Radio-Canada Info

La tentation électorali­ste du budget albertain

- Tiphanie Roquette

Le budget de l’Alberta qui sera sous toute vraisem‐ blance excédentai­re sera déposé mardi, presque trois mois jour pour jour avant la date prévue des élections provincial­es. Le terreau est fertile pour que le gouverneme­nt de Danielle Smith maximise les dépenses, mais ce ne se‐ ra pas forcément le cas. Un budget décisif

Ce budget n’en est pas un comme les autres pour le gouverneme­nt albertain. Ce‐ lui-ci est vraiment important, insiste Frédéric Boily, le pro‐ fesseur en sciences politiques du campus Saint-Jean. On est dans un budget qui est le pre‐ mier de l’ère Danielle Smith avec une élection qui se pro‐ file presque immédiatem­ent.

L'autre nouveauté, selon le politologu­e, c’est la taille du surplus à la dispositio­n de ce gouverneme­nt conservate­ur uni. À la dernière mise à jour économique en novembre, l’excédent anticipé atteignait 12,3 milliards de dollars pour 2022-2023 et 5,6 milliards de dollars pour 2023-2024.

À quel point on est prêt, du côté du gouverneme­nt, à dépenser des surplus pour dispenser des bonbons élec‐

toraux pour les électeurs?, c’est une question à se poser selon M. Boily. Des dépenses un peu, beaucoup ou à la folie?

Le politologu­e s’attend à de forts investisse­ments en santé, une des préoccupa‐ tions prioritair­es des Alber‐ tains.

Le gouverneme­nt conser‐ vateur uni n’a d’ailleurs pas at‐ tendu le dépôt du budget pour ouvrir sa bourse. Plus de 500 millions de dollars de dé‐ penses supplément­aires ont déjà été ajoutés au cours du mois de février, la majorité dans le domaine de la santé.

[Le surplus] pourrait dimi‐ nuer de quelques milliards de dollars, prédit Mike Holden, économiste en chef au Busi‐ ness Council de l’Alberta.

C’est la dernière chance, pour le gouverneme­nt, de montrer aux Albertains la di‐ rection qu’il souhaite donner à la province pour les quatre prochaines années.

Mike Holden, économiste en chef au Business Council de l'Alberta

Il pressent plus de me‐ sures d’abordabili­té et peutêtre un investisse­ment dans la transition énergétiqu­e comme un incitatif financier pour la capture et le stockage du carbone. Danielle Smith l’a évoqué dans une lettre en‐ voyée au premier ministre

Justin Trudeau.

L’économiste au Confe‐ rence Board du Canada, Pe‐ dro Antunes, ajoute à la liste des dépenses en éducation et des investisse­ments néces‐ saires en infrastruc­tures pour faire face à la croissance de la population. L’Alberta a ac‐ cueilli environ 60 000 per‐ sonnes supplément­aires entre juillet et septembre. La dépendance toujours risquée aux revenus pétro‐ liers

Mike Holden et Pedro An‐ tunes espèrent cependant que toute dépense supplé‐ mentaire sera ciblée et tem‐ poraire.

C'est toujours mieux d'avoir un surplus que le défi‐ cit, c'est certain, mais il ne faut pas oublier que l'économie [canadienne] est en sur‐ chauffe, donc il faut faire at‐ tention aux dépenses, pré‐ vient Pedro Antunes.

Si le gouverneme­nt s’en tient à ses objectifs, sa marge de manoeuvre est faible, même avec un énorme sur‐ plus, selon les calculs de Marc Desormeaux, économiste principal au Mouvement Des‐ jardins.

Le gouverneme­nt conser‐ vateur uni a indiqué vouloir

réduire ses dépenses par ha‐ bitant à celle des trois autres grandes provinces. En l’état, cela lui laisserait seulement 250 millions $ supplémen‐ taires à dépenser en 2024.

Il ajoute que même si un surplus est le scénario le plus probable, l’Alberta doit faire preuve de la plus grande pru‐ dence parce que les finances albertaine­s sont plus sen‐ sibles que par le passé aux va‐ riations du prix du pétrole. Se‐ lon les calculs de la banque, si le prix du baril de pétrole tombe à 70 $US en 2023-2024, l’excédent budgétaire fondera de 5,6 milliards $ à 515 mil‐ lions $. Pas trop de bonbons sous peine d’indigestio­n po‐

litique

Selon Frédéric Boily, il y a également un risque politique à offrir trop de bonbons élec‐ toraux. Il rappelle que Da‐ nielle Smith s’est aussi fait élire à la tête du Parti conser‐ vateur uni avec la promesse d'assainir les finances.

Si ça apparaît trop électo‐ raliste, cela peut décevoir cer‐ tains éléments conservate­urs.

Frédéric Boily, professeur en sciences politiques

Ces conservate­urs vou‐ dront que le budget se pro‐ jette dans l’avenir et prévoit, par exemple, un retour à une éliminatio­n de la dette.

Les appels à allouer sage‐ ment les surplus à la réduc‐ tion de la dette ou à l'épargne sont nombreux et le ministre des Finances, Travis Toews, semble les avoir entendus. Pour la présentati­on des tra‐ ditionnels souliers du budget, il a choisi de lustrer ses bottes de cowboy plutôt que d’ache‐ ter de nouvelles chaussures.

Le budget sera dévoilé mardi à 15 h heure locale.

 ?? ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada