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Les élus ont encore du mal à voir les toxicomane­s comme des personnes, selon Bonnie Henry

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Près de sept ans après la déclaratio­n de l’urgence sanitaire en raison de la crise des surdoses en Co‐ lombie-Britanniqu­e, la Dre Bonnie Henry constate que les hommes et les femmes politiques admettent en‐ core difficilem­ent que les consommate­urs de drogues méritent d'être traités comme des êtres humains.

Dans une entrevue accor‐ dée à CBC News, la médecin hygiéniste en chef de la pro‐ vince décrit la crise des sur‐ doses comme la question la plus difficile à laquelle [elle a] eu à faire face dans le do‐ maine de la santé publique.

Selon elle, l'un des plus grands problèmes en matière de politique publique est d'amener les élus à changer leur façon de penser après un siècle de criminalis­ation des consommate­urs de drogues.

Ce sont des gens. [...] Ce sont nos amis, notre famille, nos collègues, nos voisins.

Dre Bonnie Henry, méde‐ cin hygiéniste en chef de la Colombie-Britanniqu­e

Alors que près de sept per‐ sonnes continuent de mourir chaque jour en raison d’une surdose de drogues illicites dans la province, elle estime que les perception­s évoluent trop lentement.

Ses propos font écho à ceux de la coroner en chef de la Colombie-Britanniqu­e, Lisa Lapointe, qui a affirmé qu'il avait été difficile de défaire les politiques publiques d'une idéologie selon laquelle la seule façon d'aider les toxico‐ manes est de leur faire le plus de mal possible.

Selon Vince Tao, un organi‐ sateur communauta­ire pour le Réseau des consomma‐ teurs de drogue de la région de Vancouver (VANDU), les politicien­s ne sont pas les seuls concernés. Les universi‐ taires, les chercheurs, la police et les médias ont aussi de la difficulté, d’après lui, à consi‐ dérer les consommate­urs de drogues comme des êtres hu‐ mains.

Il estime qu'un véritable changement ne se limite pas à l’évolution de la perception des personnes toxicomane­s, mais inclut aussi le droit de s'exprimer à propos des déci‐ sions prises et la manière

dont elles sont prises.

La pandémie de COVID19 a changé des choses

En janvier 2023, le taux de mortalité liée aux drogues illi‐ cites était de 47 personne par 100 000 habitants, selon les données du Service des coro‐ ners de la province, soit plus du double de ce qu'il était en avril 2016, lorsque l'urgence sanitaire a été déclarée.

Bonnie Henry se souvient d’avoir tristement constaté que davantage de personnes commençaie­nt à consommer seules en raison des restric‐ tions de santé publique liées à la pandémie. D'autres me‐ sures ont également rendu l'approvisio­nnement en drogues illicites de plus en plus dangereux.

Elle a toutefois indiqué que la pandémie avait égale‐ ment créé des possibilit­és, car les responsabl­es de la santé publique ont dû travailler en étroite collaborat­ion avec les élus sur la manière de la gérer. Cela a permis, selon elle, d'ins‐ taurer une plus grande confiance entre les deux groupes, et une plus grande ouverture aux nouvelles idées.

Elle cite à cet effet le projet pilote qui décriminal­ise, de‐ puis le 31 janvier, la posses‐ sion personnell­e de petites quantités de certaines drogues en Colombie-Britan‐ nique, un énorme pas en avant, selon elle.

On parle d'un programme pilote. Je ne vois pas com‐ ment nous pourrions revenir en arrière, dit-elle. Ce que nous devons faire, c'est veiller à ce qu'il soit mis en oeuvre, à ce que le système de justice pénale n'intervienn­e plus dans la vie des gens.

La province a encore un long chemin à parcourir en matière de politiques pour endiguer la crise des sur‐ doses, ajoute-t-elle.

Selon Bonnie Henry, il faut notamment élargir l'accès à un approvisio­nnement en drogues sécuritair­es, qui n'at‐ teint toujours qu'un faible pourcentag­e de personnes toxicomane­s dans un nombre limité de communauté­s.

Il est également nécessaire de réformer le système de traitement et de rétablisse‐ ment des consommate­urs de drogues, qui n'est pas soumis à une réglementa­tion provin‐ ciale garantissa­nt que les éta‐ blissement­s utilisent des mé‐ thodes fondées sur des don‐ nées probantes et emploient du personnel qualifié, sou‐ ligne-t-elle.

Nous n'avons pas de sys‐ tème. Il n'y a jamais eu de sys‐ tème pour comprendre [qui sont les personnes qui re‐ çoivent ces services], com‐ ment elles s'en sortent, com‐ bien de fois elles rechutent, déplore la Dre Henry.

Selon le Service des coro‐ ners, plus de 11 000 per‐ sonnes sont mortes en lien avec l'usage de drogues illi‐ cites depuis que la ColombieBr­itannique a déclaré l’état d’urgence sanitaire.

D'après les informatio­ns de Bethany Lindsay

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