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Faillite de la Silicon Valley Bank : Joe Biden veut rassurer les Américains

- Anaïs Brasier

Quelques jours après la chute de la Silicon Valley Bank (SVB), la plus impor‐ tante institutio­n finan‐ cière à faire faillite depuis la crise de 2008, et au len‐ demain de la prise en charge de la Signature Bank, le président améri‐ cain a pris la parole lundi matin, essentiell­ement pour rassurer ses conci‐ toyens et maintenir leur confiance dans le système bancaire des États-Unis.

Les Américains peuvent avoir confiance dans leur sys‐ tème bancaire, qui est solide, a déclaré Joe Biden dans un court point de presse de cinq minutes.

Vos dépôts seront là quand vous en aurez besoin. Les petites entreprise­s à tra‐ vers le pays qui ont des dé‐ pôts dans ces banques peuvent respirer plus facile‐ ment en sachant qu’elles pourront payer leurs em‐ ployés et leurs factures.

Il a assuré du même coup que son administra­tion fera le nécessaire, et ce, rapidement, pour empêcher que cela ne se reproduise. Il appelle notam‐ ment le Congrès à renforcer la régulation du secteur ban‐ caire.

Nous ne nous arrêterons pas là, nous ferons tout ce qu’il faut.

Joe Biden, président des États-Unis

Quant à ce qui s’est déjà produit, soit les faillites de la SVB et de la Signature Bank, il a garanti que les contri‐ buables américains n’auront pas à payer pour les pertes – elles seront plutôt prises en charge par un fonds d'assu‐ rances – et les dirigeants se‐ ront tenus pour respon‐ sables. Personne n’est au-des‐ sus de la loi, a-t-il déclaré. Quant aux investisse­urs, soit ceux qui avaient des actions et des obligation­s dans la banque, ils ne seront pas pro‐ tégés.

Les investisse­urs ont pris un risque et quand ce risque ne paie pas, ils perdent leur argent. Le capitalism­e fonc‐ tionne ainsi.

Joe Biden, président des États-Unis

Les autorités américaine­s ont pris le contrôle de la SVB vendredi dernier. Il s’agit de la banque la plus importante à faire faillite depuis la crise fi‐ nancière de 2008, créant ainsi un vent de panique aux ÉtatsUnis. Selon son site web, elle fournissai­t des services ban‐ caires à près de la moitié des entreprise­s technologi­ques et des sciences de la vie finan‐ cées par du capital de risque et à plus de 2500 sociétés de capital de risque.

Pourquoi la SVB a-t-elle fait faillite?

La principale cause de sa chute serait la prise en charge d’énormes sommes d’argent suivie de la hausse rapide des taux d’intérêt.

Riche des liquidités de nombreuses entreprise­s émergentes, la SVB a fait ce que font la plupart de ses concurrent­s : elle en a gardé une petite partie en argent comptant, puis en a investi la majorité dans des placements à long terme, comme des bons du Trésor. Ce type d’in‐ vestisseme­nt promet des re‐ tours modestes, mais stables, lorsque les taux d’intérêt de‐ meurent bas. Lorsque les taux d'intérêt montent, ils perdent de leur valeur.

La SVB s’est donc retrou‐ vée dans le pétrin quand la Réserve fédérale américaine (la Fed) a commencé à aug‐ menter son taux directeur, comme l’ont fait d’ailleurs la Banque du Canada et plu‐ sieurs autres banques cen‐ trales depuis un an, afin de contrer la hausse de l’infla‐ tion.

La SVB a mal réagi au cours des obligation­s, résume Georges Ugeux, président-di‐ recteur general de Galileo Glo‐ bal Advisors et ancien viceprésid­ent de la bourse de New York. À un moment, les obligation­s étaient très éle‐ vées parce que les taux étaient bas, et quand les taux ont monté, les obligation­s ont baissé.

Parallèlem­ent, le contexte économique a fait en sorte que le financemen­t des entre‐ prises émergentes a connu une baisse, amenant plu‐ sieurs clients de la SVB à com‐ mencer à retirer leur argent. Pour répondre à ces de‐ mandes, l’institutio­n a été obligée de vendre ses obliga‐ tions à perte, explique Georges Ugeux.

À cela s’ajoute le fait que la Federal Deposit Insurance Corporatio­n (FDIC), l’agence américaine chargée de garan‐ tir les dépôts, n’assure que les montants de 250 000 $ et moins. Une grande partie des clients de la SVB avaient des dépôts dépassant cette somme. N’étant donc pas as‐ surés, ce sont ces investis‐ seurs-là qui ont tendance à retirer leur argent lorsqu’il y a des signes de turbulence­s.

Lorsque la SVB a annoncé d’importante­s pertes mercre‐ di dernier, l’industrie techno‐ logique a paniqué, et bon nombre de clients ont retiré leur argent de la banque.

La banque et ses conseiller­s ont tenté, en vain, de trouver un acheteur. Les autorités américaine­s ont donc pris officielle­ment pos‐ session de la banque vendre‐ di et en ont confié la gestion à la FDIC.

Les Américains doiventils s’inquiéter?

Trois banques ont fait faillite en moins d’une se‐ maine aux États-Unis. La pre‐ mière est la Silverbank, qui a pourtant fait couler moins d’encre, le 8 mars. A suivi la Si‐ licon Valley Bank, le 10 mars, qui a entraîné dans sa chute la Signature Bank, le 12 mars.

Il y a une certaine inquié‐ tude à avoir, estime Martin Lalonde, président et gestion‐ naire de portefeuil­le chez In‐ vestisseme­nts Rivemont, en entrevue à l’émission Pre‐ mière heure.

Est-ce que ça va être 20082009? Je ne crois pas, mais il y a certains signes qu’il ne faut pas passer à côté. Dans le mi‐ lieu financier, on regarde ça de près.

Martin Lalonde, président et gestionnai­re de portefeuil­le chez Investisse­ments Rive‐ mont

Le danger est notamment pour les petites banques et celles qui oeuvrent dans le même domaine que la SVB,

croit Martin Lalonde.

Les annonces de Joe Biden n'ont d'ailleurs pas empêché Wall Street d'ouvrir en baisse lundi matin, et les titres de plusieurs banques régionales s'effondraie­nt. La Bourse de New York a quant à elle termi‐ né sur une note contrastée lundi, surmontant le déra‐ page du secteur bancaire grâce aux capitalisa­tions géantes et la bonne tenue des valeurs défensives, sur fond de repli brutal des taux obli‐ gataires. Le Dow Jones s'est ainsi effrité de 0,28 %, l'indice Nasdaq a gagné 0,45 % et l'in‐ dice élargi S&P 500 s'est replié de 0,15 %.

Si d’autres banques tombent et que les autorités américaine­s appliquent la même règle à celles-ci, beau‐ coup d’investisse­urs pour‐ raient perdre de l’argent, a dit M. Lalonde.

Les plus grosses banques, comme JPMorgan, Wells Far‐ go et Citigroup, ne devraient pas avoir à s’inquiéter, selon le New York Times. Leurs ac‐ tions avaient même augmen‐ té vendredi.

Qui plus est, ces grosses banques sont moins suscep‐ tibles de prendre de mau‐ vaises décisions comme l'a fait la SVB. En aucun cas ces banques-là n'auraient eu la possibilit­é d'émettre des gros achats d’obligation­s sans prendre en compte les fluc‐ tuations du marché, notam‐ ment en raison des dispositif­s de réglementa­tion de la Fed, explique Georges Ugeux.

L'ancien vice-président de la bourse de New York se de‐ mande d'ailleurs comment il est possible que les mau‐ vaises décisions et les troubles financiers de la SVB n'étaient pas connus de la Fed avant mercredi dernier.

Lundi, la Fed a annoncé qu'elle allait se pencher sur les conditions de supervisio­n et de régulation de la SVB. Les événements entourant la Sili‐ con Valley Bank exigent une analyse approfondi­e, transpa‐ rente et rapide par la Réserve fédérale, a déclaré le pré‐ sident de la Fed, Jerome Po‐ well, cité dans le communi‐ qué. Les résultats seront pu‐ bliés le 1er mai.

Nous devons faire preuve d'humilité et procéder à un examen minutieux et appro‐ fondi de la manière dont nous avons supervisé et réglemen‐ té cette entreprise, et de ce que nous devrions apprendre de cette expérience, a estimé le vice-président de l'institu‐ tion chargé de la régulation bancaire, Michael Barr.

Et au Canada?

Le système bancaire cana‐ dien étant très différent du système américain, il n’y a pas matière à inquiétude, estime Martin Lalonde. Aux ÉtatsUnis, il existe des milliers de banques, petites et grosses, qui ont comme seul but d’en‐ richir le plus possible leurs ac‐ tionnaires.

Au Canada, il existe un oli‐ gopole, soit un petit nombre de banques qui monopolise­nt le marché. Et elles sont quasi gouverneme­ntales. Elles suivent de très près le gouver‐ nement, notamment pour les taux d’intérêt, explique le ges‐ tionnaire de portefeuil­le. On l’a vu en 2008-2009, aucune banque canadienne n’a fait faillite.

Le ministre québécois de l'Économie, Pierre Fitzgibbon, s'est d'ailleurs montré très confiant lundi matin. Il faut être concerné par ça parce que quand le système ban‐ caire se met à défaillir, ça peut être dangereux [...] Je pense que notre système canadien est très solide. On a un régula‐ teur qui régit ça. Je suis très à l’aise qu’on ne verra pas une effervesce­nce de ça au Qué‐ bec.

Selon lui, très peu de Qué‐ bécois vont subir les consé‐ quences de la faillite de la SVB. Il y a quelques fonds d’inves‐ tissement en technologi­e où ils ont des clients qui sont avec la banque de Silicon Val‐ ley, mais on parle de deux ou trois et je pense que ça va se résorber avec d’autres banques.

Enfin, selon Georges Ugeux, le débat doit aller audelà des décisions des banques privées et inclure celles des banques centrales. Rien de tout cela ne serait ar‐ rivé si la Fed n'avait pas aug‐ menté son taux directeur, rappelle-t-il. Cela soulève la question de la gestion poli‐ tique monétaire des banques centrales, dont le débat ne fait que commencer, lance-t-il.

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