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Comment bonifier la prestation de décès sans faire bondir les frais funéraires?

- Marie-Josée PaquetteCo­meau

Lors du prochain budget, le ministre des Finances, Eric Girard, annoncera s’il va de l’avant avec la hausse de la prestation de décès qui pla‐ fonne à 2500 $ depuis 1997.

Le tiers des familles compte uniquement sur la prestation de décès pour payer les frais funéraires, a soutenu la Corporatio­n des Thanatolog­ues du Québec lors des consultati­ons sur le Régime des rentes du Qué‐ bec.

Pour éviter leur endette‐ ment, la CTQ exhorte le gou‐ vernement d’augmenter la prestation à 5866 $ et de l'in‐ dexer par la suite, afin de ré‐ tablir un soutien financier convenable. Une bonificati­on a également été demandée par le Conseil du statut de la femme, la FADOQ et la CSN lors des consultati­ons.

En 1996, la prestation de décès maximale pouvait at‐ teindre 3540 $, mais la moyenne remise était de 2571 $. L’année suivante, la prestation a été fixée au mon‐ tant unique de 2500 $, impo‐ sable, pour tous les cotisants répondant aux critères.

Selon la CTQ, les frais funé‐ raires moyens se situent entre 4500 $ et 7500 $. La prestation de décès actuelle ne paie que pour le minimum, c'est-à-dire le processus de traitement du corps, la créma‐ tion directe et la remise des cendres à la famille. Pour ai‐ der la famille durant cette pé‐ riode difficile, la corporatio­n suggère un mécanisme pour permettre aux familles de dé‐ signer l’entreprise funéraire en tant que mandataire et béné‐ ficiaire de la prestation de dé‐ cès.

Le gouverneme­nt se dit sensible au sort des familles qui traversent un deuil. Leur venir en aide, s’il y a lieu, doit cependant se faire dans les li‐ mites de la marge de ma‐ noeuvre dont dispose le ré‐ gime, soit 400 millions $ par année, nous dit-on en cou‐ lisse.

Retraite Québec estime à 358 millions $ par an le coût de la hausse suggérée par la CTQ.

C’est sans compter les autres propositio­ns dans le vi‐ seur du ministre des Finances, telles que la cotisation faculta‐ tive pour les retraités de 65 ans et plus qui retournent sur le marché du travail. Rendre celle-ci facultativ­e coû‐ terait à elle seule la moitié de la marge de manoeuvre finan‐ cière du gouverneme­nt, avait conclu le ministre Girard lors du débat sur le rapport dé‐ coulant de la commission.

À qui profiterai­t la boni‐ fication?

Le gouverneme­nt serait malavisé de répondre favora‐ blement à la demande de la CTQ, explique de son côté le président de la Fédération des coopérativ­es funéraires du Québec. Alain Leclerc es‐ time qu’une bonificati­on de la prestation de décès s’impose, mais qu’elle devrait être injec‐ tée dans les poches des fa‐ milles et non par l’intermé‐ diaire des entreprise­s funé‐ raires.

Il soutient qu’il devrait y avoir des garde-fous pour évi‐ ter qu'une éventuelle bonifi‐ cation n'entraîne au final une hausse des frais funéraires.

Parce que l’État donne 2500 $ pour des funéraille­s, la majorité des entreprise­s funé‐ raire offrent un produit à 2500 $.

Alain Leclerc, président de la Fédération des coopéra‐ tives funéraires du Québec

Sérénia courtier funéraire craint également que les en‐ treprises n’augmentent leurs prix advenant une augmenta‐ tion de la prestation. Il rap‐ pelle que le secteur de l'entre‐ prise funéraire se consolide de plus en plus depuis les an‐ nées 1990. De grandes entre‐ prises américaine­s et cana‐ diennes ont pris part au mar‐ ché.

La Fédération des coopé‐ ratives funéraires estime par exemple à 10 % le taux de dé‐ cès traités chaque année par Service Corporatio­n Interna‐ tional, l'une des plus grandes multinatio­nales dans le do‐ maine funéraire. Souvent les grands groupes n’ont pas ten‐ dance à négocier. Les prix

sont souvent plus élevés à ces endroits-là, affirme le courtier, Marc Légaré. Il préconise une augmentati­on de la presta‐ tion pour venir en aide aux fa‐ milles.

De combien l’augmenter? Là est la question. Peut-être que les demandes qui ont été faites à date sont un petit peu fort de café.

Marc Légaré, président Sé‐ rénia courtier funéraire

Dans le terme "entreprise funéraire", il y a le terme "en‐ treprise", rétorque la Corpora‐ tion des thanatolog­ues du Québec. Elle rappelle que ces entreprise­s ne reçoivent au‐ cune subvention et que l’infla‐ tion attaque la rentabilit­é des entreprise­s. De plus, 80 % des entreprise­s funéraires au Québec sont de petites orga‐ nisations pratiquant à peine 100 décès par année.

Cependant, plusieurs mai‐ sons funéraires se retrouvent en situation de monopole, soutient la Fédération des co‐ opératives. D’après l'une de ses études, en 2019, treize des 60 villes du Québec comptant plus de 100 décès par année ne comptaient qu’une seule entreprise funéraire pour cou‐ vrir le territoire. Et 31 villes n’en comptaient que deux.

Pour aider les familles, la Fédération des coopérativ­es funéraires du Québec suggère plutôt de rendre non impo‐ sable la prestation de décès. Une idée soutenue aussi par la Corporatio­n des Thanato‐ logues. À l'heure actuelle, la prestation de décès de 2500 $ est amputée en moyenne de 775 $ après impôts, estime la CTQ.

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