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La Cour suprême de l’Inde se penche sur la question du mariage homosexuel

- Francis Plourde

La Cour suprême de l'Inde entendra, dès lundi, une série de causes contestant l'interdicti­on du mariage homosexuel.

Si le plus haut tribunal du pays se prononce pour légali‐ ser les mariages entre per‐ sonnes de même sexe, l’Inde deviendra le deuxième pays d’Asie à légaliser le mariage gai, après Taiwan.

À titre de plus grande dé‐ mocratie au monde et deuxième pays le plus peuplé de la planète, son influence ailleurs dans le monde pour‐ rait aussi être considérab­le.

Jusqu’ici, la majorité des 32 juridictio­ns ayant déjà adopté des lois sur l’égalité du mariage se trouvent en Amé‐ rique et en Europe.

La loi actuelle viole-telle la constituti­on?

Selon les plaignants - plu‐ sieurs couples de même sexe - la Loi spéciale sur les mariages, qui fait référence au mari et à la femme, viole plu‐ sieurs articles de la constitu‐ tion indienne.

Ils allèguent que la loi da‐ tant de 1954, et qui célèbre le mariage en dehors de la reli‐ gion, devrait permettre aux couples de même sexe d’avoir le même droit légal au ma‐ riage que les couples hétéro‐ sexuels.

D’autres requêtes touchent également la loi sur le mariage à l’étranger, régis‐ sant les unions où au moins un conjoint est indien.

[La loi] devrait faire réfé‐ rence à des "conjoints" pour englober les personnes indé‐ pendamment de leur sexe ou de leur identité de genre, al‐ lègue Jayna Kothari, une avo‐ cate qui représente trois plai‐ gnants dans l'une des causes devant la Cour suprême.

Jusqu’ici, le gouverneme­nt du premier ministre Narendra Modi, au pouvoir depuis 2014,

a refusé de légaliser le ma‐ riage entre personnes de même sexe.

Dans un document dépo‐ sé dimanche devant la Cour suprême, le gouverneme­nt in‐ dien a déclaré qu'on ne pou‐ vait pas demander au tribunal de changer toute la politique législativ­e du pays, qui est profondéme­nt ancrée dans les normes religieuse­s et so‐ ciétales.

Mais la Cour suprême n’est pas à la remorque du gouver‐ nement. Déjà en 2018, elle s’est prononcée pour décrimi‐ naliser les relations homo‐ sexuelles entre adultes consentant­s, estimant que la loi britanniqu­e, datant de l’époque coloniale, était in‐ constituti­onnelle.

Selon Jayna Kothari, la dé‐ cision, historique, n’était que le début. Les personnes LGBTQ+ doivent maintenant accéder à une pleine recon‐ naissance de leurs droits comme citoyens.

La décriminal­isation n'a vraiment de sens que si des droits positifs sont accordés, dit-elle, ce qui inclut le droit d'avoir une famille, le droit d'avoir des biens, le droit d'adopter.

Un couple vancouvéro­is suit le dossier de près

Gaurav Bhatti, d’origine in‐ do-canadienne, et son conjoint, Saattvic, ont démé‐ nagé à Vancouver en 2020, las d’attendre une évolution des droits des personnes LGBTQ+ en Inde.

Même s’il a le droit de se marier au Canada, le couple souhaite organiser une céré‐ monie en Inde en présence de leur famille.

Saattvic, qui est citoyen in‐ dien, fait partie des plaignants dont le dossier a été transféré en Cour suprême.

Je le fais pour ces jeunes qui vivent dans les villages et qui n'ont aucun moyen de s'exprimer, dit-il. C'est pour leur donner une chance de vivre leur vie dignement.

Saattvic, un ancien acteur devenu économiste, croit que la discrimina­tion envers les personnes homosexuel­les, souvent éduquées et ayant les moyens de quitter le pays, entraîne un exode des cer‐ veaux.

Ces mêmes personnes se lèveront et partiront si vous ne leur donnez pas des droits égaux, et cela a des consé‐ quences pour toute l'écono‐ mie, dit-il.

L’économiste cite une étude de la Banque mondiale datant de 2014, estimant que l’Inde sacrifiait à l’époque jus‐ qu’à 1,7 % de son PIB en rai‐ son de facteurs liés à la discri‐ mination envers les per‐ sonnes LGBTQ+.

Repli des conservate­urs attendu

Une victoire en Cour su‐ prême concernant le mariage entre personnes de même sexe pourrait toutefois prendre du temps à se maté‐ rialiser, croit Sukhdeep Singh, fondateur et directeur du ma‐ gazine indien Gaylaxy.

Tout changement social prend du temps pour arriver à un point où ça s’améliore, juge-t-il.

Le journalist­e s’attend à une réaction virulente de la part de politicien­s et de groupe religieux plus conser‐ vateurs si la Cour suprême lé‐ galise le mariage homosexuel.

Un député Sushil Kumar Modi s’est récemment pro‐ noncé contre le mariage gai, affirmant qu’il causerait des ravages.

Ultimement, analyse tou‐ tefois Sukhdeep Singh, une victoire aurait des répercus‐ sions positives ailleurs en Asie et dans le monde.

Avec des informatio­ns de CBC

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