Le PDG du Port de Montréal se dit « sceptique » quant au potentiel de l’hydrogène
L’avenir économique de l’hydrogène n’est pas celui qu’on imagine, selon le PDG du Port de Montréal, Martin Imbleau, qui se dit « sceptique » quant au po‐ tentiel de ce vecteur éner‐ gétique.
L’hydrogène est un vec‐ teur énergétique, ce n’est pas de l’énergie, affirme Martin Imbleau en entrevue pour le balado Question d’intérêt, sur l’application Ohdio. Pour lui, l’hydrogène demeure une so‐ lution de dernier recours, une solution exceptionnelle.
Technologiquement et économiquement, vous me permettrez d'être un peu sceptique aujourd'hui. Mais à petite dose, [ce serait pos‐ sible], par exemple, pour faire du méthanol ou pour les ca‐ mions lourds sur de petites distances, explique M. Im‐ bleau.
Le Canada a conclu des en‐ tentes avec l’Allemagne et avec l’Union européenne dans le but d'élaborer un plan d’ac‐ tion en matière de développe‐ ment et d’approvisionnement en hydrogène. Ottawa a aussi présenté une stratégie sur l’hydrogène en 2020. Les gou‐ vernements du Québec et de l’Ontario s’intéressent égale‐ ment au développement de ce vecteur énergétique.
Cependant, tout reste à faire. Utiliser une énergie propre pour créer de l’hydro‐ gène à des fins spécifiques doit encore faire l’objet d’études et d’analyses sur les coûts et sur le potentiel éco‐ nomique réel pour le Canada.
Gaz : une occasion ratée
Martin Imbleau est d’avis, par ailleurs, que le Canada a raté l’occasion de devenir un fournisseur de gaz naturel pri‐ vilégié pour l’Europe dans le contexte de la guerre en Ukraine. La Russie a réduit de 80 % son approvisionnement en gaz à destination de l’Eu‐ rope au cours de la dernière année.
Le Canada n’est pas en me‐ sure de remplacer le gaz russe et il ne le sera pas non plus dans l’avenir, selon Martin Im‐ bleau. C'est un rendez-vous historique manqué, dit-il. On est passés à autre chose. Il y
avait des projets, il y a un cer‐ tain temps, pour prévoir des solutions spécifiquement pour l'Allemagne, pour contrer la menace russe. J'y ai travaillé. Ce sont des projets qui n'ont pas vu le jour. Et je n’y crois plus vraiment.
Il n’y a pas de capacités de transport appropriées pour acheminer du gaz de l'Ouest vers la côte est, fait remar‐ quer Martin Imbleau. Ce se‐ rait trop cher, soutient-il, et il est peu probable qu’on arrive rapidement à une approba‐ tion réglementaire et à une acceptabilité sociale.
Les Américains qui, histori‐ quement, étaient un impor‐ tant importateur se sont tournés littéralement en quelques mois, quelques an‐ nées, pour devenir un expor‐ tateur net très, très, très im‐ portant. Donc, pour le Cana‐ da, c'est un rendez-vous man‐ qué.
Une en vue
Le Port de Montréal a re‐ trouvé en 2022 son volume d’activité de 2019. Les chaînes logistiques sont revenues plus près d’un niveau normal. Une chaîne logistique, c'est la capacité pulmonaire, affirme Martin Imbleau. On allait plus vite, on n’avait pas assez d'air. Là, on va moins vite et on a assez d'air!
Plus d'espace, plus de sto‐ ckage, moins de demandes, moins besoin d'une rapidité d'exécution entre l'offre et la demande, donc il y a du slack dans la machine, ce qui fait qu'un peu partout dans le monde, les chaînes logis‐ tiques ont beaucoup moins de pression, et les prix n'ont rien à voir avec ce qui s'est passé.
Les embouteillages de na‐ vires en attente dans les ports sont maintenant chose du passé. J'étais à Los Angeles il y a deux ans, il y avait 50 na‐ vires au large. J'étais là la se‐ maine dernière, il y en avait trois! Donc, on n'est plus du tout dans la même logique chez nous. Le nombre de conteneurs au sol est tout à fait normal partout dans le monde. Il n’y a pratiquement plus de navires qui attendent.
Le PDG du Port de Mont‐ réal craint toutefois une nou‐ velle crise de l’offre dans les prochaines années. Est-ce qu'on va revivre cette crise-là? Il y a fort à douter que oui, parce qu'il n’y a pas de solu‐ tions qui ont été mises en place. Les enjeux d'espace et les enjeux des chaînes logis‐ tiques qui sont sujets à l'offre et à la demande, il n’y a rien qui s'est passé dans les trois dernières années.
Une baisse de 10 à 12 %
Selon lui, il est urgent de numériser la chaîne logistique en plus d’ajouter des espaces d’entreposage. Il ne faut pas gérer un port comme un en‐ trepôt. Un port, c'est une zone de transit, il faut que ça rentre et que ça sorte rapide‐ ment, explique Martin Im‐ bleau.
Entre-temps, les activités portuaires ont toujours été considérées comme un indi‐ cateur avancé de l’économie. On voit en début d'année des volumes plus faibles, dit Mar‐ tin Imbleau. Ce qui se passe aujourd’hui nous donne une indication du niveau d’impor‐ tation et d’exportation dans les trois à six mois. On est vraiment le poumon dans les deux sens. Et on voit une baisse des importations et des exportations de 10 à 12 %.
La conteneurisation est l'indicateur le plus important, parce qu’il est le reflet des produits transformés et non transformés en import et en export. Tu ne te trompes pas beaucoup quand tes volumes de conteneurisation baissent. Et sur la côte ouest, la baisse est encore beaucoup plus im‐ portante. Les volumes sont en repli par rapport aux gains des dernières années.
Martin Imbleau invite les autorités publiques à investir massivement dans les infra‐ structures alors que s’an‐ nonce une éventuelle réces‐ sion. Le contexte actuel milite en faveur du développement du projet d’expansion du port à Contrecoeur, selon lui.
C'est l'année de toutes les décisions. On est sur le point de finaliser notre processus d'approvisionnement. On va choisir dans les prochaines se‐ maines, les prochains mois, un consortium qui va être chargé de construire et [d'ex‐ ploiter] ce terminal. À partir de 2027, à la mise en service du terminal, on aura sur la Rive-Sud environ 50 % de ca‐ pacité supplémentaire pour fluidifier la chaîne logistique pour le Québec et l'Ontario.