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La petite histoire de la baguette d’un chef d’orchestre

- Flavie Villeneuve

Gilles Auger, le directeur musical et fondateur de l'Orchestre symphoniqu­e de Lévis, possède la même baguette depuis dix ans, et pour lui, pas question de s'en passer.

À un moment donné, il y a un musicien à l'orchestre qui m'a joué un tour puis il l'a ca‐ ché, se souvient le chef d’or‐ chestre. Parce que je la laissais sur mon lutrin et j'arrive puis la baguette n'était plus là. Je vous jure, j'ai comme angois‐ sé cinq minutes.

Il poursuit en se rappelant qu’il a regardé les musiciens. Là il y a quelqu'un qui m'a joué un tour puis j'en ai vu un dans la gang qui avait le sou‐ rire jusque derrière les oreilles, raconte-t-il en riant.

Comme les violoniste­s, les clarinetti­stes ou encore les bassistes, le chef d'orchestre maitrise lui aussi son instru‐ ment : la baguette.

La baguette de direction comme on la connaît au‐ jourd'hui est utilisée seule‐ ment depuis le XIX siècle. Au‐ paravant, les orchestres étaient dirigés par différents accessoire­s.

Au départ, à l'époque du Roi Soleil Louis XIV, le roi de la musique c'était Lully. JeanBaptis­te Lully battait la me‐ sure en tapant avec un gros bâton sur le sol, nous ap‐ prend Gilles Auger.

Imaginez-vous à chaque temps, il fait bang bang, dit-il en mimant le geste. Puis un moment donné, le gars s'est donné un coup de bâton sur le pied, le pied s'est infecté et il est mort de la gangrène, ex‐ plique Gilles Auger.

En effet, la mort de JeanBaptis­te Lully, ou Giovanni Battista Lulli de son vrai nom en italien, est aussi célèbre que sa musique.

Les livres d’Histoire parlent de lui comme un fougueux musicien, passionné, qui a planté le lourd bâton dans son pied lui procurant une douleur insoutenab­le.

L’arrivée de la baguette

Et là, on est à la deuxième moitié du XIXe siècle, il y a Fé‐

lix Mendelssoh­n, un composi‐ teur très célèbre qui a été le premier chef d'orchestre mo‐ derne on va dire. Il a pris une partition, il l'a roulé et il s'est fait une baguette avec.

Les baguettes sont pour la plupart fabriquées en bois. Le mouvement de la main du chef d’orchestre doit être vi‐ sible pour chaque musicien, qu’il soit à quelques centi‐ mètres ou au dernier rang de l’orchestre.

Les gens disent souvent "à quoi ça sert un chef d'or‐ chestre", bien c'est à battre les temps, à donner le métro‐ nome, la vitesse et s'assurer que les musiciens jouent en‐ semble, mentionne Gilles Au‐ ger.

Propulser les musiciens

Le chef va modeler la mu‐ sique, il va insuffler à la mu‐ sique, une énergie. Notre ma‐ tière première c'est l'énergie et le son ce sont nos matières premières.

Chaque printemps, le maestro offre des ateliers in‐ tensifs de direction d'or‐ chestre, permettant à de jeunes chefs de se frotter au métier.

Comme je dis à mes étu‐ diants : il ne faut pas s’occu‐ per de la baguette. Votre mouvement c’est la main, la baguette, elle, va juste ampli‐ fier le mouvement.

Gilles Auger

C’est comme si j’avais une grande console où je dis "plus fort la flûte, moins fort les vio‐ lons", image-t-il. Sauf que je le fais avec mes mains.

Gilles Auger affirme que di‐ riger une symphonie de Tchaï‐ kovski est très exigeant physi‐ quement.

Après une heure de Tchaï‐ kovski, on est complèteme­nt détrempé alors que si on joue une petite toune de divertis‐ sement de Mozart, on en sort indemne.

Une énergie décuplée au son des instrument­s

La violoniste Louise Bélan‐ ger est d’avis que le chef d'or‐ chestre permet à l’ensemble d’aller chercher l'énergie né‐ cessaire pour livrer la mar‐ chandise. Elle le voit aussi comme un élément fédéra‐ teur qui permet à tous d'avoir la même vision de l'oeuvre et d'avoir le même caractère dans l'interpréta­tion.

Que l'on ait 20, 30 ou 70 musiciens, il faut que l’élan et la vitesse transmises par la baguette donnent naissance à une parfaite harmonie.

Il y a une certaine autorité naturelle, mais c'est pas forcé, c'est comme naturel et inspi‐ rant. C'est comme ça qu'il va nous chercher.

Nicolas Morrissett­e, violo‐ niste

Gilles Auger a dirigé plu‐ sieurs orchestres à travers le monde. L'Orchestre sympho‐ nique de Lévis reste pour lui l'une de ses plus grandes fier‐ tés.

Avec Alicia Rochevrier

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