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La comédienne Louisette Dussault n’est plus

- À lire et à écouter : Personnali­tés : Louisette Dussault AUDIO - Aujourd'hui l'histoire - Le scandale de la pièce Les fées ont soif raconté par Marie-Claude Garneau

Aux yeux des grands en‐ fants elle était toujours la souris verte. Louisette Dus‐ sault a interprété « Dix moutons, neuf moi‐ neaux... et une souris verte » à la télévision de Radio-Canada pendant cinq ans, de 1966 à 1971.

Chanter, Louisette Dus‐ sault savait faire. Elle voulait devenir soprano. Normal lors‐ qu'on a une belle voix et que l'on grandit dans une maison‐ née où chacun chante et joue d’un instrument. À Thetford Mines, où elle est née en 1940, on avait même nommé une salle au nom des Dussault.

La jeune Louisette prend des cours de chant, mais se rend compte qu'il ne lui ouvre pas autant de possibilit­és que le théâtre.

Elle fait des études à l’École nationale. C'est l'époque où la Révolution tranquille souffle partout, y compris sur les planches. Et Louisette Dus‐ sault le sent. Elle cofonde Les Petits enfants de Chénier, une troupe anticonfor­miste, expé‐ rimentale. Elle a pour cama‐ rades Jean-Claude Germain et Nicole Leblanc. Ils veulent parler leur français au sein d'un théâtre québécois. On les verra au nouveau Théâtre d'aujourd'hui.

Elle sera de la première lec‐ ture publique des Bellessoeu­rs de Michel Tremblay en 1968 et de Demain matin, Montréal m'attend.

En 1978, elle incarne la Vierge Marie dans Les fées ont soif, la pièce que vient d'écrire son amie Denise Bou‐ cher. Un scandale « blasphé‐ matoire » pour les dévots, qui ne veulent pas entendre la femme derrière la mère de Jé‐ sus.

Louisette Dussault n’y voit que du feu. Elle ne comprend pas. J'ai eu une couple de me‐ naces de mort. J'étais la Sainte Vierge, écoute là, hé..., raconte la comédienne en en‐ trevue à Radio-Canada, quelque 30 ans plus tard.

Vierge ou putain, Louisette Dussault en fait son affaire. Elle joue dans La nef des sor‐ cières en 1976.

Le texte d'Odette Gagnon remet en question le rapport des femmes avec l'argent, le corps et la séduction : Ç'a été vraiment un événement dans ma vie, ce texte-là. J'avais eu mes jumelles et c'était compli‐ qué... Ça te défait un corps. J'ai réalisé à un moment donné que mon estime de moi pas‐ sait par les yeux de mon chum et qu'il fallait que je fasse quelque chose.

Elle écrit Moman. Seule en scène, elle interprète tous les personnage­s de la pièce. Elle la jouera plus de 500 fois et ra‐ flera deux prix en 1982 : à Sitges, en Espagne, et à Alger.

En 1992 et 1993, elle est en nomination aux prix Gé‐ meaux pour son interpréta‐ tion de Marilyn, une femme de ménage qui finira mairesse de Montréal sous la plume de Lise et Sylvie Payette. Ce télé‐ roman quotidien, une pre‐ mière à l'époque, est diffusé à Radio-Canada de 1991 à 1994. Marilyn se fera beaucoup d'amis, un peu comme La souris verte, 20 ans plus tôt.

Malgré les succès de La souris verte et plus tard de Marilyn, la comédienne évite les ornières qui emprisonne­nt le comédien à son person‐ nage. On la verra dans les sé‐ ries comme Chez Denise, Les héritiers Duval, Rumeurs et Trauma. Sans compter quelques apparition­s au ciné‐ ma, notamment dans IXE-13, Bonheur d'occasion, L'homme idéal, Nuit de noces et La brunante.

Au théâtre, dans les an‐ nées 1990, elle se glisse dans la vie de la peintre Emily Carr, un moment fort.

Elle a eu une vie in‐ croyable, elle a eu l'audace de la spatule à une époque où les femmes faisaient de pe‐ tites fleurs, elle accrochait les chaises au mur, vivait avec les Indiens. Une folle! Ils l'appe‐ laient "celle qui sourit tout le temps". Il y avait quelque chose de moi là-dedans, ra‐ contait Louisette Dussault sur son interpréta­tion dans Le voyage magnifique d'Emily Carr, un texte de Jovette Mar‐ chessault.

Souriante, elle l'était. Son rire cristallin ponctuait sou‐ vent ses entrevues. Sauf lors‐ qu'elle parlait d'injustices.

Elle a pris la parole, pour les femmes et pour le Québec. Elle lui lègue d'ailleurs une large contributi­on au théâtre et à la culture d'ici.

Parmi les nombreuses ré‐ compenses qu'elle a rempor‐ tées, soulignons le prix VictorMori­n de la Société Saint-JeanBaptis­te et son titre de cheva‐ lière de l’Ordre des arts et des lettres.

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