Le rapport sur la maîtrise du français au cégep reçoit un accueil mitigé
Tous les acteurs du milieu collégial reconnaissent les lacunes importantes de maîtrise du français constatées chez une pro‐ portion non négligeable d’étudiants à leur arrivée au cégep. Toutefois, les mesures recommandées par les coautrices d'un rap‐ port de 85 pages à ce sujet, dévoilé vendredi, ne font pas l’unanimité. Les enseignants au cé‐ gep choqués, les étudiants satisfaits
La première recommanda‐ tion du document, suggérant que les notions de grammaire continuent d'être enseignées au collégial, au-delà du secon‐ daire, traduit un certain manque de connaissance de la réalité des cégeps, selon la Fédération nationale des en‐ seignants du Québec.
Il y a un coup de barre à donner, c’est évident. Mais qu’on remette le curseur au collégial comme étant l’en‐ droit où ces compétences-là doivent être enseignées à nouveau, ça a de quoi cho‐ quer nos membres, indique la présidente de la Fédération, Caroline Quesnel. C’est comme si on demandait à un professeur de mathéma‐ tiques au cégep d’enseigner les tables de multiplication!
La langue, c'est quelque chose qui devrait être en bonne partie acquis quand on arrive en enseignement supé‐ rieur.
Caroline Quesnel, prési‐ dente de la Fédération natio‐ nale des enseignantes et en‐ seignants du Québec
Les étudiants, eux, ap‐ puient davantage un autre volet des recommandations des expertes, celui de réviser les devis de la formation gé‐ nérale au cégep pour inclure dans les cours de littérature française un enseignement systématique de la gram‐ maire articulé aux pratiques d’écriture. Cela fait d’ailleurs partie de la demande connexe des étudiants de ré‐ former la formation générale au collégial.
Maya Labrosse, présidente de la Fédération étudiante collégiale du Québec (FECQ), se dit agréablement surprise de remarquer que plusieurs de leurs demandes trouvent un écho dans le rapport. C'est intéressant de voir qu'on en vient aux mêmes constats, notamment dans l'idée de s'assurer que le français soit quelque chose qu'on ap‐ prenne à travers tout le conti‐ nuum d'enseignement, du primaire jusqu'à l'université, souligne-t-elle.
La Fédération des cégeps, de son côté, accueille favora‐ blement le rapport et men‐ tionne être pleinement dispo‐ sée à collaborer dans le cadre de suites qui seront données à ce nouveau rapport.
La ministre Déry répond aux critiques
En entrevue avec RadioCanada, la ministre de l'Ensei‐ gnement supérieur du Qué‐ bec, Pascale Déry, affirme que le réseau de l'éducation tout entier est bien conscient qu'on a des lacunes. Elle re‐ groupe les recommandations sous trois grands axes : le ren‐ forcement des cours de fran‐ çais au cégep, le perfectionne‐ ment des enseignants et la bonification des critères de maîtrise du français dans les plans institutionnels des col‐ lèges pour plus d'homogénéi‐ té.
Il y a des pistes de ré‐ flexions et de solutions inté‐ ressantes que les expertes nous dévoilent aujourd’hui. Je les remercie pour ce travail extrêmement pertinent qui a été fait au cours des derniers mois.
Pascale Déry, ministre de l'Enseignement supérieur du Québec
Mme Déry reconnaît la va‐ leur de ce nouveau rapport, mais indique du même souffle attendre également les conclusions d’un autre co‐ mité de travail, en juin, ainsi que celles du groupe de tra‐ vail sur l’avenir de la langue française créé au début de l’année. Est-ce qu’il faut revoir les devis ministériels, la for‐ mation générale au cégep? Ce sont des questions où il faut consulter, et c’est ce qu’on fait actuellement pour être sûr d’avoir la bonne approche. Mais c’est clair qu’il faut inter‐ venir, dit la ministre.
Si les étudiants et les en‐ seignants au cégep ne sont pas tout à fait sur la même longueur d’ondes quant à la manière d’attaquer le manque de maîtrise du fran‐ çais des étudiants, ils s’en‐ tendent toutefois pour repro‐ cher à la ministre Déry d’avoir tardé à rendre public ce rap‐ port, remis au gouvernement en janvier 2022.
Si on avait pu sortir ce rap‐ port-là un an plus tôt, proba‐ blement qu'on pourrait déjà y voir des effets bénéfiques sur la maîtrise du français au col‐ légial. Donc on était très impa‐ tient de voir les recommanda‐ tions qui en font partie.
Maya Labrosse, présidente de la Fédération étudiante collégiale du Québec
Ce qui est important main‐ tenant, c’est qu’il y ait un échéancier sur la mise en oeuvre de ces recommanda‐ tions-là, martèle Maya La‐ brosse.
Caroline Quesnel renchérit en soulignant ce qu’elle quali‐ fie de double discours du gouvernement autour du français : Pendant la période électorale, on nous disait à quel point le français est une priorité pour lui. Et pendant ce temps, on attend 14 mois pour présenter un rapport qui touche la qualité de la langue.
La ministre Déry rétorque qu’elle n’aurait pas pu publier le rapport plus tôt; entrée en poste en octobre dernier, elle dit avoir pris connaissance du dossier plus en profondeur en décembre.
On est en action et je suis personnellement en action. C'est un enjeu qui me touche beaucoup, assure-t-elle. Je ne voudrais pas qu’on pense que, pendant un an, le minis‐ tère n’a rien fait. Le ministère avait le rapport, avait déjà une réflexion sur ces recom‐ mandations-là.
Pascale Déry indique qu'à court terme, son équipe sera capable d’agir sur certaines re‐ commandations. Le reste fera partie de la réflexion autour du nouveau groupe d'action sur l’avenir de la langue fran‐ çaise, conclut-elle.