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Profilage racial : Québec veut encadrer les interpella­tions policières aléatoires

- Philippe Robitaille-Grou

Le ministre québécois de la Sécurité publique, François Bonnardel, a déposé un projet de loi, mercredi, vi‐ sant notamment à mieux encadrer les interpella‐ tions aléatoires par les poli‐ ciers pour contrer le profi‐ lage racial.

Le gouverneme­nt revient ainsi à la charge, après un pro‐ jet de loi similaire mort au feuilleton en décembre 2021. Ce projet n'avait pu être adopté avant la dissolutio­n du Parlement.

Une telle loi obligerait, entre autres, les corps poli‐ ciers à rendre des comptes annuelleme­nt en ce qui concerne leurs interpella­tions, y compris les intercepti­ons routières. Des lignes direc‐ trices seraient établies par la Sécurité publique pour exiger que ces interpella­tions ne soient pas basées sur des mo‐ tifs discrimina­toires. Si les lignes directrice­s ne sont pas suivies, des sanctions discipli‐ naires pourraient être impo‐ sées.

Ce que nous proposons avec ce projet de loi, c’est d’ouvrir la voie afin de moder‐ niser la pratique policière au Québec et de contribuer à renforcer la confiance du pu‐ blic envers nos corps de po‐ lice, a déclaré François Bon‐ nardel par voie de communi‐ qué.

Le ministre Bonnardel était accompagné en confé‐ rence de presse par Christo‐ pher Skeete, ministre respon‐ sable de la Lutte contre le ra‐ cisme. Il y a des gens qui, pour toutes sortes de raisons, se sentent exclus de la société, pas écoutés par les policiers, et on doit travailler cette confiance-là, a-t-il affirmé.

Soyons clairs : le Québec est une société accueillan­te où le profilage racial n’a pas sa place. Il est important de mettre en place les méca‐ nismes nécessaire­s pour per‐ mettre à ceux et celles qui en sont victimes de dénoncer plus facilement.

Christophe­r Skeete, mi‐ nistre responsabl­e de la Lutte contre le racisme

Le projet de loi prévoit de mettre à la dispositio­n des plaignants un agent de liaison en équité, diversité et inclu‐ sion pour faciliter l'accompa‐ gnement dans les dossiers de discrimina­tion. Les dénoncia‐ tions pourraient d'ailleurs être faites de manière anonyme.

Le document renforcera­it également les pouvoirs du Commissair­e à la déontologi­e policière pour contrer l’utilisa‐ tion abusive de la force par les policiers et le profilage racial. Le Commissair­e serait notam‐ ment en mesure d'ouvrir une enquête et d'imposer de nou‐ velles sanctions.

Un accueil mitigé

Depuis plusieurs années, des voix s'élèvent pour de‐ mander l'abolition complète des interpella­tions policières aléatoires, ces dernières exa‐ cerbant, selon plusieurs, les cas de discrimina­tion.

En 2019, Geneviève Guil‐ bault, alors ministre de la Sé‐ curité publique, a lancé une réflexion sur les pratiques po‐ licières. Un comité consultati­f a alors été mis en place, per‐ mettant l'élaboratio­n de 138 recommanda­tions, dévoi‐ lées dans un rapport en mai 2021.

En octobre dernier, un juge de la Cour supérieure du Québec a exigé la fin des contrôles routiers sans motifs valables, accordant aux poli‐ ciers un délai de six mois pour respecter cette nouvelle me‐ sure.

À défaut d'interdire toute interpella­tion aléatoire dans la province, la nouvelle mou‐ ture du projet de loi sur la sé‐ curité publique vise à mieux baliser la pratique et à colliger des données chaque année sur ces interpella­tions.

Dans un communiqué pu‐ blié mercredi, la Ligue des droits et libertés a jugé ces mesures loin d’être à la hau‐ teur pour mettre fin au profi‐ lage et à l’impunité policière.

Source de profilages racial et social, une pratique atten‐ tatoire aux droits et dénuée de fondement juridique, l’in‐ terpellati­on est une pratique arbitraire qui doit être inter‐ dite partout au Québec, et non encadrée tel que prévoit le gouverneme­nt.

La Ligue des droits et liber‐ tés, par voie de communiqué

Andrés Fontecilla, respon‐ sable de Québec solidaire en matière de Sécurité publique, était du même avis. Le mi‐ nistre Bonnardel promet des directives sans être capable de nous dire ce qu’elles vont contenir ni comment elles vont permettre d’empêcher le profilage racial à sa source, at-il déploré.

Faciliter la recherche de personnes disparues

Autre objectif du projet de loi : donner aux corps de po‐ lice davantage de ressources pour retrouver un individu porté disparu.

Les policiers seraient entre autres en mesure d'obtenir, sur ordonnance d'un juge, da‐ vantage de renseignem­ents provenant du disparu et d'une personne susceptibl­e de l'accompagne­r (informa‐ tions disponible­s sur le cellu‐ laire, signaux GPS, transac‐ tions bancaires, etc.)

Les premières heures d’une disparitio­n sont extrê‐ mement importante­s, a souli‐ gné François Bonnardel en conférence de presse. On sait qu’un accès accéléré à ces in‐ formations peut faire la diffé‐ rence entre la vie et la mort.

Le ministre Bonnardel sou‐ haite aussi mettre en place des formations continues obligatoir­es pour les policiers afin de leur permettre de s'adapter aux nouvelles réali‐ tés de leur travail qui, selon lui, ont évolué énormément au cours des dernières an‐ nées.

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