« Partenariat » avec le secteur privé à l’Hôpital d’Ottawa : des questions demeurent
Un partenariat énigma‐ tique entre l’Hôpital d’Ot‐ tawa et une entité privée dirigée par un groupe de chirurgiens pour effectuer des arthroplasties de la hanche et du genou sur le campus Riverside, les fins de semaine, inquiète des intervenants. Ils craignent qu’il s’agisse d’une nouvelle étape vers la privation de la santé en Ontario.
CBC a appris, pour la pre‐ mière fois, l’existence de ce partenariat entre le plus grand hôpital d’Ottawa et l’Academic Orthopedic Surgi‐ cal Associates of Ottawa (AOAO) à la mi-janvier. Une re‐ cherche dans le Registre des entreprises de l'Ontario montre que l’AOAO a été constituée le 15 dé‐ cembre 2021.
Selon un courriel envoyé aux adresses personnelles de plusieurs employés de l’Hôpi‐ tal à l’époque, l’AOAO recher‐ chait du personnel de soutien chirurgical pour aider à un projet pilote visant à réduire l’arriéré des cas de remplace‐ ment articulaire total à partir du 25 février.
Le courriel, qui provenait de l'adresse personnelle d'un autre employé de l'Hôpital, notait que le projet, bien que soutenu par l’Hôpital d’Otta‐ wa, ne fait pas partie [des ser‐ vices] de l’Hôpital, et indiquait que les employés intéressés recevraient un tarif journalier de l'AOAO.
Lorsque CBC s’est rensei‐ gné pour la première fois sur l’entente le 16 janvier, l’Hôpi‐ tal d’Ottawa a répondu trois jours plus tard avec une brève déclaration : Des pourparlers sont en cours pour accroître la capacité de chirurgie ortho‐ pédique dans le cadre de notre plan régional intégré.
Pressé d’obtenir plus d’in‐ formations, l’Hôpital a confir‐ mé, le 27 janvier, que lui et son département de chirurgie orthopédique travaillaient avec l’AOAO pour aider à ac‐ croître l’accès aux soins chirur‐ gicaux pour nos patients, ajoutant que les détails étaient toujours à fignoler.
Le 16 février, l’Hôpital d'Ot‐ tawa a annoncé publique‐ ment travailler avec l’AOAO pour augmenter la capacité des procédures orthopé‐ diques telles que les arthro‐ plasties de la hanche et du ge‐ nou.
Dix chirurgies quées samedi prati‐
L’annonce a confirmé que les chirurgies auraient lieu sur le campus de Riverside le sa‐ medi, et ce, dès le 25 février, dans des salles d’opération qui étaient précédemment in‐ utilisées le week-end.
Mercredi, l’Hôpital d’Otta‐ wa a confirmé que 10 chirur‐ gies articulaires avaient été ef‐ fectuées samedi. Il a aussi été dit que tous les patients opé‐ rés par l’AOAO sont des pa‐ tients de l'établissement et que tous les services sont fac‐ turés par le Régime d'assu‐ rance-santé de l'Ontario, conformément à la pratique courante.
On ne sait pas tout à fait comment ces patients sont choisis, ni comment l’AOAO paie l’Hôpital d’Ottawa pour l’utilisation des salles d’opéra‐ tion, de l’équipement et des autres fournitures. Des appels et des courriels répétés à l'un des médecins soupçonnés de diriger le groupe sont restés sans réponse.
CBC a appris que les infir‐ mières autorisées qui ac‐ ceptent de travailler le samedi se voient offrir 750 $ pour un quart de travail de 10 heures, soit environ le double de ce qu'elles seraient payées pour un quart de travail régulier de huit heures à l'hôpital. Les in‐ firmières auxiliaires autori‐ sées se voient offrir 550 $ par jour pour travailler pour l'AOAO, tandis que le person‐ nel de bureau se voit offrir 600 $.
CBC a également appris que ces employés sont res‐ ponsables de leur propre cou‐ verture d'assurance lorsqu'ils travaillent en dehors de la structure hospitalière nor‐ male.
Questions sans réponse
L’infirmière autorisée et présidente de l'unité de négo‐ ciation de l'Association des in‐ firmières et infirmiers de l'On‐ tario (AIIO) à l’Hôpital d’Otta‐ wa, Rachel Muir, a déclaré que son association a pris connaissance du partenariat à la mi-février et qu’elle a appris que les chirurgies se dérou‐ laient à Riverside à 24 heures d’avis.
Rachel Muir a ajouté qu'elle était particulièrement inquiète pour les infirmières qui ont accepté d'effectuer les quarts de travail supplémen‐ taires, car certaines garanties qui sont en place à l'Hôpital pendant la semaine pour‐ raient être absentes le weekend.
Donc, s’il y a une urgence, que va-t-il se passer? Nous ne connaissons pas les poli‐ tiques, les protocoles et les procédures en place. Utilisentils ceux de l’Hôpital d’Ottawa ou ont-ils créé les leurs?
La présidente a qualifié de typique le manque de clarté entourant le projet. Plus nous avançons, plus nous avons des questions sans réponse.
Les infirmières auxiliaires autorisées et le personnel de bureau qui se sont portés vo‐ lontaires pour travailler au Ri‐ verside le samedi sont repré‐ sentés par différents syndi‐ cats.
Un pas vers la privatisa‐ tion
La décision d’autoriser une entité privée à opérer à partir d’un hôpital financé par l’État et de recruter du personnel à partir d’un nombre limité de travailleurs de la santé exis‐ tants suscite des inquiétudes chez certains intervenants qui n'adhèrent pas à l'argument selon lequel la seule alterna‐ tive est de laisser les installa‐ tions vides.
Nous avons un premier ministre dans cette province qui nous a dit à plusieurs re‐ prises que nos hôpitaux exis‐ tants n’ont pas la capacité de faire face aux listes d’attente, a déclaré le coprésident de la Coalition de la santé d’Otta‐ wa, Edward Cashman, en en‐ trevue à Radio-Canada same‐ di matin.
Et bien, c’est un exemple, ici même à Ottawa où, simple‐ ment en regardant autour de vous, vous pouvez trouver des salles d’opération vides. Ils auraient pu faire cela avec les installations existantes et les personnes existantes.
Le professeur émérite à l'École de gestion Telfer de l'Université d'Ottawa et ex‐ pert en politiques de santé publique, Doug Angus, se pose des questions similaires.
Si la capacité peut être uti‐ lisée sur le campus Riverside de l’Hôpital d'Ottawa les fins de semaine, alors pourquoi cela ne se produit-il pas de fa‐ çon routinière à partir de l'hô‐ pital lui-même, dans le cadre de l'arrangement existant du Régime d'assurance-santé de l'Ontario? a-t-il demandé.
Pourquoi n'utilisons-nous pas mieux les installations existantes que nous avons ac‐ tuellement dans les hôpitaux?
Doug Angus, professeur émérite à l'École de gestion Telfer de l'Université d'Ottawa et expert en politiques de santé publique
Doug Angus craint égale‐ ment qu'en recrutant du per‐ sonnel hospitalier et qu’en of‐ frant une rémunération relati‐ vement généreuse, des parte‐ nariats comme celui entre l’Hôpital d’Ottawa et l'AOAO risquent de réduire davan‐ tage l'offre disponible de tra‐ vailleurs de la santé expéri‐ mentés.
Rachel Muir, dont l'organi‐ sation représente 68 000 pro‐ fessionnels de la santé dans la province, partage ces préoc‐
cupations.
Vous les embauchez en dehors des institutions pu‐ bliques pour travailler dans une institution privée à un taux plus élevé. Pourquoi ne pas payer les infirmières qui sont déjà là? Pourquoi ne pas utiliser ce que vous avez déjà au lieu de faire ce pas vers la privatisation?
La province applaudit un partenariat innovateur
En janvier, le premier mi‐ nistre de l'Ontario, Doug Ford, et la ministre de la Santé, Syl‐ via Jones, ont annoncé un plan visant à augmenter le nombre et la gamme d'inter‐ ventions médicales effectuées dans des cliniques privées alors que la province fait face à un arriéré chirurgical aggra‐ vé par la pandémie de COVID19.
L'expansion est prévue en trois phases, en commençant par les chirurgies de la cata‐ racte. Des chirurgies de la hanche et du genou seront proposées en 2024.
CBC a d’abord contacté le ministère de la Santé le 26 jan‐ vier pour s’enquérir du parte‐ nariat entre l’Hôpital d’Ottawa et l’Academic Orthopedic Sur‐ gical Associates of Ottawa. Après avoir initialement accu‐ sé réception de la demande, le ministère n'a pas répondu à de nombreux appels et cour‐ riels.
Une demande d'accès à l'information soumise par CBC, le mois dernier, n'a révé‐ lé aucun document concer‐ nant le partenariat, selon le ministère.
Dans un courriel mercredi, un porte-parole de Sylvia Jones a déclaré à CBC : Nous sommes ravis de voir nos par‐ tenaires, comme l'Hôpital d'Ottawa, prendre des me‐ sures novatrices pour élimi‐ ner l'arriéré de chirurgies de remplacement articulaire et réduire les temps d'attente des patients afin que davan‐ tage d'Ontariens puissent re‐ cevoir les soins dont ils ont besoin, plus près de chez eux.
Avec les informations d’Alistair Steele, de CBC News
accroître le soutien alloué à l’hôpital pour accomplir en‐ core plus de choses, indique la présidente de Trillium Health Partners, Caroline Ri‐ seboro.
L’hôpital explique qu’il fait face à une plus grande de‐ mande pour ses services, no‐
tamment en santé mentale.