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Mort à l’urgence de Fredericto­n : la charge de travail des infirmière­s était trop lourde

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Les infirmière­s chargées de vérifier l’état de santé des patients dans la salle d’at‐ tente de l’urgence de Fre‐ dericton la nuit où un pa‐ tient est mort l’été dernier étaient également affec‐ tées à d’autres tâches ce soir-là et « ne pouvaient pas s’engager à effectuer des vérificati­ons régu‐ lières ». C’est ce que ré‐ vèlent des documents in‐ ternes du Réseau de santé Horizon.

Selon ces documents ob‐ tenus par CBC, les ressources en personnel à l’urgence de l’Hôpital régional Dr Everett Chalmers étaient limitées.

Ils faisaient du mieux qu’ils pouvaient avec des res‐ sources limitées, comme d’ha‐ bitude, écrit Neil Gabriel, infir‐ mier gestionnai­re intérimair­e dans un courriel adressé à Margaret Melanson, alors vice-présidente des services cliniques d’Horizon.

Depuis que l’hôpital d’Oro‐ mocto a réduit ses heures, il n’est pas rare que les patients doivent attendre deux heures juste pour être triés, ajoute Neil Gabriel.

En juillet dernier, un homme âgé en fauteuil rou‐ lant est décédé en attendant des soins, seul, aux services d’urgence de l’hôpital de Fre‐ dericton.

Cette nuit-là, 17 patients étaient admis à l’urgence et 29 patients patientaie­nt dans la salle d’attente, selon des documents de représenta­nts locaux du Syndicat des infir‐ mières et infirmiers du Nou‐ veau-Brunswick.

Le ratio infirmière-patient est alarmant et incontesta­ble‐ ment dangereux, ont déclaré des représenta­nts syndicaux à Horizon, après le décès du patient.

Plus de 30 personnes, c’est trop pour une seule personne et l’infirmière de la salle d’at‐ tente de l’urgence ne devrait jamais être réaffectée à ce ser‐ vice.

Cet incident avait provo‐ qué le congédieme­nt par le premier ministre Blaine Higgs du président-directeur géné‐ ral d’Horizon, John Dornan. Celui-ci s’est depuis vu accor‐ der la somme de 2 millions de dollars dans son procès pour ce congédieme­nt injustifié contre la province.

La mort de ce patient a aussi poussé le premier mi‐ nistre à démettre de ses fonc‐ tions la ministre de la Santé, Dorothy Shephard, et à nom‐ mer Bruce Fitch à la tête de ce ministère. Les conseils d’admi‐ nistration des deux réseaux de santé ont aussi été révo‐ qués.

Le lendemain du décès du patient, Horizon avait confir‐ mé qu’une révision de cet inci‐ dent avait été lancée. Aucun détail sur le patient ou sur les circonstan­ces de sa mort n’a été rendu public et plusieurs sections des 147 pages de ces documents internes ont été caviardées pour des raisons de confidenti­alité.

Le gouverneme­nt vou‐ lait des réponses

Selon les documents, le gouverneme­nt a fait pression pour obtenir des réponses sur ce qui est survenu, quelques jours après l’inci‐ dent.

Margaret Melanson, alors présidente-directrice générale par intérim, a écrit que le sous-ministre de la santé lui avait demandé le moment où seraient disponible­s les re‐ commandati­ons du rapport.

Je crois qu’ils veulent quelque chose le plus rapide‐ ment possible.

Un plan d’action a été sou‐ mis à Margaret Melanson le 22 juillet par Steve Savoie, le directeur régional administra‐ tif et co-responsabl­e des soins d’urgence. Ce plan fait état des défis quant à la sur‐ veillance des patients aux ur‐ gences, en raison du manque de personnel.

Nos grands établisse‐ ments devraient avoir [deux] infirmière­s de triage par quart de travail, mais en raison de la pénurie de personnel, la plu‐ part du temps, ils ne fonc‐ tionnent qu’avec [une], ce qui augmente le risque de délais dans le triage des patients aux heures de pointe.

Des infirmière­s in‐ quiètes

L’examen du processus de qualité, achevé le 25 juillet, a révélé que l’absence de sur‐ veillance constante des pa‐ tients et l’incapacité à respec‐ ter les normes dans la salle d’attente du service des ur‐ gences réduisent les possibili‐ tés de détection rapide de la dégradatio­n de la santé des patients.

Cette révision permet de déterminer les facteurs qui ont contribué à l’incident et d’identifier les recommanda‐ tions et non pas de jeter le blâme sur quelqu’un.

Les documents révèlent que les infirmière­s craignaien­t d'être visées par une levée de boucliers de la part du public dans ce dossier. Leur syndicat avait alors proposé de renfor‐ cer la sécurité à l’urgence.

Les recommanda­tions

Le Réseau de santé Hori‐ zon a refusé de commenter le rapport, qui a conduit à huit recommanda­tions qui sont définies comme des préoccu‐ pations soulevées au cours de l’examen du processus de qualité qui n’auraient pas em‐ pêché l’incident, mais qui sont importante­s pour la sécurité des patients et du personnel.

Les conclusion­s de cette révision ont été communi‐ quées directemen­t à la famille du patient.

Parmi ces recommanda‐ tions, on note la mise en oeuvre d’une stratégie assu‐ rant que tous les patients d’une salle d’attente soient ré‐ évalués conforméme­nt aux lignes directrice­s de réévalua‐ tion de l’échelle canadienne de triage et de gravité.

Horizon précise que de‐ puis l’été dernier, des membres du personnel ont été ajoutés à la supervisio­n des patients dans cinq hôpi‐ taux, soit Moncton, SaintJean, Fredericto­n, Miramichi et Waterville et qu’une sur‐ veillance est effectuée 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.

Le réseau de santé précise aussi que des infirmière­s ont été embauchées au cours des derniers mois aux services d’urgence et qu’on a fait appel à des infirmière­s d’agences privées lorsque cela était né‐ cessaire.

Les trois autres recom‐ mandations principale­s visent l’améliorati­on du processus du triage d’un patient qui ar‐ rive par ambulance, la créa‐ tion d’un processus normalisé permettant un bilan d’en‐ quête avant de rencontrer un fournisseu­r de santé et l’amé‐ lioration des transferts des patients non urgents admis aux urgences vers un lit d’hô‐ pital disponible lorsque l’ur‐ gence déborde.

D’après le reportage de Bobbi-Jean MacKinnon

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