurs de près des deux tiers des 60 équipes junior majeur canadiennes … ont été tortu‐ rés, confinés de force, rasés, dénudés, drogués, intoxiqués, physiquement et sexuelle‐ ment agressés, violés, vic‐ times de viols collectifs, forcés de d’agresser physiquement ou sexuellement des coéqui‐ piers; encouragés à agresser sexuellement, individuelle‐ ment ou en groupe, des jeunes femmes invitées à des partys d’équipe; forcés de boire ou de manger de l’urine, de la salive, du sperme, des excréments ou d’autres sub‐ stances abjectes; forcés de s’auto-infliger des blessures, forcés de commettre des actes de bestialité .
À ce point-ci, il n’est pas né‐ cessaire de revenir sur les dé‐ tails de ces agressions, qui ont été soulignés par le juge et ex‐ posés sur notre site la se‐ maine dernière.
Le juge Perrell a par ailleurs pris soin d’écrire dans sa décision que ces actes hor‐ ribles, survenus entre 1979 et 2014, ont été vus, encouragés, minimisés, couverts ou igno‐ rés de façon lâche et irrespon‐ sable par des joueurs, entraî‐ neurs, gérants, membres de la direction ou d’autres per‐ sonnes associées (aux trois ligues junior majeur) . Ce n’est pas anodin. Il est ici question d’une des plus sordides his‐ toires d’abus et de culture toxique à survenir dans l’his‐ toire du sport de haut niveau. ***
Dans son allocution précé‐ dant la ronde de questions des députés, le commissaire Courteau a déclaré : Aucune des situations énumérées [dans le texte de Radio-Cana‐ da] n’impliquait une équipe de la LHJMQ. C’est un fait im‐ portant à noter .
Laissant ainsi croire que les horreurs mentionnées par le juge Perrell ne concernaient pas vraiment sa ligue, le com‐ missaire de la LHJMQ s’est montré magnanime. Cela ne nous exonère pas d’une ré‐ flexion. Nous ne sommes pas au-dessus des autres ligues. Il existe dans notre sport une culture qui peut être nocive , a ajouté M. Courteau.
À sa sortie, durant la mêlée de presse qui a suivi sa com‐ parution de 45 minutes de‐ vant les députés, M. Courteau s’est fait demander par un journaliste de préciser sa pen‐ sée. Que voulait-il dire exacte‐ ment lorsqu’il a déclaré qu’au‐ cune des situations n’impli‐ quait une équipe de la LH‐ JMQ?
Et le commissaire a répon‐ du que parmi les déclarations assermentées (près d’une vingtaine) faites dans le cadre de la demande de recours col‐ lectif, une seule provenait d’un ancien joueur de la LH‐ JMQ : Stephen Quirk. Et il n’y a rien de connotation sexuelle dans ce qui est énoncé dans son affidavit , a fermement af‐ firmé M. Courteau.
À travers le pays, les man‐ chettes de plusieurs médias ont donc rapporté que selon Courteau, les violences allé‐ guées dans la demande de re‐ cours collectif ne concer‐ naient pas la LHJMQ.
Permettez-moi mainte‐ nant de vous présenter Ste‐ phen Quirk. Et je vous pré‐ viens, son témoignage n’est pas plus facile à lire que ceux publiés la semaine dernière. ***
Stephen Quirk a joué dans la LHJMQ entre 1995 et 1998. Il a porté les couleurs des Al‐ pines de Moncton et des Mooseheads de Halifax.
Dans sa déclaration asser‐ mentée, il a raconté que son passage dans la LHJMQ a été marqué par diverses formes d’abus qui l’ont traumatisé et qui ont eu un impact sévère sur l’ensemble de sa vie.
Le soir des initiations, toute l’équipe s’est rendue au Colisée de Moncton, où nous disputions nos matchs. Un par un, les joueurs recrues se sont fait bander les yeux et ont été dirigés vers une chambre. J’étais complète‐ ment nu. J’ai dû caler deux bières le plus rapidement pos‐ sible. On m’a couché sur une table et mes poils pubiens ont été rasés. Les joueurs plus âgés ont appliqué de la crème analgésique chauffante par‐ tout où ils m’avaient rasé. Ils ont pris de la crème analgé‐ sique chauffante et ils l’ont in‐ sérée dans mon anus en me pénétrant avec leurs doigts. J’ignore exactement combien de joueurs m’ont fait cela parce que j’avais les yeux ban‐ dés, mais il y avait plusieurs joueurs plus âgés dans la chambre. C’était choquant, douloureux et extrêmement humiliant , a témoigné Ste‐ phen Quirk.
Dans sa déclaration asser‐ mentée, Quirk a dit croire que toutes les autres recrues de l’équipe avaient subi le même sort parce qu’il a entendu crier ceux qui l’ont précédé et ceux qui l’ont suivi dans la pièce où ses coéquipiers plus âgés l’ont agressé sexuelle‐ ment.
La soirée ne faisait que commencer.
Par la suite, Quirk raconte que les joueurs recrues ont été forcés de boire de grandes quantités d’alcool. Il ne se souvient pas exactement combien de bières il a dû boire, mais probablement plus que dix.
Je suis tombé dans la douche alors que je tenais une bouteille de bière et je me suis sévèrement coupé une main. Quelqu’un a appelé un assistant-entraîneur, qui m’a conduit à l’hôpital pour qu’on puisse me faire des points de suture. Quand l’assistant en‐ traîneur est arrivé à l’aréna, c’était le bordel et nous étions tous ivres. Étant donné l’état des lieux, je pense que l’assis‐ tant-entraîneur savait ce qui se passait. L’assistant-entraî‐ neur m’a dit de raconter aux médecins que j’avais bu seule‐ ment deux bières, ce que j’ai fait. Après mes points de su‐ ture, il m’a ramené à l’aréna afin que je puisse continuer à faire la fête (…) .
Durant sa saison recrue, Stephen Quirk dit avoir vécu