Le rêve à moitié éveillé du PQ
Il fallait sentir l’enthou‐ siasme qui régnait au congrès du Parti québécois (PQ) cette fin de semaine. Sur la chanson Toujours vi‐ vant de Gerry Boulet, Paul St-Pierre Plamondon a fait une entrée triomphale de‐ vant ses militants, eux qui lui ont renouvelé leur confiance à 98,51 % – un re‐ cord. En fait, rarement au‐ ra-t-on vu un parti poli‐ tique si optimiste à peine cinq mois après avoir subi la pire défaite de son his‐ toire.
Tout dépend bien sûr des points de comparaison que l’on choisit. À l’échelle des quinze dernières années, le PQ a connu une succession de reculs électoraux, passant de 35 % d’appui aux élections de 2008 à 15 % en 2022.
Évolution du pourcen‐ tage de voix obtenu par le PQ depuis 15 ans
2008 : 35,2 % 2012 : 32,0 % 2014 : 25,4 % 2018 : 17,1 % 2022 : 14,6 %
Source : Élections Québec. Les chiffres ont été arrondis au dixième près.
Il est vrai qu’à l’échelle des sondages de la dernière an‐ née, le Parti québécois est plutôt en croissance, ayant passé de 8 % des intentions de vote en mai 2022 à 18 % le mois dernier, selon la firme Léger.
C’est sans compter le re‐ dressement financier que la formation politique a su opé‐ rer, transformant une dette de près de 2,5 millions $ en surplus accumulé de plus d’un million $.
Se proclamer deuxième force politique au Québec, comme l’ont fait des cadres du parti cette fin de semaine, relève toutefois du fantasme. Aux dernières nouvelles, le PQ ne comptait que trois dépu‐ tés, comparativement à 19 pour le Parti libéral du Qué‐ bec (PLQ) et à 11 pour Qué‐ bec solidaire (QS).
Une direction claire
Si les militants péquistes sont si optimistes, c’est sur‐ tout qu’ils ont enfin le senti‐ ment de savoir où ils s’en vont.
Paul St-Pierre Plamondon a résolument mis cap sur l’in‐ dépendance, et advienne que pourra. Finies les circonlocu‐ tions sur la tenue d’un réfé‐ rendum au moment jugé op‐ portun, dans un second man‐ dat hypothétique. Toutes ces tergiversations, il faut bien l’avouer, avaient mis à mal la crédibilité du parti.
À cela s'ajoute la stabilité qui se dessine enfin à la tête du parti. Voir défiler quatre chefs permanents et trois chefs intérimaires en autant d’années n’a certes pas favori‐ sé la cohérence du message.
Les nombreux virages du PQ, non seulement sur la question de l’indépendance, mais aussi sur celle de l’exploi‐ tation des hydrocarbures, par exemple, n'ont pas non plus aidé. Avec le vote de confiance qu’il a obtenu, Paul St-Pierre Plamondon devrait au moins tirer à la hausse la longévité moyenne des chefs
péquistes.
Chefs permanents et in‐ térimaires du PQ depuis 15 ans
Pauline Marois (2007-2014) Stéphane Bédard (2014-2015) Pierre Karl Péladeau (20152016) Sylvain Gaudreault (2016) Jean-François Lisée (2016-2018) Pascal Bérubé (2018-2020) Paul St-Pierre Pla‐ mondon (2020-...)
La grande question est maintenant de savoir jus‐ qu’où PSPP sera capable d’amener sa formation poli‐ tique et si la stratégie actuelle s'essoufflera.
Une remontée dans les sondages est sans doute une première étape, mais on est encore loin de la formation d’un gouvernement, surtout que le vote péquiste – pour le meilleur et pour le pire – n’est pas concentré géographique‐ ment comme peuvent l'être ceux du Parti libéral et de Québec solidaire. Dans le contexte, d’éventuels gains seront d’abord tributaires d’une chute marquée de la Coalition avenir Québec (CAQ).
Tout dépendra bien sûr de la conjoncture politique. Si le projet souverainiste a suscité plus d’indifférence que de passion ces dernières années, le PQ croit pouvoir inverser la tendance.
Ce dernier publiera bientôt le budget d’un Québec souve‐ rain, ainsi qu’un livre bleu, énième tentative pour convaincre les Québécois des avantages de l’indépendance.
Au-delà des efforts de ses militants, le PQ mise aussi sur l’échec anticipé de François Legault à obtenir quelque avancée que ce soit du gou‐ vernement fédéral. Il est vrai que le premier ministre, de‐ puis sa réélection, a peut-être soufflé dans la voile du PQ même si ce n’était pas son ob‐ jectif.
C’est que les attaques ré‐ pétées du chef caquiste à l’en‐ contre du premier ministre Justin Trudeau ont fait mon‐ ter les attentes sur le front des relations canadiennes, sans pour autant se traduire en résultats concrets.
On pense bien sûr au dos‐ sier des transferts en santé et à la volonté du Québec d’ob‐ tenir plus de pouvoirs en ma‐ tière d’immigration. Rien ne garantit par contre que ces re‐ vers se traduiront en appuis durables pour le Parti québé‐ cois.
Le spectre du référen‐ dum
Pendant des années, il suf‐ fisait aux adversaires du PQ d'agiter le spectre d’un réfé‐ rendum pour rebuter les élec‐ teurs.
À 18 % des intentions de vote, le projet péquiste reste bien théorique, mais on peut croire que ses adversaires n’hésiteraient pas à brandir cette menace à nouveau si le parti devait poursuivre sa croissance. Déjà, François Le‐ gault y a fait allusion ces der‐ nières semaines. L’argument pourrait s’avérer tout aussi ef‐ ficace aujourd’hui qu’il ne l’a été dans le passé.
Il faudra aussi surveiller l’attitude du gouvernement fédéral à l’égard du Québec. Si Justin Trudeau ne s’est guère montré ouvert jusqu’ici aux demandes du gouvernement Legault, qui sait ce qu’un nou‐ veau chef libéral ou un autre parti au pouvoir à Ottawa pourraient faire?
Aucune de ces considéra‐ tions ne semble toutefois vouloir entamer l’enthou‐ siasme actuel au sein du Parti québécois. Ragaillardis par la victoire de leur chef dans le dossier du serment au roi, les péquistes misent sur la rigidi‐ té des institutions cana‐ diennes pour assurer leur croissance.
Personne ne sait de quoi l’avenir sera fait, mais après avoir multiplié les défaites ces dernières années, les militants se disent que si le rêve devait prendre fin, ce sera au moins en ayant été fidèles à leurs idéaux.