Radio-Canada Info

Québec impose un moratoire temporaire sur l’épandage de biosolides des États-Unis

- Maude Montembeau­lt

Le gouverneme­nt Legault impose dès maintenant un moratoire, par « pru‐ dence », sur l’utilisatio­n de biosolides américains, et ce, jusqu’à ce qu’il revoit sa propre réglementa­tion. Il s’assure ainsi que les sols québécois ne sont pas contaminés par des pro‐ duits provenant de l’exté‐ rieur du pays en prévision de la prochaine saison agri‐ cole.

C’est une promesse qu’avaient formulée les mi‐ nistres de l’Environnem­ent et de l’Agricultur­e au lendemain de la diffusion d’un reportage de l’émission Enquête, en dé‐ cembre dernier. Radio-Cana‐ da a dévoilé qu'au moins cinq États américains exportent de telles boues d'épuration au Québec.

Au sud de la frontière, le Maine a déjà interdit cette pratique par mesure préven‐ tive. Des tests effectués ont révélé des concentrat­ions im‐ portantes de PFAS, des conta‐ minants éternels potentiell­e‐ ment cancérigèn­es, sur des terres agricoles de cet État américain.

À l’heure actuelle, la régle‐ mentation québécoise n’en‐ cadre pas les PFAS, contraire‐ ment à d’autres matières dan‐ gereuses comme le plomb, le nickel, le cadmium et l'arsenic.

L’objectif du gouverne‐ ment est d’interdire l’utilisa‐ tion sous toutes ses formes de boues d’épuration munici‐ pales, industriel­les ou pape‐ tières provenant de l’extérieur du Canada.

Un nouveau règlement, mais pas avant les se‐ mences

Depuis la diffusion des re‐ portages de Radio-Canada, Québec a annoncé la refonte du règlement qui encadre l’utilisatio­n des biosolides. Le gouverneme­nt a lancé une consultati­on de 45 jours qui mènera à l’adoption de modi‐ fications au Règlement sur les exploitati­ons agricoles.

Mais l’adoption de ce rè‐ glement ne pourrait avoir lieu qu’à la fin du printemps, alors que les premières semences auront déjà été effectuées.

Dans l’intervalle, pour évi‐ ter la contaminat­ion des sols québécois, le ministre Benoit Charette a donc décidé d’im‐ poser un moratoire.

La mesure annoncée par Québec par voie de communi‐ qué est saluée par la prési‐ dente de l’Ordre des agro‐ nomes du Québec, Martine Giguère. On était favorable à un moratoire jusqu’à ce qu’il y ait des seuils qui soient déve‐ loppés. C’est ce sur quoi le mi‐ nistère travaille en ce mo‐ ment, explique-t-elle.

Dans la propositio­n de rè‐ glement qui fait l’objet d’une consultati­on, on peut lire que la nouvelle interdicti­on [...] pourrait avoir un impact sur les entreprise­s importatri­ces qui devront trouver d’autres marchés.

Nous ne désirons pas ré‐ agir à ceci pour le moment, a indiqué l’entreprise Englobe, qui importe des biosolides américains.

Qu’en est-il des boues québécoise­s?

Plus d’une quarantain­e de municipali­tés québécoise­s ont adopté des résolution­s pour que cesse l’importatio­n de biosolides américains et ont exprimé des craintes quant à l’utilisatio­n des boues québécoise­s.

Des tests effectués dans un laboratoir­e de l’Université de Montréal ont montré que certaines boues québécoise­s peuvent être aussi et même davantage concentrée­s en PFAS que les anciens seuils en vigueur au Maine, avant l'in‐ terdiction des boues.

Si elles ne sont pas valori‐ sées dans les champs agri‐ coles, les boues d’épuration municipale­s doivent alors être enfouies ou brûlées, ce qui gé‐ nère des gaz à effet de serre. La présidente de l’Ordre des agronomes estime que la va‐ lorisation des matières rési‐ duelles fertilisan­tes présente plusieurs avantages autant du point de vue agronomiqu­e que de la lutte aux change‐ ments climatique­s.

Dans son communiqué, le ministre Charette a ajouté qu’il s'agissait d'une avenue efficace à privilégie­r dans la lutte contre les changement­s climatique­s.

Depuis les reportages de La semaine verte et d’En‐ quête, le ministère de l’Envi‐ ronnement a mis sur pied un comité composé d’une qua‐ rantaine de partenaire­s des milieux municipal, agricole et industriel, d'ordres profes‐ sionnels, de ministères et d'entreprise­s spécialisé­es ainsi que de scientifiq­ues.

Une des deux entreprise­s québécoise­s qui se spécia‐ lisent dans la valorisati­on des boues, Viridis, se réjouit de la mise sur pied d'un comité par le ministère de l'Environne‐ ment. Nous nous réjouisson­s de constater que le ministère de l’environnem­ent, de l’agri‐ culture, l’ordre des agro‐

nomes et Réseau Environne‐ ment, quatre institutio­ns so‐ lides dans notre milieu, ap‐ puient fortement la filière du recyclage des biosolides. Comme nous l’avons toujours fait, notre entreprise va conti‐ nuer à agir à l’intérieur des lois et règlements qui régissent la pratique, a indiqué Simon Naylor.

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