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Après trois ans de pandémie, la résilience des victimes de la COVID longue

- Audrey Neveu

Alors que la province sou‐ ligne les trois ans de la pan‐ démie de COVID-19 cette semaine, des centaines d'Albertains souffrent tou‐ jours de symptômes persis‐ tants, plusieurs mois après leur infection. En atten‐ dant que la science dé‐ couvre des traitement­s ef‐ ficaces contre leur mala‐ die, ils n'ont souvent d'autre choix que d'adap‐ ter leur mode de vie à leur nouvelle réalité.

Avant la pandémie, rien n’arrêtait Annie Maltais. Hy‐ peractive autoprocla­mée, cette comptable d'Edmonton s'entraînait pour un triathlon, en plus de monter à cheval plusieurs fois par semaine et de s'aventurer régulièrem­ent dans la nature pour photo‐ graphier des oiseaux.

Son infection à la COVID19 en février 2021 l'a laissée avec des problèmes de motri‐ cité importants et une fatigue chronique. Pendant des mois, elle a dû se déplacer avec des béquilles, auxquelles elle doit avoir recours de nouveau chaque fois qu’elle contracte le moindre virus.

Deux ans après son infec‐ tion initiale, elle a épuisé les ressources offertes par les cli‐ niques spécialisé­es dans le traitement de la COVID-19 en Alberta.

Elle déplore que les profes‐ sionnels de la santé ne sachent pas quoi faire des pa‐ tients comme elle.

C'est ce qui m'a fait le plus peur, c'est quand ma physio‐ thérapeute m'a dit ‘je ne peux plus rien pour toi, je te laisse aller’, explique-t-elle. Moi je suis une fille de plan. J’ai be‐ soin d’un plan, d’un cadre. Je me retrouve sans plan de physio. C'est ce dont j'aurais besoin, mais aller me payer une physio, ce n'est pas pos‐ sible financière­ment.

Annie Maltais souhaitera­it que le gouverneme­nt offre un soutien financier aux victimes de la COVID .

Souvent incapables de tra‐ vailler au même rythme qu’avant leur infection, la ma‐ ladie engloutit leurs écono‐ mies.

Des recherches encore préliminai­res

Des experts de partout dans le monde étudient les ef‐ fets du syndrome post-covid. S’ils commencent à en com‐ prendre les symptômes, il y a encore beaucoup de chemin à faire, souligne la codirectri­ce du syndrome post-COVID à la clinique Kaye d’Edmonton et professeur­e adjointe en mé‐ decine pulmonaire à l’Univer‐ sité de l’Alberta, la Dre Grace Lam.

Pour améliorer la mortalité infantile et maternelle, par exemple, cela a pris jusqu’à la fin des années 1800 et au dé‐ but des années 1900 pour que les gens comprennen­t que lorsque les chirurgien­s lavent leurs mains, les mères meurent moins souvent en couches. Nous en sommes à peu près là, illustre Grace Lam.

J’ai espoir que cela ne nous prendra pas 200 ans pour comprendre [la COVID de longue durée].

Dre Grace Lam, codirec‐ trice de la clinique Kaye sur le syndrome post-COVID

Les recherches dé‐ montrent que de 10 à 15 % des personnes infectées par la COVID-19 garderont des sé‐ quelles à long terme. Les cher‐ cheurs commencent à com‐ prendre les différents types de symptômes persistant­s: pulmonaire­s, neurologiq­ues, cognitifs, etc. Ils varient de pa‐ tient en patient, ce qui com‐ plique les recherches.

Plusieurs chercheurs de l’Université de l’Alberta mènent présenteme­nt une étude sur la COVID de longue durée. Grace Lam espère bientôt procéder à des études cliniques pour des traite‐ ments, notamment grâce à un financemen­t fédéral.

La détresse des patients force les chercheurs à accélé‐ rer le processus de recherche habituel.

Nous n’avons pas le luxe de mener des études selon leur progressio­n normale, parce que beaucoup de pa‐ tients souffrent.

Dre Grace Lam, codirec‐ trice de la clinique Kaye sur le syndrome post-COVID

Nous devons faire l’obser‐ vation de la maladie et l’étude de son traitement en même temps, dit-elle.

Le ministre de la Santé de l’Alberta tente de se faire ras‐ surant envers les patients qui ont l’impression d’avoir épui‐ sé toutes les ressources dis‐ ponibles, comme Annie Mal‐ tais.

La meilleure chose à faire [pour ces patients] est de continuer à travailler avec leur médecin de famille, pendant que nous continuons la re‐ cherche. Ce n’est pas un pro‐ blème albertain ou canadien, mais un problème mondial, souligne Jason Copping.

Services de Santé Alberta affirme que les patients at‐ teints de symptômes plus de 12 semaines après leur infec‐ tion peuvent être dirigés vers l'une des trois cliniques de traitement spécialisé­es dans la COVID longue: à la clinique Kaye d'Edmonton, ainsi qu'aux hôpitaux Peter Lou‐ gheed et Rockyview de Calga‐ ry.

Ces cliniques ont vu jus‐ qu'à présent 1907 patients et sont financées jusqu'en mars 2024.

Peu d’attentes envers la science

Annie Maltais dit quant à elle ne pas espérer de traite‐ ment miracle à court ni même à moyen terme. Elle mise plu‐ tôt sur l’appui de sa médecin de famille, qui a promis de la soutenir coûte que coûte.

Je me donne cinq ans. Je garde l'espoir de revenir… Je vise 80 % de ce que j'étais, ad‐ met-elle. Je n’ai pas d’attentes envers la science. Si ça arrive, ce sera bien, mais si ça n’arrive pas, tant pis.

Je crois plus à ma détermi‐ nation qu’aux médicament­s qu’ils vont sortir.

Annie Maltais, atteinte de la COVID de longue durée

Elle se concentre sur les progrès qu’elle a accomplis : de plus en plus d’heures de travail, des marches de plus en plus longues avec Lupin, son cheval.

Je suis présenteme­nt en train de me rebâtir une nou‐ velle vie avec ce que j’ai. Je me dis qu’au moins j’ai vécu, j’ai fait beaucoup de choses avant, ajoute celle qui rêve de retourner voyager en Tanza‐ nie.

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