Des voix s’élèvent pour boycotter le Rendez-vous des Nations à Gatineau
« Nous ne reconnaissons pas ce groupe et toute acti‐ vité qu'ils font n'est pas jus‐ tifiée. La population ne de‐ vrait pas aller à cet événe‐ ment », a déclaré le chef de la communauté anishi‐ nabeg de Kitigan Zibi, Dy‐ lan Whiteduck dans une entrevue à Espaces autoch‐ tones.
L’événement dont il est question est le Rendez-vous des Nations, qui a lieu du 1er au 4 mars à Gatineau. Un fes‐ tival qui est décrit, sur son site web, comme une occasion de célébrer l’art et les cultures au‐ tochtones et qui rassemble de grands noms de la chan‐ son comme Florent Vollant et Boom Desjardins.
Cet événement est tenu par l’Alliance autochtone du Québec (AAQ), une organisa‐ tion qui se présente comme autochtone, mais qui ne l’est pas, selon des leaders de Pre‐ mières Nations.
Le conseiller abénakis, Jacques T. Watso, fait partie de ceux qui dénoncent l’AAQ. Pour l’homme politique d'Odanak, la présence d’ar‐ tistes autochtones au Ren‐ dez-vous des Nations est dé‐ concertante.
En ayant des artistes re‐ connus, ça leur donne une lé‐ gitimité.
Jacques T. Watso, conseiller abénakis
Ce sont des gens qui ont un ancêtre [autochtone] ex‐ trêmement lointain qui veulent juste ce qu’il y a de beau dans nos communau‐ tés, ajoute Jacques T. Watso. Tout le reste, les traumas in‐ tergénérationnels, ils n’ont pas eu à le subir. Ils viennent chercher ce qu’il y a de beau de nos communautés pour "jouer à l’Indien".
Cette prise de position s’inscrit dans la foulée de la dénonciation émise par le chef de la communauté ani‐ shinabeg de Kitigan Zibi, Dy‐ lan Whiteduck qui affirmait dans une lettre du 21 février que l’AAQ tente de légitimer les non-autochtones.
L'événement qui se dé‐ roule sur nos terres non cé‐ dées est inapproprié et inac‐ ceptable, écrit le chef de la communauté anishinabeg de Kitigan Zibi, Dylan Whiteduck, dans cette lettre adressée à Gérard Coulombe, le pré‐ sident de l’AAQ et dont Es‐ paces autochtones a obtenu copie.
Sur le site Internet du Ren‐ dez-vous des Nations, l’AAQ écrit qu’elle reconnaît que l’événement se déroule sur le territoire ancestral non cédé de la Nation algonquine ani‐ shinaabe, présente en ces lieux depuis des temps immé‐ moriaux. Gérard Coulombe a également invité Dylan White‐
duck à l’événement.
Ils ne nous ont jamais consultés pour accueillir cet événement sur notre terri‐ toire, précise cependant le chef Whiteduck.
Une reconnaissance po‐ litique refusée par la Cour supérieure du Québec
Sur son site web, l’AAQ dit vouloir promouvoir et repré‐ senter les intérêts des Au‐ tochtones vivant en dehors du contexte des réserves dans la province de Québec. Pour en devenir membre et obtenir une carte de l'organi‐ sation, de la documentation généalogique et une cotisa‐ tion sont demandées.
L’AAQ réclamait devant la Cour supérieure du Québec une reconnaissance politique ainsi que des droits de chasse et de pêche. Cette requête a été rejetée par le juge Bernard Godbout et l’AAQ a porté cette décision en appel.
Les groupes tels que l'Al‐ liance Autochtone du Québec représentent des non autoch‐ tones. C'est de l'appropriation culturelle. L'Alliance autoch‐ tone du Québec ne jouit pas de droits inhérents autoch‐ tones, ajoute le chef White‐ duck dans sa lettre à l’AAQ du 21 février.
Participation d’artistes autochtones
L’événement prévoit des représentations musicales à partir du 2 mars. Les artistes Florent Vollant, Katia Rock, Laura Niquay, Boom Desjar‐ dins et le groupe innu Maten figurent à la programmation.
Jointe par Espaces autoch‐ tones, l’autrice-compositriceinterprète atikamekw Laura Niquay dit ne pas avoir été mise au courant des critiques existantes envers l’AAQ.
Avoir su j’aurais peut-être refusé d’y aller, dit-elle au bout du fil.
Ce sont mes gérants qui s’occupent de mes bookings et je dis ok si je suis disponible pour des événements, ex‐ plique-t-elle.
Le chanteur Boom Desjar‐ dins, membre de l’Alliance au‐ tochtone du Québec, affirme se sentir à sa place au Ren‐ dez-vous des Nations.
Pour moi, ça allait de soi que je sois là, dit-il au télé‐ phone. Tous les artistes qui sont là ont une descendance [sic] autochtone quelque part.
Si ça permet aux gens de découvrir ce côté-là dont je n’ai peut-être pas beaucoup parlé, tant mieux, ajoute-t-il.
Boom Desjardins affirme qu'il a aussi des racines au‐ tochtones. La mère de ma grand-mère était une In‐ dienne [sic] de Maniwaki, ex‐ plique l’artiste. J’ai des amis In‐ diens [sic] et je chasse avec eux.
M. Desjardins considère que l’Alliance est là pour sou‐ der les Autochtones et ceux qui ont une descendance [sic].
Les droits ne devraient pas nécessairement être pareils, mais il doit y avoir une recon‐ naissance, soutient-il.
Espaces autochtones n’a pas réussi à joindre Florent Vollant et Katia Rock afin d’obtenir leurs commentaires.
Le groupe Maten a décliné notre demande d’entrevue.
Le président de l’AAQ, Gé‐ rard Coulombe, a également refusé la demande d’entrevue d’Espaces autochtones en rai‐ son des procédures judiciaires dans lesquelles Ia responsabi‐ lité de Radio-Canada est re‐ cherchée relativement au trai‐ tement journalistique réservé à I'AAQ.
Dans une déclaration, il souligne toutefois que le Ren‐ dez-vous des Nations se veut une célébration inclusive de l'art et les cultures autoch‐ tones de tout horizon et sous toutes ses formes, ouverte à tous les Autochtones ainsi qu'aux allochtones.