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Avant la Biennale de Venise, Kapwani Kiwanga expose au MOCA de Toronto

- Hadrien Volle

Avec son exposition « Re‐ mediation », la plasti‐ cienne canadienne Kapwa‐ ni Kiwanga est accueillie sur un étage du Musée d'art contempora­in de To‐ ronto (MOCA) jusqu'au mois de juillet prochain. Une occasion de découvrir son oeuvre avant son envol pour la Biennale d'art contempora­in de Venise en 2024.

Kapwani Kiwanga est de ces créatrices dont une connaissan­ce de l'oeuvre et du propos rend la visite plus enri‐ chissante. D'autant qu'elle a pour habitude de se détacher de toute forme d'exposition qui serait dogmatique ou au‐ toritaire, je veux laisser mon art très ouvert aux idées de chacun , dit-elle, avant d'ajou‐ ter qu'elle n'a pas toujours les réponses aux questions abor‐ dées .

L'artiste, originaire de Ha‐ milton en Ontario, est née à la fin des années 1970 avant de déménager dans la ville voi‐ sine de Brampton. Elle garde toujours des liens avec son lieu d'origine malgré qu'elle soit partie pour l'Europe il y a plus de vingt ans. Récipien‐ daire du Prix Sobey en 2018 et du Prix Marcel Duchamp en 2020, l'artiste n'avait pourtant jusqu'à aujourd'hui bénéficié d'aucun événement d'enver‐ gure dans sa province natale, à l'exception de son passage à la galerie Power Plant en 2017 avec l'exposition itinérante qui a donné lieu à l'ouvrage Structural Adjustment­s. L'ins‐ titution était alors dirigée par Gaëtanne Verna, elle-même à la tête de la programmat­ion du pavillon canadien à la Bien‐ nale de Venise : en passant par Toronto, la boucle est ain‐ si bouclée.

Pour elle cependant, la Ville Reine n'est pas Hamilton. Elle explique qu'elle a toujours vu Toronto comme la grande ville voisine et que finale‐ ment, elle la connaît sans la connaître . Aujourd'hui, elle perçoit la capitale de l'Ontario avec un mélange de familiari‐ té et d'étrangeté .

Nature et sites indus‐ triels

À la manière de la dualité avec laquelle elle perçoit la métropole, Kapwani Kiwanga manie l'oxymore dans son oeuvre : elle s'intéresse à la na‐ ture et aux sites industriel­s, aux endroits d'où la végéta‐ tion semblait avoir été chas‐ sée et où elle reprend ses droits… À travers l'exposition

Remediatio­n , elle a voulu souligner une tension entre le monde, la société devenue toxique et une volonté d'aller vers un futur où on trouve de nouvelles façons d'être en re‐ lation avec le naturel .

À travers son travail, les formes sont si multiples qu'il est difficile de définir une es‐ thétique. La convergenc­e est avant tout thématique, por‐ tée par l'écologie. Elle y évoque les terrariums qui vi‐ saient à créer des environne‐ ments pour conserver des plantes dans le Londres préin‐ dustriel, mais aussi la chlordé‐ cone qui pollue les sols de la Martinique. Ainsi, lorsqu'on visite l'exposition accueillie au MOCA on peut voir quelques vivariums gonflables, des plantes qui filtrent la qualité de l'air ou encore différente­s sculptures de matériaux et de lumière, sans oublier une longue vidéo. Il apparaît un respect évident de la nature. Les plantes, par exemple, ne sont pas exploitées, mais soi‐ gnées dans cet environne‐ ment pour qu'elle puisse bien faire leur travail , souligne l'ar‐ tiste.

Un art « ouvert »

La nécessité de la réflexion pour apprécier son travail s'explique en partie par le par‐ cours personnel de Kapwani Kiwanga. Avant d'occuper les espaces d'exposition, elle était habituée des bancs dans les salles des université­s. La plas‐ ticienne ayant étudié aux

Beaux-Arts de Paris s'est d'abord intéressée à l'anthro‐ pologie et la religion compa‐ rée. Elle s'est aussi vue pro‐ duire des documentai­res, mais elle se sentait trop limi‐ tée par le format. Néanmoins, les artistes, les réalisateu­rs et les universita­ires n'ont-ils pas en commun la mission d'expli‐ quer le monde ? Ils em‐ pruntent seulement des che‐ mins différents. Ainsi, elle ana‐ lyse ses carrières successive­s comme ayant en commun la question des asymétries de pouvoir qui courent dans le monde puisque la créatrice s'échine à comprendre et à souligner les déséquilib­res de pouvoir dans certaines socié‐ tés . Mais, selon elle, la voix de l'artiste a plus de chance d'être entendue que celle des milieux académique­s.

L'exposition de Toronto ouvre une large fenêtre sur l'art de Kawpani Kiwanga. Son point de vue singulier sur le monde reflètera aussi celui du Canada à Venise. Une histoire qui reste encore à écrire, puisque l'artiste ne sait pas encore ce qu'elle présentera lors de la Biennale d'art contempora­in l'an prochain. On peut cependant gager que l'ébauche se trouve en ce mo‐ ment dans les salles du Mu‐ sée d'art Contempora­in de Toronto.

L'exposition « Remediatio­n » de Kapwani Kiwanga se dé‐ roule au Musée d'art contem‐ porain de Toronto jusqu'au 23 juillet 2023.

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